Rav Imanouel Mergui
L’amour n’est pas qu’un concept philosophique. Tout le monde prône l’amour. Mais ce n’est pas le but de crier et clamer l’amour. Le vrai amour est celui que l’on témoigne concrètement envers autrui.
Si l’amour est un commandement qui concerne tout le monde, il y a certaines personnes qu’il convient d’aimer davantage ! Rav Daniel Heyman dans son livre Hakarat Hatov Bahalah’a cite les Maîtres rapportés ici qui développent une idée commune.
Rabénou Yona dans son commentaire sur Michleï chapitre 22 verset 11 écrit quelque chose d’incroyable : on a l’obligation d’aimer la personne qui a fait preuve de bienveillance à notre égard ! Cela veut dire que s’il y a un devoir d’être reconnaissant envers celui qui nous a rendu un quelconque service, nous avons en plus de cela le devoir de l’aimer ! On peut dire différemment : le devoir de reconnaissance envers celui qui t’a offert ses services se traduit par le devoir de l’aimer !!!
Rabénou Yona poursuit : ce devoir existe même si tu n’attends pas qu’il te rende encore un service ! C’est extraordinaire aimer l’autre non pas pour ce qu’il me fera dans le futur mais par rapport à ce qu’il a déjà fait pour moi ! Bien souvent les gens à qui on a rendu des services deviennent des ennemis, c’est hallucinant. La voie de la Tora c’est d’aimer ceux qui ont été bienveillant à ton sujet.
Le Hafets H’aïm (Chmirat Halachon Chaar Hatévouna chapitre 1) écrit : si, h’as véchalom, une personne perd la voix à cause d’une quelconque maladie, et que les médecins lui disent qu’il n’y a aucun remède, puis vient un médecin le guérit de sa maladie, n’est-il pas du devoir du patient de l’aimer véritablement ?! Il irait même jusqu’à se jeter à ses pieds pour l’en remercier ! En tout cas il n’oserait pas dire du mal de ce médecin après qui lui a trouvé remède à sa plaie !
Rav Moché Feinstein zal (Iguérot Moché Y’’D III-166 page 403) écrit : même si celui qui t’a prêté de l’argent le fait parce qu’il a le commandement de le faire, il ne fait aucun doute que l’emprunteur devienne son ami et l’aime. Il est une obligation d’aimer celui qui t’a prêté de l’argent, sinon tu es ingrat ! Cela veut dire que même si celui qui t’a rendu un service il a le devoir de faire ce qu’il fait parce que la Tora lue lui ordonne, toi qui as reçu ce service tu as le devoir d’en être reconnaissant, et cette gratitude passe par le devoir de l’aimer ! C’est splendide…
Rabi Eliezer Papou zal dans son Pélé Yoets (Bizayon) écrit quelque chose de formidable, qui va dans ce sens, voici un extrait : il est une grave interdiction que de mépriser quiconque…, à fortiori qu’il faut être vigilant de ne pas faire preuve d’ingratitude envers celui qui t’a rendu un service et de ne mépriser aucun homme de qui tu as reçu un bienfait, ne serait-ce qu’un petit service… à fortiori celui qui a été bon à ton égard que tu devras ressentir de l’amour envers lui pour l’éternité… !
Les propos surpuissants de ces Maîtres m’ébahissent.
Aimer c’est le retour de ce que j’ai reçu de l’autre.
Aimer c’est l’expression de la gratitude de ce que j’ai reçu de l’autre.
Aimer c’est ce que je dois à celui qui m’a rendu un service.
Même s’il a le devoir de m’aider, tel le médecin ou celui qui me prête de l’argent, je dois l’aimer.
On ne peut se libérer de la gratitude et de l’amour envers mon bienfaiteur en prétextant qu’il se devait de le faire !
La hakarat hatov n’a pas de limite, et elle va au-delà d’un simple merci ou d’un bouquet de fleurs ou d’une bouteille de vin !
La hakarat hatov c’est aimer l’autre et ce même pour un service infime que j’ai reçu de lui.
Rav Moché Feinstein écrit encore « il est grave de ne pas être reconnaissant envers l’autre, cette chose même les nations l’ont comprises ! ».
Celui qui sait aimer ceux qui lui offrent leur aide, soutien et solidarité sait apprécier la vie et ne vit que dans le bonheur.