Rav Imanouel Mergui
Tout appareil qu’on possède, afin de l’utiliser correctement ses fabricants se soucient de lui attribuer un mode d’emploi afin de l’utiliser correctement et d’exploiter ses atouts. Celui qui utilise un appareil quelconque en ignorant ce mode d’emploi il ne peut qu’abîmer l’appareil. L’être humain connaît cette même règle. Comment faire bon usage de soi si on n’a pas appris ce que nous sommes ?! Qui peut prétendre se connaître correctement sans apprendre ce qu’il est ?! Ne pas apprendre ce qu’on est c’est se méconnaître. Soi on se ment et on pense se connaître, soi on est conscient qu’on se méconnaît et volontairement on veut ignorer ce qu’on est. Dans ces deux cas on passe à côté de quelque chose d’essentiel, on évite notre être et toute notre vie est biaisée !
Tous les matins nous récitons deux bénédictions fantastiques : 1) acher yatsar, 2) élokaï néchama. La première traite du corps et la seconde traite de l’âme. Cela est évident que l’être se défini par ces deux pôles : le corps et l’âme. Pour faire bon usage de soi, on se doit de définir ces deux aspects de notre être. Ceci implique trois étapes fondamentales :
1) Qu’est-ce que le corps ?
2) Qu’est-ce que l’âme ?
3) Comment les harmoniser ?
Il y a dans l’ordre de ces deux bénédictions quelque chose de fantastique : les Sages ont précédé la bénédiction du corps à celle de l’âme ! D’abord on bénit D’IEU de nous avoir donné un corps qui fonctionne, et ensuite on bénit D’IEU de l’âme pure qui habite et anime notre corps ! Il est donc d’une extrême nécessité d’étudier avec profondeur ces deux bénédictions qui sont le mode d’emploi de notre être.
Notons encore un point majeur. Les sages ont institué qu’à chaque fois que nous allons aux toilettes dans la journée pour faire nos besoins nous devons réciter la bénédiction de acher yatsar, donc ce sont plusieurs fois par jour que nous louons D’IEU à propos de notre corps. Pour l’âme ce n’est qu’une fois par jour, au réveil, que nous louons D’IEU !
Tout ceci n’est pas anodin. Cela peut avoir plusieurs raisons : le corps est le moyen sûr d’accéder au divin, ou au contraire le corps est ce qui risque de nous éloigner de D’IEU. Ces deux idées ne sont pas contradictoires, bien au contraire elles sont complémentaires ; parce que, ce qui est à même de nous éloigner le plus de D’IEU est à la fois ce qui est susceptible de nous ramener le plus à D’IEU. Comment ? Si on n’étudie pas le mode d’emploi du corps alors on tombe dans l’aspect grossier du corps, son côté matière et là on s’éloigne de D’IEU parce qu’on s’éloigne de soi. Celui qui méconnaît son corps en fera mauvais usage et donc à travers le corps il s’éloigne tous les jours de lui-même et donc de D’IEU ! Si au contraire on apprend ce qu’est notre corps alors on saura en faire bon usage, on sera en harmonie avec soi même et on l’utilisera à bon escient ainsi on retrouvera D’IEU à travers notre corps.
Il reste surprenant que nous ne récitions la bénédiction de l’âme qu’une seule fois par jour ! On reparle clairement de l’âme dans les Psaumes de David que nous prions tous les matins dans le dernier Halélouya ‘’kol hanéchama téhalel ya’’ ! Je vois à cela plusieurs raisons. Dans un premier temps la bénédiction de l’âme si elle est récitée avec toute son intensité elle est suffisante une fois par jour. On peut dire encore : le corps connaît un tel danger de s’éloigner de soi et de D’IEU qu’il faut qu’on se le dise plusieurs fois par jour que le corps n’est pas que matière. Et enfin on avancera encore, il n’est pas de grand intérêt de parler de son âme tant que nous n’avons pas appris à connaître notre corps…
En vérité ces deux bénédictions du matin sont précédées par deux autres passages : 1) modé ani – nous exprimons notre reconnaissance à D’IEU qu’IL nous a rendu notre âme !, 2) âl nétilat yadaïm – une bénédiction spécifique sur nos mains ! Là c’est l’âme qui est citée avant le corps, avant les mains. Il nous faut réfléchir sur ces deux notions afin de vivre en harmonie. La reconnaissance des bienfaits que D’IEU nous offre est ce par quoi nous débutons notre journée, dès le réveil nous apprenons à dire merci à D’IEU pour tout ce qu’IL nous octroie et en particulier de nous avoir rendu l’âme (en français ‘’rendre l’âme’’ c’est mourir, dans nos prières ‘’rendre l’âme’’ c’est vivre…). Avec un peu de bon sens, et de façon spontanée puisque dès le réveil où notre cerveau et notre corps sont encore un peu endormis, on dit merci à D’IEU pour l’âme. Les mains représentent le produit de l’homme. Ce produit qui risque d’éloigner l’homme de l’existentiel. On doit ramener nos mains à D’IEU, à l’âme… Celui qui sait dire merci sur son âme saura utiliser correctement ses mains. Si l’âme est liée dès le démarrage de la journée dans la bénédiction du remerciement c’est dire que la faculté première de l’âme c’est de reconnaître et de remercier. Ce remerciement vient exprimer cette prise de conscience qu’il y a autre chose que moi-même, on dit merci à ‘’l’autre’’. C’est ne pas s’emprisonner dans notre ego. La connaissance de soi a pour but l’ouverture de soi vers un univers existentiel et non introverti. L’homme a souvent l’impression que sa vie ne toure ‘’que’’ autour de lui, l’autre l’effraie, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de se tourner vers D’IEU, qui sommes toutes c’es LUI qui nous offre la vie. L’âme rappelle le corps à l’homme, non pas pour le cloisonner mais au contraire pour lui donner la possibilité de s’épanouir. Tout être humain cherche l’épanouissement de soi, mais épanouissement n’est synonyme de s’évader de soi. Apprendre à se connaître c’est prendre conscience de ce que nous sommes pour être ce que nous sommes en mesure d’être, au niveau du corps et de l’âme et de leur conjugaison !…