Rav Imanouël Mergui
Il est majeur de connaître la source de ses soucis pour connaître le bonheur ! Cette règle bien connue du monde médical et psychologique. On ne peut pas guérir dans quelque domaine soit-il si on ignore l’origine du mal et de la maladie. Il en est de même dans la Tora, on ne peut pas avancer et évoluer si ne connaît pas les causes et les raisons de ce qui nous retient. Les causes sont multiples tel : l’orgueil, le manque de motivation, l’absence de foi en D’IEU, le manque de confiance en D’IEU et/ou en soi, le mensonge de soi, l’attirance vers le monde matériel, une mauvaise image de la Tora et/ou de soi etc. Chacun doit trouver la source de son souci pour pouvoir exister pleinement et dans la joie, afin de vivre une vie équilibrée conjuguée de Tora et sa pratique. Même lorsque les impies fautent ou font fauter le peuple d’Israël les Sages dans le Talmud cherchent la cause. Ce n’est jamais le fruit du hasard. Il en est ainsi également pour ce qui est des épreuves individuelles ou collectives – rien n’arrive sans rien, tout a une raison, une cause. Le travail de l’homme consiste à miser sur les bonnes causes, celles qui produiront le bonheur et l’épanouissement de l’être. Le Talmud et le Midrach sont remplis de textes proposant cet exercice majeur de la vie. La vie n’est pas un jet de dés. Seul Haman dans la Méguilat Ester peut croire à la sottise du sort et gérer une nation en fonction du ‘’Pour’’ (en hébreu dans le texte de la Méguila ‘’hipil pour’’). Mais justement il est intéressant de noter que si chez les nations, représentées ici par Haman le ‘’pour’’ est le symbole du sort hasardeux, dans la Tora le ‘’pour’’ (en utilisant la langue française) renferme la raison et l’objectif, la cause et l’ordre logique des choses (j’ai un dictionnaire qui compte vingt et une définitions du mot ‘’pour’’, elles expriment toutes quelque chose de sensée et d’ordonnée et s’oppose au ‘’pour’’ hasardeux de Haman…).
Je voudrais, ici, partager et étudier avec vous un des textes primordiaux sur cet aspect de la vie animée de ‘’pour’’ dans la Tora. Effectivement dans Pirké Avot chapitre 2 michna 7 et Métivta Avot « Hilel disait : marbé néh’assim marbé déaga – celui qui possède beaucoup de biens matériels il augmente le souci ». il y a là une idée très puissante : alors que l’homme se
plaint tantôt de ne pas posséder davantage, il aimerait être plus riche, pensant que la possession d’argent le rendrait plus heureux et plus serein, le Maître voit dans la richesse la source de tous les soucis. Rien de tel que beaucoup d’argent pour vivre dans le souci permanent. L’argent ne fait pas le bonheur, pire elle conduit l’homme au drame ! Je suis toujours impressionné de voir que les Sages perçoivent toujours l’opposé de l’homme. Là où l’homme voir le bonheur, le retrait de tous les soucis, Hilel voit l’opposé, il voit l’augmentation du souci et par conséquent le retrait du bonheur !!! Comme écrit le Tiféret Israël : l’homme recherche l’argent pour être tranquille et il obtient son contraire – bérédifato ah’aréhen yasig ifouh’an !
Selon Rachi la raison est simple : la possession de biens conduit au souci de les perdre. Une personne qui possède beaucoup de biens vit dans la peur de les perdre, qu’ils s’abîment ou qu’on les lui vole. Il n’existe pas d’assurance qui assure la possession aveugle de biens matériels. Le coût de l’entretien et de la sécurité des biens matériels s’élève à des sommes folles et à des comportements disproportionnés de la part de l’homme le conduisant à une vie synonyme de ‘’souci’’. Si vous avez une belle voiture la moindre rayure vous rend fou… Comme rajoutent le Abrabanel et le Merkevet Hamichné : il n’a plus le souci de la pauvreté mais il entraîne d’autres soucis. Le roi Chlomo n’a-t-il pas déjà dit « le sommeil de l’ouvrier est plus doux que le repas abondant du riche qui perturbe son sommeil » – Kohelet 5-11, rappelle le Rachbats. Le Gaon de Vilna cite encore un verset du roi Chlomo qui dit « toute sa vie est synonyme d’efforts et la nuit il ne dort pas tranquille » – Kohelet 2-23.
Rabénou Ovadya de Barténoura rapporte qu’un homme pieux PRIAIT pour ne pas connaître la riche afin d’être épargné du ‘’pizour hanefech’’ – éparpillement de l’être ! Exceptionnel, il ne suffit pas de ne pas prier pour être riche mais il faut prier pour ne pas être riche. Avec l’argent l’homme ne connaît aucun apaisement, note encore le Tiferet Israël. Avis à ceux qui prient pour la richesse, ils prient à l’envers. Ils sont à l’opposé de la téfila. Prière et richesse sont rivales, elles sont incompatibles. Prier pour être riche c’est prier pour être malheureux.
Le Ri Nah’miach, le Ri de Tolédo et le Midrach Chmouël rajoutent une idée exceptionnelle et tout aussi paradoxale : le riche a le souci de gagner encore plus d’argent que ce qu’il possède déjà ! C’est extraordinaire, le riche ne se satisfait pas de ce qu’il possède il en veut davantage, et ce souci du vouloir plus l’empêche de jouir pleinement de ce qu’il possède. Le
pauvre apprécie chaque centime, le riche déprécie chaque million puisqu’il en veut encore plus. Comme dit le verset édicté par le roi Chlomo « celui qui aime l’argent n’est jamais rassasié de l’argent » – Kohelet 5-9. La possession conduit à l’insatiété. C’est le souci de l’imaginaire. Le riche vit dans l’encore, ce qui l’empêche de vivre dans ce qu’il possède. Il a même le souci de ne pas en gagner davantage et de voir ses affaires qui ne prospèrent pas, s’exclame le Abrabanel. Et même lorsqu’il fait des affaires il est triste de constater qu’il aurait pu faire mieux, note le Midrach Chmouel. Il y a quelques années des journalistes ont questionné le deuxième plus riche d’un pays et lui ont demandé s’il était heureux ? Il répondit : non, j’aurais voulu être le premier !, rapporte Rav Israël Meir Lau chalita (Yah’el Israël).
Le Mahara Galanti dans son Zeh’out Avot propose une autre voie selon lui lorsque le riche arrivera dans le monde de la vérité il constatera que son effort dont il a tant investi dans ce monde-ci ne l’a conduit à rien du tout. Effectivement, accumuler des richesses ne conduit à rien, puisque l’argent n’est pas un but ! La richesse c’est un effort stérile !
La richesse est source de mélancolie et d’efforts inutiles, affirme le Sefer Haïkarim. Source de tristesse – note le Arouh’.
Le trop conduit au moins, écrit le Maharal. C’est la règle dans le matériel – plus tu en as moins tu en as !
Rabi Avraham Azoulay dans son Ahava Bétaanouguim écrit : l’argent t’a réglé un problème, celui de la pauvreté, il t’a peut-être rendu heureux mais il t’a créé mille autres problèmes. Le pire des soucis c’est lorsque l’homme perd son argent. Celui qui a de l’argent est heureux un court instant, le temps qu’il le possède mais lorsqu’il ne l’a plus il est encore plus malheureux.
Il me semble qu’il est important de rajouter un point : le riche est soucieux du regard des autres !…
Un seul exercice est proposé aux riches pour qu’ils ne connaissent pas le souci de leur argent : la tsédaka ! Comme nous éclaire le Maharal (Netiv Haocher) celui qui donne existence aux nécessiteux en leur distribuant de son argent alors D’IEU donnera existence et maintien à son argent – la tsédaka est le conservateur de la richesse. Le Mahara Galanti est encore plus
virulent en affirmant : c’est parce que le riche n’a pas distribué convenablement la tsédaka qu’il connaît le souci de le perdre et il le perdra ! Hilel a employé le terme ‘’néh’assim’’ pour parler des biens matériels, ce mot est de la racine ‘’kissouy’’ – couvrir, le riche cache son argent pour ne pas que les pauvres le sollicitent et cela lui vaudra de vivre dans le souci ! Sans aucun doute celui qui est riche et distribue son argent aux pauvres ne connaîtra jamais le souci et ne s’écroulera jamais.