Rav Imanouel Mergui
Par excellence, l’homme n’aime pas qu’on lui dise comment il doit gérer son argent. L’argent touche une sensibilité de l’être humain : sa capacité de gestion ; cela prouve une certaine maturité du sujet. On le voit bien chez l’enfant, avoir son argent, son porte monnaie, c’est rentrer dans l’école des grands. Lorsque la Tora nous demande de donner dix pour cent de nos revenus à la tsédaka, on est comme pris d’un malaise – ‘’voilà donc que c’est mon argent – j’en fais ce que je veux – je le donne à qui je veux’’ etc. Que la Tora me demande de partager mes biens avec les démunis c’est une chose que l’homme peut encore accepter, quoi que, ce qui le gêne davantage c’est que la Tora lui impose une somme, qui plus est d’une importance assez considérable. Rappelons quelques lois concernant le maâsser qui nous permettront de pratiquer cette mitsva. Ce n’est certainement pas en ces quelques lignes que toutes les lois du maâsser seront rappelées (il existe des ouvrages entier le concernant), je citerai seulement quelques unes de ces lois, celles qui m’ont le plus marqué.
Le Choulh’an Arouh’ Yoré Déâ Siman 249 – 1 écrit : « La mesure de tsédaka à donner est : 1. S’il a les moyens il devra répondre à tous les besoins des pauvres, 2. S’il n’a pas tellement les moyens il sera préférable qu’il donne le cinquième (vingt pour cent) de ses biens, 3. S’il donne dix pour cent il fait partie de la mesure moyenne. Celui qui donne moins que dix pour cent est animé de âyin raâ – mauvais œil, avarice ». Ce qu’on appelle donc le maâsser est le minimum à donner ! Puisque le Choulh’an Arouh’ stipule le maâsser dans les lois de la tsédaka rappelons ce qu’il écrit au premier chapitre de ces lois (siman 247-2) « Jamais l’homme ne s’est appauvri en donnant de la tsédaka, aucun mal et aucun dommage ne peuvent lui arriver à cause d’elle, comme dit le verset ‘’l’acte de la tsédaka est chalom’’ ». Voilà une des raisons pour lesquelles l’homme se refuse de donner de son argent : si je donne je vais manquer – pense- t-il. Il y a, nous voyons bien, une notion qui dépasse quelque peu la logique concernant ces lois : la logique veut que si je donne j’ai moins, or, sans rappeler que donner le maâsser c’est s’enrichir (nos Sages voient dans le terme maâsser la racine ôcher – richesse), nous voyons que la tsédaka n’appauvrit pas et ne cause aucune perte au donneur. Comment cela fonctionne- t-il ?
Lorsque les Enfants d’Israël étaient appelés à donner des matériaux pour la construction du premier Sanctuaire il est dit (parachat Térouma) « Ils prendront le prélèvement de tout homme qui offrira selon l’offrande de son cœur». Cette expression laisse entendre que le riche peut donner peu et le pauvre peut offrir beaucoup, or, s’interroge le Maharal (Gour Aryé), il aurait été plus convenable de dire : le riche donnera beaucoup et le pauvre peu, ce qui répondrait à une certaine logique ? Le Maharal répond : le riche n’est pas celui qui possède beaucoup (l’avoir) mais c’est celui qui donne beaucoup. Effectivement celui qui donne peu c’est parce qu’il a peur de manquer, il vie dans l’esprit du manque – donc il est pauvre ; par contre celui qui donne beaucoup c’est parce qu’il a beaucoup, il n’a pas peur de manquer – il est lui le véritable riche. C’est ce que je donne qui détermine si je suis riche et non pas ce que je détiens. Là est la logique du maâsser : donner parce qu’on est riche (et non pas pour s’enrichir). Dés lors on comprend mieux pourquoi la Tora a fait dépendre les dons du Tabernacle à l’offrande du cœur, le Tabernacle, comme la tsédaka en général, permet à l’homme de réviser le rapport qu’il a avec ‘’son’’ argent, c’est-à-dire avec lui même (avant de réviser le rapport qu’il a avec l’autre). La tsédaka n’est donc pas uniquementune loi dite sociale : ne pas laisser l’autre dans la détresse, elle est peut-être avant tout une loi me permettant de faire rebondir vers l’extérieur ce qui se trame en mon intérieur. L’autre, le receveur, n’est que le moyen me donnant la possibilité de réviser mon for intérieur. Nos Sages sont explicites à ce sujet lorsqu’ils affirment que c’est davantage le pauvre qui rend service au riche à travers la tsédaka, plutôt que le riche lui a rendu service. Celui qui donne est surtout en détresse : j’ai de l’argent – oui mais, je suis replié sur moi-même, égocentrique, j’étouffe avec mon argent (Le Mésilat Yécharim a déjà écrit que la richesseétait une épreuve – celle de savoir si on va s’emprisonner avec…). Le receveur rend un service noble au donneur : il lui permet d’exister socialement et d’avoir un regard plus large dans la vie ! C’est le riche qui nécessite une réinsertion sociale, pas le pauvre.
Les questions de halah’a sont multiples en ce domaine : à qui a-t-on le droit et le devoir de donner le maâsser ? Qui a le droit de le recevoir ? Doit-on donner le maâsser sur le net ou le brut ? Peut-on déduire l’écolage des enfants, payer la bar-mitsa ou le mariage des enfants ? Les impôts sont-ils déductibles du maâsser ? etc. L’objectif de ces questions est de mieux pratiquer le maâsser , et non pas de s’en défaire.
Les bénéfices dumaâsser sont très grands, pour le receveur comme pour le donneur.
La tsédaka repousse les mauvais décrets. La ’’miséricorde’’ divine est sensible envers celui qui éprouve de la compassion pour les pauvres » – Choulh’an Arouh’ Yoré Déâ Siman 247. Par le biais de la tsédakaD’IEU, le pauvre et le riche existent – c’est le Chalom qu’elle promet.