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L’aventure du “moi” – Partie 3

Rav Imanouel Mergui

Trois fois par jour dans nos prières quotidiennes, nous récitons la prière du ‘’modim’’. Dans cette prière nous proclamons notre gratitude envers D’IEU pour tous ses bienfaits à notre égard. Nous y disons notamment ‘’véâl nichmoténou hapékoudot la’h’’ – pour notre âme qui t’es confié ! Il est de notre devoir de dire merci dès le lever parce que D’IEU nous rend notre âme ! Sommes toutes D’IEU ne nous doit rien du tout, et tout ce qu’il nous offre est pur cadeau. Et, au fil de la journée, nous Lui proclamons encore par trois fois le fait qu’IL s’occupe de notre âme ! D’IEU ne se soucie pas uniquement de nos besoins matériels mais même de notre âme. Quel est ce soutien divin dont notre âme nécessite ? Il faut avant-tout bien définir l’âme pour comprendre ses besoins. Toutefois dans un premier temps ici nous exprimons notre reconnaissance au fait que D’IEU entretienne notre âme en nous et ne la rappelle pas vers Lui. Le temps de la vie, quand bien même est-il défini par D’IEU, nous l’ignorons, et à notre échelle Il peut à tout moment reprendre son bien. L’âme est divine et elle appartient à D’IEU. Il nous la prête.

Il s’inscrit dans le programme de l’aventure de l’être cette faculté de remercier ! Pourquoi ? La reconnaissance des bienfaits n’est pas qu’une vertu parmi toutes les autres vertus, elle est l’essence de notre être. Cela peut paraître paradoxal parce que remercier c’est se tourner vers l’autre, c’est prendre conscience que l’autre a fait quelque chose pour moi et lui exprimer ma gratitude. On ne voit pas très bien pourquoi est-il si essentiel que de dire merci. On est scandalisé lorsqu’une personne ne nous dit pas merci, mais on oublie souvent à notre tour de dire merci aux autres. On comprend le besoin du merci. Pourquoi ?

Lorsqu’une personne nous dit merci on apprécie le fait de lui avoir apporté quelque chose dans sa vie, comme si maintenant sa vie était marquée de notre emprunte. En d’autres termes on se sent utile face à une personne qui était dans le besoin, on existe même à travers ce qu’on apporte à l’autre. On exprime notre personne dans ce que nous apportons aux autres. En simple dire merci, comme recevoir le merci, c’est reconnaître nos faiblesses et notre besoin de se tourner vers autrui pour qu’il nous aide. Les orgueilleux ne disent pas merci, comme si tout ce qu’on faisait pour eux était normal ou un dû. Peut-être est-ce vrai que l’on se doit d’aider l’autre mais ceci n’enlève en rien son devoir de remerciement. Remercier c’est le plus bel exercice de la vie, c’est dire qu’on se méconnaît et qu’on a besoin d’autrui. Et là commence notre aventure, connaître nos limites, nos besoins, notre faculté d’être dépendant de ses parents, son conjoint, sa famille, son patron, son employé, le commerçant, le client etc. etc. Il n’y a rien de honteux ou de rabaissant que d’affirmer sa faiblesse à l’autre et de lui demander de nous venir en aide.

A fortiori lorsqu’il s’agit de notre rapport à D’IEU. Sans Lui on ‘’a rien’’. Sans Lui on ‘’est rien’’.

Notons que la bénédiction de ‘’modim’’, de l’expression de notre gratitude envers D’IEU vient en fin de prière ! C’est après qu’on a demandé à D’IEU toutes nos requêtes, qu’on arrive vers la fin de la prière pour lui dire merci. Intéressant qu’on ne commence pas la prière par dire merci ! Pourquoi ? A réfléchir…

Mais peut-être, justement après avoir récité nos demandes, nous avons pris conscience de tout ce qu’il nous manque, donc de nos faiblesses et de ce nous sommes sans lui, alors on dit merci qui est cette même prise de conscience !

Le moi commence là où on ignore ce que nous sommes.

C’est un peu ça toute la prière, se rapprocher de D’IEU certes, mais également, voire surtout, se rapprocher de soi !