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L’origine du meilleur

Rav Imanouel Mergui

Au traité Sanhédrin 96b (aidé du Chass Métivta) le Talmud rapporte l’enseignement suivant « les descendants de Sisra (chef de l’armée de Yavin, roi de Kénaân voir Choftim chapitre 4), se sont convertis et ont étudié la Tora à Yérouchalaïm ! (selon Rav Nissim Gaon c’est le grand Rabi Akiba qui est issu de Sisra !); les descendants de Sanh’ériv (il a exilé les Dix Tribus et a fait des démarches pour détruire le Temple) ont enseigné la Tora au peuple !, qui sont-ils ? Chémaya et Avtalyon ! (deux grandes figures de la Tora au temps du second Temple – selon le Rambam, Chémaya et Avtalyon étaient eux-mêmes non juifs qui se sont convertis. Le Rachbats s’interroge selon cette opinion comment se fait-il qu’ils ont été nommés à de hautes fonctions alors qu’au traité Kidouchin 76b le Talmud nous enseigne que le converti ne peut accéder à des fonctions communautaires importantes ?… ) ; les descendants de Haman ont étudié la Tora à Bné Brak (il s’agit de Rav Chmouel Bar Chilat. Les commentateurs s’interrogent de savoir comment il a pu se convertir, du fait qu’il descende de Haman descendant de Amalek on ne peut le convertir selon la Méh’ilta de Rabi Yichmaël ?…).

Une des questions monumentales de la Tora c’est ‘’tsadik véra lo, racha vétov lo’’ : comment se fait-il que des gens qui s’investissent dans la Tora sont atteints de ‘’malheur’’ alors que les impies sont accompagnés de bonheur ? Mais si cette question existe pour ce qui est du domaine matériel et physique de la vie de l’homme elle touche également, et peut-être encore plus, le domaine de la descendance : comment se fait-il que des gens éloignés de la Tora voire des impies, comme ces exemples cités par le Talmud, se voient une descendance noble du peuple juif alors que des grands hommes de Tora ont parfois des descendants qui ont obscurci l’histoire du peuple juif ? Pour ne citer que quelques exemples, Avraham notre Père donne naissance à Yichmaël et Yitsh’ak donne naissance à Essav – les bêtes noires du peuple juif ; alors que Lavan, l’ennemi juré d’Israël donne naissance à Rah’el et Léa mères des douze tribus d’Israël… ? Le  Maharal  (Netsa’h  Israël  chapitre  7) explique que ces impies à l’extrême ont eu un pouvoir divin de toute évidence, plutôt que d’exploiter cette énergie dans la pureté ils l’ont orienté vers l’impureté. Leurs enfants se sont convertis et ont su rediriger cette énergie divine vers la pureté ! Ces propos du Maharal nous éclairent sur plusieurs points. Tout d’abord nous voyons que l’homme a des pouvoirs divins, presque magiques, il n’en tient qu’à lui avec son libre arbitre que de ne les utiliser correctement et dignement. Ceci me rappelle une phrase sensationnelle et en même temps dramatique ; Gitta Sereny dans son livre Au Fond des Ténèbres page 390, rapporte que Franz Stangl, commandant de Treblinka a répondu à la question ‘’Dieu n’était-il pas à Treblinka ? Oui, a-t-il dit, sinon comment cela aurait-il pu arriver’’… L’impie a parfois conscience de l’immense énergie surhumaine qui l’anime. Mais qu’en fait-il ?! Ce ‘’tselem élokim’’ – force divine qui habite chaque être humain est en latence chez certains et en éveil chez d’autres. L’homme a le choix 1) d’activer cette énergie, 2) de l’orienter vers l’extrêmement bien ou l’extrêmement mal. On ne peut faire ce qu’on fait et à fortiori détruire le Temple, s’attaquer à Israël, massacrer les juifs etc. sans être animé par une énergie réellement divine – ce n’est pas pour rien si l’homme se sent parfois dieu dans sa vie ! Tout ce qu’on nomme par force surnaturelle ou surhumaine ne sont que des synonymes de ‘’dieu’’. Le paradoxe de l’homme est qu’il emploie ces dites forces divines pour s’attaquer à D’IEU lui-même. Incroyable !!!

Il ressort encore du Maharal que les enfants de ces impies vont récupérer ou plus exactement réorienter ces énergies vers le bien. L’enfant récupère le ‘’concept’’ de son père mais il a encore le choix de l’utiliser comme il le choisira lui-même à son tour. Ces descendants de ces hommes impies ont su reconnaître la grandeur de leur géniteur, mais ils ont su également se défaire de leur bêtise. L’enfant n’a guère aucun devoir de suivre les choix de son père, il se fera et se formera ‘’tout seul’’. Il reçoit inévitablement les outils de son père, mais qu’en fera-t-il ? Personne ne décidera pour lui. On n’a pas le droit d’user de cet argument sordide : ‘’je n’avais pas d’autre choix que de suivre la voie de mon père’’. Par conséquent ils vont, ces grands maîtres, user du même pouvoir pour construire, bâtir, rayonner.

On peut encore rappeler, à travers le Maharal, que bien souvent les enfants ‘’réparent’’ les erreurs de leur ascendant (bien entendu le contraire se peut tout aussi bien également…). Il y a entre les parents et les enfants une espèce d’exercice ‘’construire-détruire’’, ‘’abîmer-réparer’’. Reste à savoir si les parents peuvent exiger de leurs enfants ‘’de ne pas faire les mêmes erreurs que j’ai faites’’ ? Jusqu’où peut-on laisser les enfants faire leurs propres expériences ? Quand les parents se doivent d’intervenir pour ‘’corriger’’ leurs enfants ? Et surtout : les parents ont-ils le droit de faire des choix pour leurs enfants ? Toujours est-il, l’enfant analyse la vie de ses parents, souvent malgré eux, et filtre le bon du mauvais – et oui l’enfant est bel et bien le baromètre du comportement des parents ! Après cette analyse réalisée par l’enfant il choisira la voie qu’il veut prendre et ce qu’il jugera d’obsolète, par lui-même ou par des valeurs telles la Tora, il le rejettera pour se diriger vers e chemin du meilleur !

Le Saba de Kelm dans son H’oh’ma Oumoussar (volume 2 maamar 367) développe une autre idée. Rappelons que ces grands impies de l’histoire ont marqué des tournants forts dans l’aventure du peuple d’Israël. Il est évident que la démarche et la volonté de ces hommes étaient de faire beaucoup de mal, et ils ont en fait, cependant de leurs démarches il va ressortir du bien ! Effectivement il va y avoir un dévoilement divin de la hauteur du ‘’kidouch hachem’’ – sanctification du nom divin. Au final le peuple d’Israël bénéficie de ces maux qui lui sont infligés – c’est certes quelque chose qui nous dépasse en soi ; les Sages n’ont pas peur d’affirmer que l’Egypte est la matrice d’Israël, par exemple. Le peuple juif naît dans les entrailles des nations qui s’acharnent contre lui. Par conséquent de tout le mal que ces hommes infligent au peuple juif il va en découler d’une façon ou d’une autre un point bénéfique pour les hommes et même pour D’IEU. Le Saba continue donc : ils sont récompensés et voient leurs enfants bâtir le peuple d’Israël, ils deviennent des grandes figures d’Israël parce que leur père, tout aussi mauvais étaient-ils, ont contribué au dévoilement divin et ceci mérite d’être récompensé ! Cet enseignement talmudique a pour but de nous montrer la grandeur de la sanctification du nom divin qui est double : 1) même si elle se fait inconsciemment, 2) même si elle passe par des voies déplorables, elle connaît une récompense. Tout effort soit-il qui contribue au dévoilement de D’IEU est digne d’éloges. L’origine du meilleur se trouve en ce kidouch hachem auquel l’homme participe. Chaque prière, chaque bénédiction, chaque mitsva accomplie, chaque bonne action, chaque tsédaka, chaque cours de Tora etc. sont autant de moyens qui nous sont donnés pour dévoiler le nom de D’IEU dans le monde. Il revient à l’homme de ne pas perdre les opportunités qui lui sont offertes pour dévoiler encore et encore le nom de D’IEU dans le monde. Ne faisons pas partie de ceux qui éloignent D’IEU du monde. Je m’avancerais en émettant l’idée que personnellement je constate de toute cette étude : l’homme doit espérer que même du mal qu’il fait il en résulte une sanctification du nom divin ; parce que malheureusement il y en a qui font du mal duquel seul le mal en découle… Si tu n’arrives pas à faire le bien espère au moins que de ton mal il en ressorte un dévoilement de D’IEU. Sois fort dans ta faiblesse et non faible dans ta force. Fais partie de ceux qui investissent dans des actions bénéfiques qui rapportent plus que toute espérance. C’est cela l’origine du meilleur !

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