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Vers la lumière : une prière libératrice

Rav Imanouel Megui

La fête de Pessah’ approche et les préparatifs sont immenses ; toutefois il y a une notion qu’on a tendance à bafouer, tout au long de l’année d’ailleurs, et qui prend un sens particulier à travers la fête de Pessah’ !

Le Maharal écrit dans son fabuleux ouvrage ‘’Guévourot Hachem’’ chapitre 61 : « à la fin de la Hagada nous louons D’IEU de nous avoir sorti de l’obscurité vers la lumière, parce que lorsque nous étions en Egypte nous ressemblions à une personne se heurtant à un obstacle pour accéder à la lumière. Etant en Egypte nous n’existions qu’en potentiel, nous étions comme un fœtus dans la matrice de sa mère, la sortie d’Egypte est comparée à la naissance de l’enfant. C’est cela même l’obscurité : l’inexistence active et effective ! La lumière est notre devenir ! ». Le peuple d’Israël devient un peuple en sortant d’Egypte…

La définition de notre peuple connaît de nombreuses facettes et nombre d’enjeux en découlent. Mais ce n’est pas un discours théorique qu’il faut tenir pour les expliquer, comme le dit le Maharal : nous sommes devenus un peuple ‘’bépoâl’’ – c’est-à-dire activement, le peuple d’Israël ne naît pas à travers de grands discours théoriques mais pratiques !

Par conséquent, il me paraît opportun de rappeler, d’analyser et d’étudier, autant que ce peut, un comportement qu’on a tendance à négliger : la prière en communauté – appelée ‘’téfila bétsibour’’. Si la notion du ‘’tsibour’’ collectivité est naît à travers la fête de Pessah’, elle redouble de sens en étant le composé de la prière, car, toute la sortie d’Egypte ne pu se faire seulement par l’acharnement de nos prières comme on peut le lire dans la parachat Chémot. Selon Ramban lorsque les Enfants d’Israël quittèrent l’Egypte ils n’étaient aucunement méritants et ce n’est que par l’intermédiaire de leurs prières que D’IEU a mis en marche cette libération. Ces deux notions, je veux dire ‘’prière’’ et ‘’communauté’’, naissent

donc de la fête de Pessah’, n’est-il donc pas d’évidence qu’en cette fête c’est bien ces deux notions, et conjuguées, que nous nous devons d’exploiter ?!

Si la prière en communauté est négligée se peut être pour plusieurs motifs, je pense toutefois qu’une des raisons majeures est que les fidèles ignorent l’importance de ce que cela représente. On peut saisir l’impact de la prière en communauté à partir de certains enseignements de nos Sages, nous essaierons d’en apercevoir quelques uns à travers cette étude :

Bérah’ot 8a : « Rabi Yoh’anan a enseigné au nom de Rabi Chimon Bar Yoh’aï : quel est le sens du verset (récité le Chabat après-midi avant Minh’a) ‘’Je prie vers Toi, D’IEU, au moment de grâce’’ – quel est donc ce moment où D’IEU agrée-t-IL nos prières ? C’est lorsque la communauté prie ! ». Si l’homme prie seul sa prière n’est pas rejetée, cependant elle n’est pas reçue avec bon vouloir, par contre la prière en communauté est acceptée agréablement

– explique le Méromé Sadé. Selon le Maharcha ce passage n’encourage pas la prière en communauté puisque ceci nous l’apprenons clairement de Moché Rabénou lorsqu’il dit aux Enfants d’Israël « D’IEU est proche de nous chaque fois que nous l’appelons » ce qui fait référence à la prière en communauté comme l’explique le Talmud au traité Yébamot 49b ; ce passage encourage l’homme qui prie seul à prier au moins au même moment où la communauté prie ! C’est dire que la notion de communauté est tellement forte qu’à distance elle a de l’effet, par conséquent même lorsqu’on prie seul il faut s’efforcer de prier au même moment où la communauté prie afin de bénéficier de la qualité de la communauté pour voir sa prière exaucée !

Le Talmud poursuit « Rabi Nathan disait : D’IEU ne répugne pas la prière de la communauté, D’IEU a dit ‘’tout celui qui s’investit dans l’étude de la Tora, dans la générosité je considère comme s’il m’avait libéré ainsi que mes amis d’entre les nations », la prière est libératrice ! Rachi explique que prier avec la communauté c’est prier avec D’IEU lui-même.

« Rech Lakich a dit : tout celui qui ne va pas prier dans la synagogue qui se trouve dans sa ville est appelé ‘’chah’en râ – mauvaise fréquentation’’, et plus encore il entraîne l’exil à lui et à ses enfants ! ». La prière individuelle entraîne l’exil. Effectivement, explique le Maharcha, le monde repose sur trois choses parmi elles la âvoda – le service du Temple – celui-ci est remplacé après sa destruction par la prière en communauté.

Bérah’ot 6b : « Rav Houna a dit : tout celui qui prie derrière la synagogue est appelé rachâ – impie », selon Rachi et Tossfot il s’agit d’une personne qui ne prie pas dans la même orientation géographique que la communauté. Selon le Maharal (Netiv Haavoda chap. 5) il s’agit plutôt d’une personne qui ne prie pas avec la communauté, or, dit-il, nous savons que tout celui qui se tient à l’écart de la communauté est appelé rachâ ; comme le dit la Hagada ‘’le rachâ s’est exclu de la collectivité et a donc renié les fondements de la foi’’.

Rav Fuks écrit dans ‘’Halih’ot bat Israël’’ (page 53 et note 67) « même s’il n’incombe pas aux femmes de prier avec la communauté il est tout de même grandement méritoire

pour la femme de prier avec la communauté, c’est ce que nous enseigne le Yalkout Chimôni Ekev (871) « voilà l’histoire d’une femme qui était très âgée… Rabi Yossi ben H’alafta l’interrogea sur ce qu’elle avait l’habitude de faire pour comprendre son mérite de longue vie. Elle répondit : même lorsque j’ai des choses très importantes à faire je ne m’occupe de rien tant que je ne me suis pas rendu à la synagogue tôt le matin pour prier ». Le Maguen Avraham déduit qu’il est méritoire de prier dans la synagogue la plus loin, à partir de ce que la Guémara au traité Sota 22 raconte à propos d’une veuve qui allait prier dans la synagogue de Rabi Yoh’anan bien qu’elle avait une synagogue près de chez elle…

Le Rambam écrit au 8ème chapitre des Hilh’ot Téfila « la prière en communauté est toujours écoutée, et même si cette communauté compte des fauteurs malgré tout D’IEU ne rejette pas la prière faite en communauté… l’homme ne priera pas seul s’il a la possibilité de prier avec la communauté ». La puissance de la communauté étouffe la faute, malgré ses fautes l’homme peut voir un effet conséquent dans sa prière lorsqu’il lie sa prière à la collectivité. Le tsibour apparaît être en soi une forme expiatrice des fautes. Pourquoi ? Peut-être que la communauté est le seul moyen permettant à l’homme réviser son ego ; d’ailleurs toutes les bénédictions de la prière quotidienne, je veux dire de la âmida, sont au pluriel. Or l’origine de la faute est bien cette ego qui nous surpasse et nous tracasse…

Voir également Choulh’an Arouh’ O’’H 90-9 qui dispense uniquement le ‘’onesse’’ (cas de force majeur) de prier en communauté. Il écrit encore (ibid. 90-16) « celui qui est en voyage et arrive en ville s’il y a un minyan devant lui il parcourra 4 mil et si le minyan est à un mil derrière lui il devra rebrousser chemin ». Le problème est justement là qu’est-ce qu’on appelle un cas de force majeur ? Cette question conduit à une négligence de prier en communauté. La moindre indisposition – souvent non justifiée – devient un prétexte pour prier chez soi plutôt qu’à la synagogue. Rav Moché Feinstein écrit dans ses Iguérot Moché : la prière en communauté est réelle une obligation et non une simple sévérité !

Enfin, le Pélé Yoets s’exclame « notre seul secours est de prier en communauté ». En ces fêtes de Pessah’ où nous espérons et prions pour la réelle Guéoula, aspirons à la mettre en marche et ce de façon concrète et active par exemple en priant dorénavant avec le tsibour…