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la Mézouza

Rav Imanouel Mergui

La mitsva de la mézouza est inscrite deux fois dans la Tora dans le livre de Dévarim au chapitre 6
verset 9 et au chapitre 11 verset 20. Ces deux passages sont les deux premiers du chémâ (véahavta
et véhaya)
Le Choulh’an Arouh’ Y’’D 285 ouvre les lois de la mézouza en ces termes « il est un commandement
de la Tora d’écrire les deux premiers passages du chémâ et de les fixer sur le linteau de sa porte ; il
faut être très vigilant quant à ce commandement, tout celui qui le respecte scrupuleusement, sa vie
et celle de ses enfants se rallongera, s’il ne fait pas attention à ce commandement sa vie sera
écourtée ». Il n’est pas de l’habitude du Choulh’an Arouh’ d’encourager à la pratique d’une mitsva
par de tel propos, là il change de son habitude ! En réalité le Choulh’an Arouh’ retranscrit le verset de
Dévarim 11-21 qui clôture le deuxième passage du chémâ. Voir également Baal Hatourim et Or
Hah’aïm. Qu’est-ce qu’il y a de particulier dans cette mitsva pour assurer à l’homme une longue vie
pour lui et sa descendance ?
Tous les Richonim : Rambam Mézouza 6-13, Ramban fin parachat Bo, H’inouh’ mitsva 423, écrivent
que le sens de cette mitsva est de renforcer en l’homme le concept de la ‘’émouna’’ – foi en D’IEU.
Nous pouvons constater que la foi se traduit par quelque chose de concret, en l’occurrence en
plaçant la mézouza. La foi ne se limite pas à ce qu’on conçoit dans notre cœur. La foi exige un mode
de vie qui témoigne de notre foi en D’IEU.
Si le commandement de la mézouza s’inscrit dans le concept de vivre la émouna, là aussi on peut
s’interroger pourquoi en particulier la mézouza témoigne de la émouna ?
Rabi Akiva Iguer zal propose que chaque fois qu’on sort de la maison durant plusieurs heures
lorsqu’on revient il faut réciter à nouveau la bénédiction de la mézouza ! Les décisionnaires n’ont pas
retenu son opinion, ils concluent que ce n’est qu’au moment où l’on fixe la mézouza qu’on doit
réciter la bénédiction sur cette mitsva (voir Rav Rozental Kémotsé Chalal Rav dévarim 11-20). Cela
veut dire qu’avant de rentrer chez soi on doit fixer la mézouza et réciter la bénédiction, pour ainsi
imprimer dès notre première entrée dans notre demeure qu’ici tout sera vécu sous l’égide et les
règles de la émouna. La halah’a stipule qu’il ne suffit pas une seule mézouza pour toute la maison
mais c’est à chaque pièce qu’il faudra y fixer la mézouza (excepté les toilettes et la salle de bain etc) –
ce n’est pas seulement l’entrée de la maison qui doit être imprimée de la mézouza mais c’est bien à
chaque recoin de la maison que la émouna doit se trouver. La mézouza nous poursuit en chaque état
de notre demeure. Le Rama (Y’’D 285-2) note qu’à chaque passage devant la mézouza en rentrant et
en sortant il faut mettre la main sur la mézouza, certains citent des versets à ce moment, la coutume
veut même qu’on embrasse la main après avoir touché la mézouza (voir Rav H’azan Pith’é Mézouzot,
et Rav Blau H’ovat Hadar). Si on peut traduire ce comportement comme étant un signe de ‘’h’ibouv
mitsva’’ chérir la mitsva, que nous retrouvons d’ailleurs dans les téfilin, la souka, la matsa, le livre de
prières et d’étude etc, chaque objet de mitsva doit être imprimé de notre attachement à la mitsva ;
c’est encore plus pour la mézouza qu’il convient de l’embrasser puisqu’elle est par excellence l’outil
de la foi.
Oui, toutes les mitsvot témoignent de notre foi en D’IEU, toutefois la mézouza est la foi. Chaque
commandement a un sens, une raison, et derrière ce sens on est renvoyé et redirigé vers la foi en
D’IEU, pour la mézouza le schéma est différent elle n’a d’autre sens que de nous renforcer dans la foi.
Puisque la mézouza a pour ultime objectif ce renforcement dans la foi certains décisionnaires sont
d’avis qu’on a le droit de porter sur soi en permanence une mézouza (voir Rav Moché Feinstein Igrot
Moché Y’’D 2-141,3 ; Rav Ovadya Yossef Halih’ot Olam 8 page 216). En réalité on devrait se vêtir de la
mézouza tel qu’on est vêtu du tsitsit, néanmoins la mitsva de la mézouza exige un comportement de
kédoucha (sainteté) qu’on n’est pas à même de respecter scrupuleusement et systématiquement
lorsqu’on sort de chez soi (les rues ne sont pas toujours très propres, l’individu doit tantôt se rendre
dans certains endroits pour ses besoins naturels etc) ; alors, la Tora nous ordonne de fixer la mézouza
sur nos portes puisque chez lui l’homme est maître et peut sans aucun doute s’assurer d’avoir une
maison imprimée de kédoucha (internet et la télévision sont largement incompatibles avec la
mézouza…).
Quel est l’enjeu de cette émouna associée à la kédoucha ? Rav Hirch écrit : ainsi tu prendras
conscience que ta vie et tous tes agissements sont animés d’aspiration à évoluer vers D’IEU et que
tout ce qui t’arrive sont le fruit de la providence divine (H’orev page 180). La émouna et la kédoucha
ne sont pas des notions qui nous sont lointaines, elles ne sont pas non plus des notions
métaphysiques, elles sont très concrètes et inspirent notre vie. Elles nous élancent dans la vie.
L’enjeu de la mézouza c’est donc de réveiller l’homme à vivre ‘’mieux’’ et ‘’bien’’. La réalité de la vie,
ses aléas, ses soucis, etc. nous font oublier l’essentiel – ‘’on mange pour travailler et on travaille pour
manger’’, comme se plaint Rav Chah’ zal. La mézouza c’est notre garde-fou pour ne pas qu’on tombe
dans le ravin de la vie, notre bouée pour ne pas qu’on se noie.
Si nous développons l’idée de la présence divine qui se trouve désormais dans la demeure à partir du
moment où on y fixe la mézouza, le Ritva explique ainsi l’interdiction d’ôter la mézouza de la maison
même lorsqu’on vend sa maison, nos Sages sont très sévères envers celui qui retire la mézouza
même s’il a vendu sa maison ! Pourquoi ? Parce que lorsqu’on fixe la mézouza aux portes de la
maison on imprime dans cette maison la sainteté et la présence divine, celle-ci ne peut être retirée !
(Baba Métsiâ 102A , Choulh’an Arouh’ Y’’D 291-2, Rav Goutlib Otsar Mah’madim volume 2-27, Pith’é
Mézouzot page 136).
Quel est l’enjeu de la vie du juif ? Il y a un constat intéressant à faire à propos de cette mitsva, elle se
joue chez soi, dans son intérieur ! Là est la puissance de la Tora chercher et construire son intérieur.
D’ailleurs certains investissent pour un beau boitier et même si la chose est importante en soi, elle
n’est pas du tout l’essentiel. Comme s’exclame Rav Wallah’ : dans le monde matériel ce n’est que le
prix d’une chose qui définit sa valeur alors que dans la Tora c’est la profondeur et l’intimité des
choses qui définissent leur valeur ! Ainsi, le Yérouchalmi raconte (Péa 1-1), lorsque l’empereur offre à
Rabénou Hakadoch une blle pierre précieuse, Rabénou lui offre à son tour une mézouza ! Surpris de
ce vulgaire bout de parchemin l’empereur se fâche, mais Rabénou lui rappelle que dans la Tora ce
n’est pas l’extériorité des choses qui témoignent de leur beauté et de leur valeur. (Mayan Hachavoua
Bémidbar page 76 – pour ce qui est de la question de savoir si on a le droit de donner une mézouza à
un non juif se référer au Rama 291-2 qui interdit ! Pourquoi Rabénou a donc offert une mézouza à
l’empereur ? Peut-être pour l’initier à la émouna – voir encore Rav H’azan Pith’é Mézouzot page 140
et 161). C’est ce petit bout de parchemin qui est se trouve à ‘’l’intérieur’’ du boitier qui a toute son
importance, la dimension du juif à l’instar de la mézouza ce n’est pas l’extériorité mais bel et bien
l’intériorité des choses.
Selon le Gaon Rav Yitsh’ak Zilberstein chalita celui qui tient un commerce interdit selon la halah’a il
n’aura pas le droit de mettre la mézouza, effectivement comment placer le nom de D’IEU et sa foi
dans un lieu qui ne respecte pas la parole de D’IEU ?! Il écrit encore qu’un juif marié à une non juive,
ou le contraire, il ne pourra pas mettre de mézouza chez lui, effectivement on comprend bien
l’incompatibilité de la mézouza et de ce qui se passe dans cette demeure (Alénou Léchabéah’ volume
1 page 172 et volume 5 page 630).
Les lois de la mézouza sont nombreuses, n’hésitez pas à faire venir un Rav chez vous pour qu’il verifie
1) l’aptitude de la mézouza elle-même, 2) où et quelle pièce en a besoin, 3) si elle est bien placée etc.
Comme le rappelle Le Richon Letsion le Gaon Rav Yitsh’ak Yossef chalita il faut faire très attention
chez qui on achète la mézouza ! (H’oupa Vékidouchin page 528)
Au vu de notre analyse on appréciera mieux ce qu’écrit le Rambam : la mézouza est l’ange qui nous
protège de ne point fauter ! (Mézouza 6-13).
La mézouza pratiquée dans toute sa splendeur promet à l’homme un avenir meilleur, une vie qui ne
s’arrête pas, une longue vie pour lui et ses descendants…