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L’oeil – Partie 1

Rav Imanouel Mergui

La vue occupe une place fondamentale dans notre vie. Notre société est très marquée par le pouvoir du ‘’voir’’ à travers les réseaux sociaux. On aime voir, on aime être vu. Que représente l’œil dans la Tora ? Quel exercice devons-nous faire avec nos yeux ?

Dans la Paracha de Béréchit lorsque D’IEU créa le monde il est dit plusieurs fois que D’IEU vit que ce qu’il créa était bon. Et à la fin de la création des six jours la Tora dit (Béréchit 1-31) « et D’IEU vit tout ce qu’IL réalisa et voilà que tout était très bon ». Il est intéressant de constater d’apprendre à voir d’un bon œil ce que nous réalisons. L’œil n’a pas pour fonction uniquement de voir ce qui est à l’extérieur de nous-mêmes, on doit tourner le regard vers soi-même ! C’est assez surprenant que dès la création le sens de la vue occupe une place si importante, plus que les autres sens !

Au chapitre 3 de Béréchit la Tora décrit la faute commise par Adam : la consommation du fruit défendu. La Tora annonce que cette faute fut transgressée par le concours de H’ava « la femme a vu que l’arbre était bon à la consommation et qu’il était le désir des yeux, elle prit de son fruit elle le consomma et elle en donna à son mari, et il mangea ». La première faute de l’histoire est le produit de la vue ! C’est donc extrêmement grave, au-delà de la consommation interdite, H’ava a usé du pouvoir de la vue, ce pouvoir divin employé tout au long des six jours de la création, pour enfreindre la parole divine. H’ava a abîmé le pouvoir de la vue. 

Selon Rachi (3-6) la vue de H’ava ne se rapporte pas à la vue du fruit, mais il faut comprendre notre verset qu’elle a vu les propos tenus par le serpent qui l’a séduite à consommer le fruit. C’est la vue de la parole. Incroyable qu’adhérer à un discours s’appelle voir le discours.

Pour le Ramban, H’ava a compris que ce fruit développait le sens de la vue et conduirait l’homme à explorer le monde par sa vue.

Le Kéli Yakar explique qu’il s’agit d’un dilemme qui perturbe l’homme au quotidien. Le yetser hatov encourage l’homme de faire le bien afin qu’il accède au monde à venir, d’un autre coté le yetser hara entraîne l’homme de jouir de ce monde, il prétexte son discours en cela que le plaisir de ce monde se distingue par la vue alors que nul n’a vu le plaisir du monde à venir. Il met en opposition un monde qui se pale par la vue contre un monde dont aucun œil n’a vu. Cela veut dire que le olam haba c’est voir ce qui ne se voit pas croire en ce qu’on n’a pas vu et le surpasser par rapport à ce qu’on voit. Mais la vue est tellement forte et puissante que l’homme préfère ce monde visible que le monde invisible. De là est né un slogan bien connu ‘’je ne crois que ce que je vois’’. Dramatique. La vue nous encellule, elle nous emprisonne dans ce qu’on voit. La vue nous empêche de voir plus loin que ce qu’on voit. La vue nous entraîne vers la faute. Alors que doit-on faire ? Doit-on fermer les yeux ? Peut-on apprendre à orienter nos yeux ? Il est clair que notre vue est liée à notre faculté de discernement intellectuel. Voir un fait ne lui donne pas encore et obligatoirement un sens. Ce ue nous voyons sera analysé par notre cerveau et là est toute la question : est-ce que nous pensons ce que nous voyons ou bien nous voyons ce que nous pensons ?! Il y a des gens qui ne vivent qu’à travers ce qu’ils voient, leur vue influe leur pensée. Ils prétextent leur réaction par ‘’c’est un fait, une réalité, je l’ai vu’’. La discussion ne se joue pas là, personne ne remet en cause le fait, le réel, la question est de savoir quel sens donne-t-on à cette réalité visuelle. Est-ce que ce que l’on voit est le seul élément déterminant. La Tora nous parle dans de nombreux passages de la vue et de ses pouvoirs. Dans le Livre de Dévarim chapitre 13 la Tora nous met en garde contre le faux prophète ou le songeur qui viendraient à pratiquer des prodiges pour guider le peuple vers des voies indésirables. L’homme est sensible à ce qu’il voit et cela le rend vulnérable, de certains qui usent de cette faiblesse de l’homme pour prouver leur idéologie, la Tora nous demande d’être vigilant à ce genre de pratiques qui basent tout sur le visuel… Comment ne pas tomber dans le piège de ce que l’on voit ? Comment garder sa lucidité malgré la vue du réel.   

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