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L’oeil – Partie 2

Rav Imanouel Mergui

Dans la Tora Ecrite l’œil revient souvent et occupe une place majeure. On pourrait dire que l’homme se définit par l’usage qu’il fait de ses yeux. Je veux dire qu’on détermine la qualité de l’homme en fonction de ce qu’il regarde. La vue n’est pas que le produit de nos yeux. Il est faux de dire qu’on subit la vue et qu’on voit ce qu’il se présente à nous à notre insu. L’homme peut et doit choisir ce qu’il regarde. Ce que tu vois est le fruit de ce que tu as favorisé de voir. Approfondissons encore dans ce sujet passionnant et majeur de la vie de l’homme.

La Tora dans le Livre de Bémidbar 15-39 nous donne le commandement suivant « vous ne détournerez pas vos yeux et votre cœur dont vous vous déviez par eux ». Selon Rachi il faut comprendre ainsi ce verset : n’explorez pas le monde avec votre cœur et vos yeux ! De quelle exploration s’agit-il ? Rachi poursuit : le cœur et les yeux sont les explorateurs du cœur et lui présentent la faute, l’œil voit, le cœur désire et le corps commet la faute ! La Tora nous met en garde des dangers liés au cœur et aux yeux, c’est eux qui guident le corps et vers la faute. Ceci est incroyable, on pense souvent que le cœur et les yeux nous protègent du danger, et il y a ici une part de vérité, mais ce n’est pas un principe absolu. Si le cœur et les yeux nous protègent de certains dangers ils sont aussi à l’origine du danger de la transgression. Si on transgresse la loi (divine ou humaine) par le corps il n’en reste pas moins que l’origine de la faute c’est le cœur et les yeux. Lorsqu’on est dans la transgression c’est que notre cœur et nos yeux sont allés explorer des voies incorrectes.

Le Targoum Onkelos introduit une autre notion, il traduit ainsi notre verset : ne suivez pas l’erreur de la pensée de votre cœur, et celle causée par vos yeux ! Incroyable, là aussi le cœur et les yeux conduisent l’homme à agir incorrectement ! Ce que nous pensons et ce que nous voyons peut nous entraîner vers des fourberies. Ce n’est pas systématique que notre cœur et nos yeux soient dans le vrai ! Pourtant je le pense, je le vois ?!

Allons encore plus loin. Le Or Hah’aïm développe une idée essentielle : l’œil désire ce qui se voit, mais l’ordre divin est d’aller à l’encontre du naturel ! C’est-à-dire, la nature de l’œil est de voir et là D’IEU nous ordonne d’aller contre nature, de surpasser la nature. C’est comme si l’ordre divin disait : ne désire pas ce que tu vois. D’IEU nous laisse voir le monde, cette vue va inciter le désir, l’exercice consiste à ne pas désirer ce qu’on voit. Certes il aurait plus facile de ne pas voir cependant on ne peut pas vivre sans voir. De toute évidence il faut faire attention à ce que l’on voit, mais si on l’a vu il faut stopper le désir. Maîtriser son désir. Comment opérer cet exercice ? Il est quasiment impossible de ne pas désirer ce que l’on voit, s’exclame le Or Hah’aïm. A cela vient le commandement de porter le Tsitsit. Ce vêtement composé de fils attachés a pour fonction de nous rappeler que nous devons servir D’IEU, ce vêtement signe de notre devoir envers D’IEU nous aide à détourner nos yeux et notre cœur vers ce que nous devons désirer véritablement. Sans rentrer ici dans toute cette belle mitsva que représente celle du Tsitsit, selon le Or Hah’aïm l’exercice consiste à mener nos yeux et notre cœur vers ce que nous devons aspirer. Ce ne sont pas les yeux et le cœur qui doivent dicter ce que nous devons désirer mais c’est notre désir absolu (celui de servir D’IEU) qui doit guider nos yeux et notre cœur. En d’autres termes celui qui regarde tout et se laisse envoûter par sa vue c’est qu’il n’a pas d’aspiration autre que celle de consommer ce monde. Celui qui a un projet clair et défini ne peut se permettre de détourner son regard vers d’autres horizons. Notre Grand Maître Rabénou Ovadya Yossef ztsal disait : un juif doit servir D’IEU tel un cardiologue qui opère son patient du cœur, si ne serait-ce qu’un instant il détourne son cœur, ses pensées ou son regard de ce qu’il est en train de faire c’est la catastrophe assurée ! Si tu sais où tu vas dans ta vie tu ne peux orienter tes yeux seulement vers cet objectif déterminé, tu ne prendrais pas le risque de placer ton cœur et tes yeux ailleurs !

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