Rav Imanouel Mergui – Roch Kolel
Qu’est-ce qui m’arrive ? Avons-nous l’occasion d’entendre ici et là. Qui ne se plaint
pasplain pas de son sort ? Qui accepte TOUT ce qui lui arrive dans la vie ? Qui ne voit pas
dans dans le monde une ‘’certaine’’ injustice ? On arrive facilement à expliquer notre
mode de vie, nos choix et nos comportements divers. On arrive tellement bien à les expliquer
qu’on ne comprend pas les choix de D’IEU et le sort qu’Il nous réserve. On ne le comprend
tellement pas qu’on s’interroge à son égart. ‘’Qu’est-ce que j’ai fait au bon D’IEU ?!’’ On ne
comprend pas que D’IEU ne nous comprenne ^pas. Certains traitent D’IEU d’injuste ! Non
seulement qu’on ne comprend pas ce qu’IL fait mais pire encore ce qu’IL fait n’a pas de
logique et est contraire à tout entendement. Tous ces sentiments et toutes ces appréciations
laissent apparaître un principe simple : ce que je reçois doit correspondre à ce que je fais, ou,
plus exactement, à ce que je suis. C’est un principe que l’homme comprend très bien puisqu’il
l’a découvert par lui-même. Le décalage entre MOI et ce qui M’ARRIVE est insupportable !
Mais il ne suffit pas de comprendre et de découvrir de grands et beaux principes. Il faut
également vivre avec ces principes. Et si un principe comme tel l’homme l’a découvert c’est
dire que ce principe est d’une logique absolue. Même les enfants l’ont découvert puisqu’ils ne
supportent pas l’injustice de leurs supérieurs (parents ou professeurs). Nos Sages l’ont nommé
Mida Keneged Mida. On en a un exemple dans notre paracha 14-37, voir Rachi qui décrit la
mort que subiront les explorateurs et qui explique en quoi correspond elle exactement à leur
faute. Vu la complexité de la question je pense (c’est très personnel) que c’est son ouvrage
fabuleux Moré Hanévoh’im (traduit par : Le Guide des Egarés), Maimonide traite
longuement de cette question. Je ne rapporterai seulement quelques phrases (je laisse le soin
au lecteur de se plonger dans l’océan de cet ouvrage pour avoir une idée plus complète. Il est
important de rappeler que Maimonide n’est pas le seul à s’être penché sur cette question. Il
conviendrait d’approfondir le sujet en remontant jusqu’à son origine c’est-à-dire dans le
Talmud au traité Sota 35a, ce qui ne pourrait se faire en ces lignes. J’incite le lecteur, la
lectrice, à organiser des cercles de réflexion et d’étude autour de ce débat… Plutôt que d’aller
chercher des remèdes chez des ‘’pseudo – kabbalistes’’, efforçons nous de trouver des
réponses dans notre sainte et belle Tora…).
Le Guide des Egarés 3eme partie chapitre 17 (page 463 éditions verdier – avec
quelques corrections) « C’est un des principes fondamentaux de la Tora, qu’on ne saurait,
en aucun cas, attribuer à D’IEU l’injustice, et que tous les malheurs qui fondent sur les
hommes ou les bienfaits qui leur arrivent, soit individuellement, soit collectivement, sont,
selon ce que ceux-ci en sont aptes selon un jugement juste dans lequel il n’y a absolument
aucune injustice…’’Car toutes ses voies sont justice’’ – Dévarim 32-4, bien que nous
ignorons de quelle manière on est apte (au châtiment ou au bienfait) ». Il écrit encore (page
464) « Nous sommes d’avis que tout ce qui arrive à l’homme est l’effet de ce à quoi il
convient, il est grave de croire que D‘IEU commet l’injustice, IL ne châtie que l’homme qui
est coupable…Nos sages disent explicitement : ‘’il n’y a pas de mort sans péché, pas de
malheurs sans faute’’ – Chabat 55a. Ils disent encore : ‘’on mesure à l’homme selon la
mesure qu’il a lui-même employée ». Et enfin il dit (page 466) « L’effet de la volonté divine
conformément à son jugement dont les règles sont inaccessibles à notre intelligence ! ».
Rachi dans notre paracha écrit une idée similaire (14-37) « Les hommes qui ont
prononcé des mauvaises paroles à propos de la terre sont morts par l’épidémie devant
D’IEU ». Il n’est pas dit par ‘’une épidémie’’, l’expression employée par la Tora
‘’l’épidémie’’ laisse clairement entendre qu’ils ont subit la peine qui leur convenait le
mieux. ‘’Devant D’IEU’’ désigne : en fonction de ce qui leur convenait selon les règles du
divin en l’occurrence : mida keneged mida – par la mesure que l’homme se comporte, D’IEU
use de la même mesure.
Nous pouvons apprendre et déduire plusieurs points. Tout d’abord l’injustice divine
n’existe pas. C’est un leurre de la part de l’homme. C’est là un postulat de base (qui
s’explique et se démontre – bien évidemment). Arrêtons de croire que D’IEU est injuste
(même si ça nous arrange et c’est plus facile de vivre avec cette théorie).
Deuxièmement : tout ce qui arrive à l’homme, en bien comme en mal, c’est ce qui lui
convient avec exactitude. Ce que j’ai est le reflet de ce que je suis. Plutôt que d’avoir de l’a
priori sur soi et par conséquent constater une injustice sur ce qu’on reçoit, il conviendrait
mieux qu’on découvre ce qu’on est à travers ce qu’on reçoit. Etant donné que ce que je reçois
correspond à ce que je suis, ce que je reçois me renvoi donc à ce que je suis. Je peux donc
découvrir ce que je suis véritablement à travers ce que je reçois. Le troisième point qu’on peut
apprendre c’est que les règles divines sont différentes des règles humaines. Même si le
principe d’injustice est accepté du divin comme de l’humain ce qui diffère c’est les règles, les
définitions, de l’injustice, je dirais le comment de l’injustice. C’est dire que la perception
humaine des choses ne correspond pas à la perception divine. Ce que je reçois découle d’un
raisonnement divin et non humain. Toutes ces questions que je peux avoir sont donc erronées
puisque celles-ci puisent leur origine de ma perception des choses qui diffère, voire s’oppose,
au divin. Or on ne peut pas poser de question sur un système à partir des règles d’un autre
système. Et enfin le quatrième point qu’on découvre ici c’est que l’homme ignore totalement
les règles du divin et en aucun cas il ne pourrait les connaître. C’est sans doute le point le plus
difficile à admettre puisqu’il en ressort que l’homme subit les règles du jeu dans lequel il est
lui-même l’acteur (cependant rappelons nous : derrière chaque acteur il y a un réalisateur !…).
On est dans un système qui ne laisse rien apparaître de ses règles. On dira donc qu’il n’est pas
important, vital, indispensable à l’homme de comprendre les règles (il en serait peut-être
même nuisible…), et ce à partir du moment où ce qu’il reçoit correspond à ce qu’il est et qu’il
découvre ce qu’il est à travers q ce qu’il reçoit.
INJUSTICE n’est ni humain ni divin.
La question, ou plus exactement l’émotion reste toutefois mal gérée. Effectivement
les sentimentaux soumettront la question (une question peut elle être sentimentale ?!…) de
savoir comment supporter ce qui à nos yeux paraît être de l’injustice ? Qu’ils gèrent leurs
sentiments, qu’ils les placent là où ils doivent jouer leur rôle, qu’ils arrêtent de se faire justice
pour traiter les AUTRES d’injustes, leur dira-t-on. Quand on a mal on consulte un médecin.
Quand on ne comprend pas on consulte LA raison.