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La Famille : emprisonnement ou liberté ?!

Rav Imanouel Mergui

Au traité Méguila 6b le Talmud rapporte l’opinion de Raban Chimon ben Gamliel qui veut que lorsque nous avons deux mois de Adar alors la fête de Pourim se réalise le second mois de Adar plutôt que le premier (à l’opposition de Rabi Eliezer bérabi Yossi qui veut qu’on fasse Pourim le premier mois de Adar…). Quelle est la raison de cette opinion ? Rabi Tami explique : ‘’mismah’ guéoula liguéoula adif’’- c’est-à-dire qu’on fera Pourim le deuxième Adar pour juxtaposer la guéoula de pourim à celle de Pessah’ ! Il nous incombe de trouver un lien entre ces deux guéoulot ? Les commentateurs se sont bien évidemment penchés sur cette question, je vous propose la réflexion comme suit : Dans le livre de Chémot parachat Bo chapitre 12 verset 21 le commandement du sacrifice de Pessah’ ouvre en ces termes « Moché appela tous les Anciens d’israël et leur dit : retirez ou achetez-vous du menu bétail pour vos FAMILLES et immolez le sacrifice de Pessah’ ». Dans la Méguilat Esther nous retrouvons cette même expression, au chapitre 9 verset 28 on peut effectivement lire « et ces jours sont commémorés et célébrés, de génération en génération, dans chaque FAMILLE etc ; et ces jours de Pourim ne disparaîtront jamais ». C’est, me semble-t-il, une idée commune qu’on retrouve dans ces deux fêtes, Pourim et Pessah’ : LA FAMILLE ; Si on peut avoir l’impression que le concept de la famille nous emprisonne quelque part, la Tora voit plutôt une idée libératrice dans l’enjeu de la famille ! Allons un petit peu plus loin. Le soir de Pessah’ nous célébrons le Seder, ce seder doit être accompagné de la ‘’hésséba’’ – accoudement : nous buvons les quatre coupes de vin et consommons la matsa en position accoudée. Or le Talmud au traité Pésah’im 108a s’interroge de savoir si l’enfant peut et doit s’accouder devant son père ? Il est fait conclusion qu’il est du devoir du fils de s’accouder même en présence de son père, et même si son père est son maître de Tora ; pourquoi ? Parce que probablement que le père ne tiendrait pas rigueur à son fils s’il s’accoude ! Le gaon Rav Ovadya Yossef chalita dans son H’azon Ovadya écrit : s’il s’avère que le père tient rigueur à son fils et l’empêche de s’accouder, celui-ci sera exempt de s’accouder ! La question s’impose bien entendu : en quoi la rigueur du père dispense le fils de la mitsva de s’accouder ? Nous savons bien qu’en général toute exigence du père ne dispense jamais l’enfant de réaliser les commandements de la Tora, bien au contraire il est clairement stipulé dans la halah’a que si les parents empêchent l’enfant de réaliser ne serait-ce qu’une infime partie de la Tora (et même une loi instituée par les Sages) l’enfant n’a pas le droit de suivre la recommandation de ses parents, à cet instant dans cette configuration il est exempt du respect de ses parents et se doit de réaliser le commandement de D’IEU inscrit dans la Tora ! Dès lors comment se fait-il que la rigueur du père dispense le fils de la hésséba le soir du seder de Pessah’ ? Ceci renforce bien ce que nous avons développé : le respect des parents n’est pas synonyme d’emprisonnement, le respect des parents est libérateur !!! ce soir de Pessah’ où nous vivons la guéoula alors la guéoula familiale (attention dans un cadre halah’ique bien définit…) prime sur la guéoula de la sortie d’Egypte !

On retrouve cette idée pour la fête de Pourim. Durant cette fête nous sommes tenus d’envoyer des mets aux amis appelés ‘’michloah’ manote’’. Cette mitsva qui a pour but d’augmenter des amis est une des expressions de la guéoula de Pourim. On pourrait dire que l’homme libre est celui qui s’entend avec tout le monde et reflète d’un univers libre et harmonieux. Or le Lévouché Motrdéh’aï s’interroge de savoir si le fils qui envoie des michloah’ manote à son père a réalisé cette mitsva ? (rapporté dans Yalkout Yossef). Là aussi on peut être étonné de cette interrogation : pourquoi le fait d’envoyer des mets aux parents ne s’inscrirait pas dans la mitsva de michloah’ manote ? Mais, encore une fois, c’est comme nous avons dit : si les michloah’ manote expriment la liberté alors celui qui respecte ses parents vie déjà dans la liberté et peutêtre qu’étant libre envers mes parents je n’ai nullement besoin de leur offrir des mets ! Rajoutons un point ici : si les mets envoyés ont pour but d’augmenter l’amitié et affermir notre relation avec autrui cela veut dire que nos relations sociales sont faibles et qu’il est nécessaire qu’on s’envoie des cadeaux pour les renforcer ; dès lors nous comprenons bien l’enjeu de la question soulevée par le Lévouché Mordéh’ai : dans l’absolu l’harmonie, la paix etc. règnent dans le cadre Parents-Enfants, il serait quelque peu désolant que des enfants nécessitent d’offrir des mets à leurs parents pour leur témoigner de leur respect ! En cette période que nous vivons où les questions tournent autour de la question ‘’le mariage pour PERSONNE’’, il est important de se pencher sur les textes de notre sainte et belle Tora pour saisir l’enjeu d’une des valeurs des plus fondamentales et sensibles : LA FAMILLE ! La famille libère. Il n’ya rien de plus emprisonnant que d’abolir la famille, rien de pire pour nous enfoncer dans les ténèbres. Cette étude soulève encore une question majeure en matière d’éducation des enfants : quelle est la limite de liberté que les parents peuvent et doivent octroyer à leurs enfants… cette question mérite une étude à part entière, elle touche des domaines aussi sensibles que : l’utilisation des smartphones, internet, le mariage, les études etc.. Le choix des enfants face aux valeurs des parents ??? Bonnes fêtes de Pourim et Pessah’.