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Le Messie est au pas de la porte… Ou pas !

Par Rav Yona Ghertman

Guerres en Israël, expansion de Daesh, attentats en France… Autant d’évènements qui interpellent les adeptes de « la Fin », soucieux de voir dans l’actualité l’ombre du Messie se profiler. Après l’attaque du Bataclan le 13 Novembre dernier, un message a circulé sur les réseaux sociaux, signalant que le groupe de Rock qui était alors sur scène –Eagles Of Death Metal- a les mêmes initiales que « EDOM », le symbole de l’occident dans la littérature rabbinique. Le sermon était tout trouvé : Ishmaël attaque Edom, le monde musulman rentre en guerre contre l’occident, c’est là un signe annonciateur des temps messianiques…

Outre les vulgaires amalgames portés par ce genre de sermons, l’insistance à voir dans chaque tragédie l’annonce de la fin des temps reflète un manque de recul historique, voire une méconnaissance des textes de notre tradition. Or la prudence doit être de mise dans un domaine où nombre de grands maîtres se sont fourvoyés, malgré leur perspicacité démontrée par ailleurs dans leurs œuvres. L’illustre Rachi témoigne ainsi des tentatives d’explications avortées, dans son commentaire sur un texte biblique ayant trait à la rédemption finale (Daniel 8, 14) : « Nous attendons avec espoir notre Roi [messie] Fin après Fin. Si la [date de la] Fin prédite par un commentateur est dépassée, nous savons qu’il s’est trompé et qu’il faudra rechercher d’autres interprétations ». Et le Sage champenois de mentionner un essai de calcul par Rav Sa’adia Gaon (10ème siècle) : « J’ai vu une interprétation au nom de Rav Sa’adia, mais sa date est déjà dépassée ».

Dans son Épître au Yemen, Maïmonide se demande comment Rav Sa’adia Gaon a-t-il pu se risquer à calculer la fin des temps malgré l’avertissement talmudique : « Que le vent souffle sur ceux qui calculent la fin ! Lorsqu’arrive le jour prédit par leurs calculs et que le Messie n’est pas arrivé, ils prétendent qu’il ne viendra plus» (Sanhédrin 97b). Il explique alors qu’en son temps, Rav Sa’adia fut

confronté à une communauté déchirée par des doutes sur la foi en Dieu. Il devait trouver le moyen de rassembler la foule, et jugea opportun de le faire en calculant l’arrivée du Messie, afin de montrer que la délivrance était proche.

Cependant lorsque Maïmonide s’exprime aux Juifs du Yémen, frappés de persécutions et également en proie aux plus grands doutes sur l’avenir, il tente lui aussi de les rassurer en

indiquant une fin prochaine : « Sa venue *du Messie+ aura lieu lorsque s’attaqueront Chrétienté et Islam et lorsque leur empire s’étendra sur le monde, comme en cette époque, c’est là quelque chose d’indubitable et il n’y aura pas de démenti ». La date de 1212 est même avancée, la lettre étant écrite en 1172. Son dévoilement est justifié par l’attente d’une communauté terrorisée : « Nous disons que c’est véridique, après que nous avons été mis en garde à ce sujet et que nous avons été dissuadés de le révéler. Nous te l’avons fait connaître pour que le jour ne soit pas lointain aux yeux du peuple ».

Les spéculations sur la fin des temps, comme tout « opium du peuple », ont effectivement l’avantage de maintenir l’espérance vivace. Certains en ont besoin dans de graves circonstances, qu’il appartient aux autorités rabbiniques de cerner. Mais à priori, la réponse aux doutes se trouve davantage dans la réflexion et l’étude que dans le décryptage hasardeux de l’actualité. Nous croyons d’une foi parfaite en la venue du Messie, mais également en l’intelligence humaine.

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Phrase accroche :

Au choix :

1/ « La réponse aux doutes se trouve davantage dans la réflexion et l’étude que dans le décryptage hasardeux de l’actualité »

2/ « L’insistance à voir dans chaque tragédie l’annonce de la fin des temps reflète une méconnaissance des textes de notre tradition »