Rav Imanouel Mergui
La dixième Parole que D’IEU adressa au peuple d’Israël par l’intermédiaire de Moché au mont Sinaï est :
- Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, etc. ni rien de ce qui est à ton prochain » – Chémot 20-14 et Dévarim 5-18.
Le Gaon de Vilna dit que « les Dix Paroles sont incluses dans la dixième !, toutes les fautes découlent de la convoitise et toute la Tora est inscrite dans ce commandement » (Even Chéléma 3). Celui qui n’a pas saisi l’enjeu de cette dixième parole sans aucun doute il enfreindra les neuf autres. La convoitise conduit donc au reniement de l’Eternel, à l’idolâtrie, au non-respect du nom divin, à l’infraction du Chabat, au manque de respect des parents, au meurtre, à l’adultère, au vol, et au mensonge. L’éloignement des biens d’autrui est le garde-fou de toute la Tora.
Rabi H’aïm Vital écrit « la convoitise est le summum de l’impureté, elle conduit à la jalousie, la haine, le vol, le mensonge et le meurtre. Elle perturbe l’homme au point de l’empêcher de s’adonner à l’étude de la Tora. Celui qui convoite n’a aucune foi en D’IEU ». (Chaar Hakédoucha)
Yonathan Ben Ouziel dévoile les conséquences de la convoitise « à cause de ce vice les royaumes convoitent l’argent des juifs, les riches voient leurs biens diminués, l’exil vient dans le monde », comme explique le Perouch Yonathan « ceci répond au principe de ‘’mida kenegued mida’’ – mesure pour mesure, si entre juifs vous convoitez les biens d’autrui alors les peuples vous convoitent, et confisquent les biens des riches ».
Celui qui convoite perd la joie – simh’a, il vie dans la douleur (Smak). Cela va sans dire qu’il enfreint le commandement d’aimer son prochain (Vayikra Raba 24-5).
La question qui s’impose est de comprendre comment la Tora nous demande de ne pas convoiter, voilà que c’est là un sentiment spontané et naturel que de désirer ce qui est beau ?
Tout d’abord il faut savoir que quoi que question qu’on peut avoir c’est là un commandement de la Tora qui a toute son importance. Le monde actuel à donner primauté aux sentiments et aux émotions et leur reconnait une place bien plus importante que les commandements et les ordres. De toute évidence il faut tenir compte des sentiments de l’être humain mais il faut savoir que les commandements de la Tora les surpassent. Il faut également savoir que la Tora invite là l’homme à gérer et guider ses émotions. La grandeur de l’homme c’est d’être au-dessus de sa sensibilité. On ne peut pas tout prétexter par le fait qu’on ressent (ou pas) telle et telle chose. Cela prouve la valeur de l’homme et le pouvoir que D’IEU lui a octroyé. Seul l’être humain est maître de lui-même et détient tous les pouvoirs de s’auto gérer, intellectuellement comme émotionnellement. C’est l’enjeu du libre arbitre…
Le H’inouh’ (249) écrit « seuls les sots et les mécréants pensent qu’ils ne peuvent pas gérer leurs émotions, l’homme détient tous les pouvoirs de pencher son cœur vers le sens où il le désire ».
Le Even Ezra soulève cette question et propose un point important : dans Dévarim il écrit « certains (Rambam Guézéla 1-10, H’inouh’, Smag et Smaq) sont d’avis qu’il n’y a aucune interdiction de ressentir la convoitise dans son cœur, selon eux l’interdiction va au-delà du cœur et ne concerne uniquement la personne qui ferait des démarches pour déposséder l’autre de ses biens afin de se les approprier. Je m’oppose à cette interprétation et vois dans le verset l’interdiction de ressentir dans son cœur le désir des biens de son prochain (opinion soutenue par le Roch ch’’out 95-1). L’essentiel de tous les commandements de la Tora c’est d’obtenir la rectitude du cœur ! » ; et dans Chémot il écrit « le villageois qui voit la princesse ne s’imagine pas un instant qu’il pourrait l’épouser, on ne le prendrait pas pour un fou s’il ne ressentirait pas ce désir. De toute évidence depuis sa jeune enfance il a été habitué à vivre à l’écart de ce qui ne lui est pas accessible. Ainsi tout être sensé doit savoir que ce n’est pas par sa sagesse et son intelligence qu’il accède à la belle femme et à l’argent, seule la part que D’IEU lui a réservé sera ce qu’il obtiendra. L’homme intelligent ne convoite et ne désire rien de ce que possède autrui. Il est conscient que tout ce qu’a autrui lui est interdit, il se réjouira de la part que D’IEU lui octroie et comprendra que si l’autre a et pas lui c’est qu’il ne peut l’avoir et d’aucune façon ou exercice il ne pourra déposséder l’autre de ses biens pour se les approprier. Il aura confiance en D’IEU qu’IL lui donne ce qui lui convient ». Ce texte d’une importance majeure contient de nombreuses idées, toutefois nous ressentons bien que le Even Ezra met ici le ‘’bitah’on’’ en opposition à la convoitise. Le remède au vice de la convoitise n’est autre que cette confiance absolue en D’IEU. Et, intéressant de constater qu’à travers le bitah’on l’homme ne ressentira plus de désir d’obtenir ce que l’autre a !, tel l’image du villageois. Le bitah’on ce n’est pas de se dire ‘’j’ai envie d’avoir ce que l’autre a mais j’ai confiance en D’IEU que ce que l’autre a n’est pas pour moi’’, non ceci est de la frustration. Le bitah’on c’est de ne pas désirer l’univers de l’autre (d’ailleurs l’antonyme de convoitise, dans notre langue française est le dédain, ou encore l’indifférence !…). Comme disait notre Grand Maître Rav Chlomo Wolbe ztsoukal « ‘’tu ne convoiteras pas’’ est la plus sévère des Dix Paroles ; elle veut dire que l’homme doit tellement être convaincu de la Providence Divine Individuelle à tel point de ne plus désirer ce qui ne lui appartient pas ! ». (Chiouré H’oumach Chémot pages 191, 192)
La confiance en D’IEU est le sujet fondamental dans le judaïsme, d’ailleurs c’est la première des Dix Paroles ‘’Je suis l’Eternel ton D’IEU’’. Aujourd’hui on parle de ‘’émouna’’ et ‘’bitah’on’’ lorsque l’homme se trouve face à des épreuves insurmontables comme la maladie ou les soucis d’argent. Le bitah’on c’est également avoir un autre regard sur les humains qui nous entourent, ce n’est pas qu’une question de mon rapport avec D’IEU. Le social ne dépend pas moins de notre confiance en D’IEU !!! Toute relation d’entre les hommes (couples, familles, communautés etc.) abîmée est la conséquence d’un manque de confiance en D’IEU.
Si le Even Ezra compare l’homme au villageois qui ne peut espérer épouser la princesse, Rav Méir H’adach ztsal disait plutôt
- l’homme est un prince, comment peut-il convoiter les objets matériels et les vanités de ce bas monde ?! » (Mayan Hachavoua Chémot page 285)
Ce commandement contient quelque chose d’important à rappeler. Nombre de gens pensent que c’est bien là une vertu à acquérir, si ce point de vue est vrai il est insuffisant puisque cette mitsva a également des implications pratiques dans le domaine de la halah’a. Voici quelques règles et exemples tirés de l’ouvrage Léréah’a Kamoh’a volume 1 du Rav David Eriav chalita
- « Celui qui insiste auprès de son prochain de lui vendre un bien dont il n’avait pas l’intention de vendre, même si celui-ci à payer la totalité du prix de l’objet, il enfreint ce commandement, et même si l’autre a finalement accepté de le lui vendre »
- « cette interdiction est indépendante de la valeur de l’objet convoité, il est donc interdit de convoiter tout objet appartenant à autrui même si c’est un objet d’une valeur minime, par exemple un enfant qui insiste pour que son copain lui fasse goûter son gâteau ou sa glace et que l’autre ne veut pas »
- « selon certains décisionnaires l’interdiction concerne même un objet qu’on peut trouver facilement dans le commerce »
- « selon le Betsel Hah’oh’ma cette interdiction s’applique même sur des objets de mitsva tel insister pour que l’autre nous vende son loulav, sa matsa etc., mais selon le Ben Ich H’aï ceci est permis »
- « même si l’autre n’utilise pas son objet et est laissé à l’abandon on n’a pas le droit d’insister pour qu’il nous le vende »
- « de toute évidence on n’a pas le droit de convoiter le poste communautaire ou professionnel que l’autre occupe »
- « ce commandement ne concerne pas un objet qui est mis à la vente, il sera même autorisé de négocier le prix à la baisse »
- « il est également interdit d’insister auprès d’autrui de nous offrir un objet duquel il ne veut pas se détacher »
- « on a le droit d’influencer une personne à vendre u objet qu’elle possède s’il est avéré véridique que la chose est pour son bien »
- « on a le droit d’exprimer le sentiment de posséder la même chose que l’autre a si on va se la procurer en l’achetant ailleurs »
- « les non-juifs sont également concernés par ce commandement, écrit le H’inouh’ 416 »
- « on a le droit d’insister auprès des parents pour qu’ils acceptent une rencontre entre leurs enfants en vue de mariage »
Le remède de la convoitise est de ne pas placer son regard sur ce qui ne nous appartient pas !
Si de toute évidence ce commandement concerne la personne qui désire et convoite les biens d’autrui, on peut lire un point important dans le Sefer H’arédim 99 et Rabénou Yona Sefer Hayira « l’homme n’a pas le droit de se mettre en situation oùl’autre va le convoiter, c’est la raison pour laquelle le mot ‘’lo tah’mod’’ écrit dans le verset est sans la lettre vav il peut se lire ‘’lo téh’amède’’ – tu ne feras pas de toi un être convoité par les autres ».
Le Gaon Rav Yitsh’ak Zilberstein chalita écrit « Les parents se doivent d’éduquer les enfants depuis leur plus jeune âge à ne pas envier le voisin. Celui qui a été habitué à la foi en D’IEU depuis son enfance n’aura aucun mal à surmonter la jalousie et la convoitise » (Alénou Léchabéah’ Béréchit page 81)