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Bassar Béh’alav – בשר בחלב de l’interdit de mélanger la viande et le lait

Rav Imanouel Mergui

HALAH’A : La problématique de ‘’bassar béh’alav’’ ne se limite pas de savoir s’il est autorisé d’utiliser un même évier ou une même machine à laver la vaisselle pour le lait et la viande – d’ailleurs cette question est loin d’être la plus compliquée puisque pour les Séfaradim ceci n’est en rien un problème comme le stipule clairement le Choulh’an Arouh’ 95-4 les produits nettoyants utilisés, tel les savons vaisselle, abîment tout goût de l’élément interdit, et pour les Achkénazim ceci semble être interdit (voir Taz et Chah’). Une autre question très actuelle est celle du double usage du four tantôt pour le lait et tantôt pour la viande ; ainsi que toutes les questions qui tournent autour du micro-onde…

Le Choulh’an Arouh’ Yoré Déâ a composé douze chapitres sur les lois de l’interdiction de mélanger le lait et la viande su siman 87 à 97 inclus. En réalité bassar béh’alav s’inscrit également dans les lois dites de taârovot à propos desquelles le Choulh’an Arouh’ a composé encore quatorze chapitres du siman 98 au siman 111 inclus. Ces lois s’inscrivent dans un des sujets les plus délicats et des plus quotidiens de la vie dujuif : LA CACHEROUTE. Nous essaierons ici de nous en tenir aux lois liées directement au mélange ‘’lait-viande’’ en suivant l’ordre des chapitres du Choulh’an Arouh’. Le but du présent article est de noter les grandes lignes sans rentrer dans le détail de la halah’a vu sa richesse et sa complexité. Chaque particulier s’avisera de contacter son RAV pour des réponses précises et pour des questions concrètes.

Quelle viande est concernée par cet interdit ? Viande d’animal et de volaille. Par contre le poisson et les sauterelles sont autorisées avec le lait (cependant selon le Ben Ich H’aï et Rav Ovadya Yossef il convient de ne pas consommer du poisson avec du fromage).

Quel lait est concerné par cet interdit ? Tout lait d’animal cachère. Certains laits soulèvent le problème de ‘’marit haâyin’’ – c’est-à-dire qu’à la vue des autres cela peut prêter à confusion de croire qu’on consomme du lait avec de la viande, ces laits sont : du jus de noix de coco et le lait maternel. La fabrication de fromage cachère est concernée par cette problématique de mélange de lait et de viande puisque certaines méthodes utilisent des particules de l’animal pour effet de présure.

Tout type de cuisson ou de préparation culinaire interdit le mélange de viande et lait comme par exemple : grillade, fumé, friture.

Du fait qu’il est interdit de cuisiner et de consommer la viande et le lait nos Sages ont interdit de poser sur la table, où on prend son repas, du lait et de la viande au même moment de peur qu’on en vienne à les consommer ensemble. Par conséquent deux personnes qui mangent ensemble l’une un repas lacté et l’autre un repas de viande devront faire attention de marquer une séparation ou un signe distinctif pour ne pas qu’ils en viennent à partager leur mets. Il est tout à fait possible de déposer dans le frigidaire et ce même sur la même étagère du lait et de la viande, en faisant tout de même attention qu’ils ne se touchent pas.

L’interdiction de mélanger la viande et le lait veut qu’on attende un laps de temps considérable entre le moment où on a terminé de consommer la viande et le moment où l’on s’apprête à consommer le lait. Ce laps de temps varie entre les communautés – selon le Choulh’an Arouh’ on attendra six heurs entière !, alors que selon le Rama une heure d’attente suffira. Dans les cas de nécessité comme pour les

enfants ou les personnes malades on sera plus indulgent… Il est bon de noter que certains médicaments sont composés d’éléments lactés ou carnés voire d’autres éléments non cachère – de manière générale ces médicaments ne sont pas interdits !

Le Choulh’an Arouh’ a consacré tout un chapitre siman 90 concernant la cacheroute de la mamelle !

Quant au mélange de lait et de viande on distingue deux grands pôles : 1) mélange à froid, 2) mélange à chaud. Parfois il suffira de rincer les aliments, parfois il faudra les gratter, parfois il faudra soixante fois le volume et parfois le tout sera interdit.

Concernant les ustensiles de lait ayant été utilisé par mégarde pour de la viande, ou le contraire il faudra distinguer entre l’utilisation dans les vingt quatre heures ‘’méête léête’’ et au-delà des vingt quatre heures où le goût de l’interdit est affaibli ce qu’on appelle ‘’notène taâm lifgam’’. Cette nuance n’est valable uniquement pour l’aliment, par contre pour ce qui est de l’ustensile il devra être cachérisé.

Imaginez une cuillère de viande, c’est-à-dire qui a été au contact d’une viande chaude, trempée par mégarde dans du lait chaud, ou le contraire une cuillère de lait dans la viande, que doit-on faire de cette cuillère ? Le Choulh’an Arouh’ a réservé quatre paragraphes au siman 94 sur cette question !

Des aliments dits parve (ni lait ni viande), comme des pommes de terre, cuisinés dans un ustensile viande peuvent-ils être consommés avec du lait ? Selon le Choulh’an Arouh’ siman 95 ceci est autorisé – c’est ce qu’on appelle ‘’nat bar nat déhétéra’’ c’est-à-dire : la casserole de viande lâche du goût vers les pommes de terre, or ce goût n’est pas un interdit, puis la pomme de terre prendra le goût du lait par le produit lacté qu’on veut y mélanger.

L’aliment dit h’arif (fort) coupé avec un couteau de viande ne pourra être consommé avec du lait uniquement sous certaines conditions. Ceci soulève la question des épices.

Enfin le Choulh’an Arouh’ clôture ces lois par la vigilance quant au pain et à la pâte cuisinés avec du lait (par exemple : croissant au beurre).


REFLEXION : Les ‘’gens’’ sont parfois surpris de constater la minutie de ces lois. D’autant plus, comme disent certains « est-ce que ça change vraiment les choses », ou encore « dans un monde ‘’évolué’’ n’a-t-on pas d’autres choses à faire que de s’arrêter à ces détails », et semblables propos. Tout d’abord rappelons que nous parlons là de pratique de la Tora c’est-à-dire de la volonté divine, ayant cet objectif présent en notre esprit toutes ces questions n’ont pas lieu d’être car : faire plaisir à l’Autre c’est le faire même lorsque je ne le comprends pas ! C’est bien là d’ailleurs la définition de l’amour, or nous le disons clairement deux fois par jour dans le Chémâ « et tu aimeras D’IEU ».

Cependant il me semble que la difficulté à pratiquer ces lois, en plus du fait de leur méconnaissance, provient du fait qu’elles nous gênent je veux dire que l’homme n’aime pas qu’on regarde dans son assiette ! Manger est une activité importante dans la vie de l’homme, et la Tora aussi lui réserve une place importante par tous ses repas de fêtes. Manger est d’ailleurs l’un des premiers gestes de l’être humain, ce premier exercice qui débute au sein de la mère, manger nous rattache donc à ces premiers instants de la vie. Pour nous français la nourriture est toute une culture. Tous ces paramètres, et beaucoup d’autres encore, le juif a du mal à saisir le POURQUOI DE LA CACHEROUTE ? Certains diront c’est un h’ok – une loi insaisissable par l’intellect humain, d’autres tenteront malgré tout des explications rationnelles, ou encore symbolique voir mystique ; mais, personne n’aboutit à nourrir (!) la raison. En sommes la question est de savoir : pourquoi le judaïsme passe toujours et obligatoirement par de l’imperceptible, de l’incompréhensible ? Et ce, pas seulement dans les mets qui garnissent nos assiettes, c’est en réalité ainsi dans toute l’histoire du peuple juif – nous ne saisissons pas le sens de tout ce qui nous arrive, aussi bien collectivement qu’individuellement. L’homme s’est toujours heurté à cela, a toujours refusé l’impénétrable. Encore une question pourquoi ce travail doit-il être effectué précisément dans ce qui nous touche tant comme la nourriture ? Autant de questions qui peuvent être un sujet de discussion précisément lors des repas ! Peut-être que la Tora veut inviter l’homme à surpasser le banal, or il n’y a rien de plus commun que de manger, et on ne peut répéter ce même acte à longueur de journée sans jamais y réfléchir voire le transcender… La seule chose qui va stopper la routine dans nos repas c’est la loi impénétrable de la cacheroute… Manger cachère pour mieux apprécier la finesse des aliments !

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