Rav Imanouel Mergui
Le Talmud au traité Bérah’ot 33A enseigne « Rabi Yoh’anan et Rech Lakich disent : tout celui qui récite une bénédiction pour rien transgresse le commandement de la Tora ‘’lo tissa ète chem achem lachav’’ – tu n’évoqueras point le nom divin en vain (Chémot 20-7) ».
Si cet acte est bien évidemment très grave, c’est la troisième Parole des Dix Paroles dictées au mont Sinaï, on en n’est pas moins confronté assez souvent. Réciter une bénédiction pour rien, il ne s’agit pas seulement de celui qui s’amuse à évoquer en l’air le nom de D’IEU. Toute bénédiction récitée de façon inutile ou par erreur est susceptible de passer outre ce commandement de la Tora. On ne peut se permettre, dans un cas de doute, de se dire ‘’je fais la bénédiction je ne perds rien’’, non ceci est inconvenable puisqu’on encoure le risque de réciter une bénédiction pour rien et ainsi transgresser l’interdiction de prononcer le nom de D’IEU. Ceci est fort intéressant car ce qui est dit là c’est que même si on a une bonne intention de réciter une bénédiction on prend tout de même le risque de prononcer le nom de D’IEU en vain !
On peut également constater ce point à travers la discussion de savoir si les femmes ont le droit de réciter une bénédiction lorsqu’elles pratiquent un commandement de la Tora qui dépend du temps
– ‘’mitsvat assé chéazman guérama’’ – la Tora a dispensé la femme de pratiquer les mitsvot qui dépendent du temps par exemple la souca, le loulav, néanmoins si elles veulent, par élan personnel, elles ont le droit de pratiquer cette mitsva. La question est de savoir si elle récitera donc la bénédiction de cette dite mitsva ? Notre maître Rav Ovadya Yossef ztsal propose l’idée suivante : Tossfot disent que les femmes pourront dans ce cas réciter la bénédiction puisque l’interdiction de réciter une bénédiction inutile est seulement d’ordre rabbinique, alors que le Rambam interdit aux femmes de réciter une bénédiction puisque selon lui cette interdiction est d’ordre de la Tora !
Là encore bien que l’élan de la femme est positif, il n’en reste pas moins qu’il contient l’infraction d’une mitsva de la Tora.
L’opinion du Choulh’an Arouh’ O’’H 215-4 est qu’il est une interdiction de la Tora que de réciter une bénédiction en vain. Il sera donc interdit de répondre ‘’amen’’ après une bénédiction récitée vainement.
Ce point intéressant est majeur dans la Tora : l’élan de faire une mitsva ou quelque chose de bien n’est pas le seul motif pour se lancer dans l’action envisagée. Nous avons plein d’exemples dans la Tora de personnes qui étaient animées d’un essor positif mais qui au final les évènements ont mal tournés ! L’épisode le plus connu est celui des deux fils de Aharon qui ont voulu apporté un sacrifice… C’est bien là l’importance de l’étude et de la alah’a en particulier qui structure l’ardeur de l’homme. On s’approche de D’IEU tel que la Tora nous l’a ordonné. On n’invente pas le concept de l’amour ressenti pour D’IEU. Je cite un exemple : un homme veut offrir un cadeau à son épouse, elle sera certainement contente du geste mais elle sera peut-être déçue du contenu du cadeau. On n’invente pas l’amour parce que celui-ci n’est pas synonyme d’impulsion et de sentiments. On aime l’autre tel qu’il désire être aimé… Ce principe est vrai également pour ce qui est de l’amour de l’homme vis-à-vis de D’IEU : on doit aimer D’IEU tel qu’IL nous l’ordonne et non pas tel que nous le pensons !…
Lors d’un repas sur lequel on a fait motsi sur du pain, toute bénédiction récitée sur un autre aliment est une bénédiction en vain (puisque la bénédiction sur le pain acquitte de manière générale les autres aliments).
Lorsqu’une personne récite une bénédiction on n’a pas le droit de l’interrompre ou de lui parler d’autre chose, ceci pourrait la perturber et la conduire à interrompre sa bérah’a et par conséquent à dire le nom de D’IEU en vain (Michna Béroura).
Celui qui monte au Sefer Tora se doit de lire le texte de la Tora lu par le h’azan, sans quoi la bénédiction qu’il a récité est une bérah’a lévatala ! – Choulh’an Arouh’.
Il existe encore une multitude de cas cités dans la alah’a, essentiellement inspiré de Yabiâ Omer de Rav Ovadya Yossef, qui ont traits à l’interdit de réciter une bénédiction en vain ; par exemple si lors d’un jeûne une personne par mégarde à réciter une bénédiction qu’on prononce avant de consommer un aliment, voilà qu’elle est entre l’interdit de consommer en ce jour et l’interdit de dire le nom de D’IEU en vain. Là aussi la alah’a lui conseillera de goûter une quantité minime de l’aliment afin de ne pas transgresser le commandement de la Tora que de réciter une bénédiction en vain.
Mais ; notre sujet ne se limite pas uniquement au niveau de la alah’a, il touche également l’éthique que nous essaierons de voir à travers le Maharal (Tiferet Israel 39). Profaner le nom de D’IEU c’est une notion qui relate de l’honneur de D’IEU. Le nom est représentatif de l’essence de la ‘’chose’’, citer le nom en l’air c’est témoigner que la chose représentée par le nom n’est pas d’une grande valeur, et lorsque tout ceci touche D’IEU c’est grave. La faute est encore plus grave pour celui qui prononcera un faux témoignage en y associant le nom de D’IEU. Il associe mensonge et vérité, c’est un blasphème, un déshonneur sans égal au nom divin. C’est d’ailleurs pour cela qu’il faut être très vigilant de ne jamais promettre ou jurer quoi que ce soit, les conséquences sont très graves, et certainement pas en y ajoutant un nom divin. Rabénou Yona dit qu’il ne faut jamais dire ‘’béémète’’ !
Il est d’ailleurs plus condamnable de mentir en utilisant le nom de D’IEU que de renier D’IEU ou que de commettre l’idolâtrie !, s’exclame le Maharal. Croire que D’IEU n’existe pas n’est pas une atteinte à l’essence de D’IEU – en soi D’IEU est là !, par contre mentir par son nom c’est atteindre à son honneur, explique-t-il. C’est d’ailleurs l’unique faute dans la Tora où il est dit « D’IEU n’absoudra pas celui qui invoque son nom en vain » (Chémot 20-7), ceci veut dire, poursuit le Maharal, qu’il n’est pas possible de faire téchouva sur cette faute ! Une des conséquences de prononcer le nom divin en vain est la pauvreté ! (Nédarim 7B). La pauvreté est synonyme que D’IEU laisse cette personne de côté, IL ne s’occupe pas d’elle et ceci en reflet de la négligence que la personne a eu envers D’IEU.
Le Maharal met là en avant la notion du ‘’kavod achem’’ – l’honneur de D’IEU. Le kavod est une notion à laquelle l’homme est très sensible. La clé de l’entente sociale touchant tous les cercles : famille, voisinage, travail, éducation etc. c’est le kavod ! La raison de tous les conflits soient-ils c’est le manque de kavod que les uns et autres ne s’offrent pas. Il est préférable de donner plus de kavod que ce qu’il n’en faut plutôt que d’en donner moins, écrit mon Maître Rav Wolbe zal ! De surcroît le kavod dû à Hakadosh Barouh’ Hou doit être excellent. En réalité et en simple ne pas donner du kavod c’est ne pas reconnaître la valeur de…, or le référentiel de la valeur de ‘’l’autre’’ c’est l’autre et non moi. Une chose vaut ce qu’elle vaut non pas parce que j’ai ‘’moi’’ décidé de lui reconnaitre une valeur mais parce que sa valeur elle l’a possède en elle-même.
Apprenons à s’offrir mutuellement du kavod, c’est la clé du bonheur assuré !