Rav Yona Ghertman
L’étude du Livre de Iyov n’est pas aisée. Les 42 chapitres de ce Sefer tentent de répondre à la question suivante : « Pourquoi des épreuves s’abattent-elles sur les Justes ? ». Disons le d’emblée : personne ne connaît la réponse. Personne ne la connaît à part Hachem. Certaines choses dépassent notre entendement, comme Iyov l’admet finalement (Iyov 42, 3).
De même ? Rabbi Yanaï dans les Pirké Avot enseigne: « Nous ne comprenons ni la tranquillité des méchants ni les épreuves des justes »(Avot 4).
Comme l’écrit le Rav Kehati, il existe pourtant des réponses classiques. Par exemple ? celle du Talmud voulant que les épreuves des justes soient compensées par une tranquillité dans le monde futur, alors que la tranquillité des méchants laisse la place à d’atroces souffrances (Kiddoushin 40b).
Pourtant, force est de constater que cette réponsene satisfait ni Iyov, ni Rabbi Yanaï.
De même le prophète Jérémie écrit« Je: sais que tu es juste et que je ne peux récriminer contre toi. Toutefois, je veux parler avec toi de tes jugements : Pourquoi le chemin des méchants brille-t-il et les traîtres sont-ils dans la tranquillité ? » (Jérémie 12, 1).
Le Malbim explique que Jérémie repousse sur deux versets les arguments des amis de Iyov :
- La tranquillité des méchants n’est qu’extérieureAu. fond d’eux ils sont terrifiés et vivent dans la peur.
- Même si les méchants prospèrent, leurs méfaits irontfin par se retourner contre eux.
- Peut-être Hachem laisse-t-il prospérer les méchants car il espère leur repentir.
Toutes ces réponses sont rejetées. Toutes les réponses sont insuffisantes. Elles ne sont pourtant pas fausses, mais ne concernent que des cas particuliers. Certes, certains vivent dans la peur des représailles à causes de leurs actes… Certes, les mauvaises actions se retou rnent parfois contre leurs auteurs…. Bien sûr, cert ains finissent par se repentir… Mais pouvons-nous vraime nt établir des généralités à partir de ces réflexions ? La réponse est sans doute négative. Les amis de Iyov onts critiqués pour avoir avancé des réponses trop définitives. En réalité, la seule certitude apparaissant est qu’il n’existe pas de réponse toute faite.
Même s’il existe différents systèmes judiciaires depar le monde, il n’y a en fait qu’un seul système de justice humaine : Celui qui commet une transgression subit un châtiment. Celui qui n’en commet pas con naît la tranquillité.
Ce système est également celui de la Justice Divinecomme cela ressort de nombreux passages de la Torah et des Livres bibliques. Toutefois il existe un second système : Une Justice dans laquelle, parfois, l’innocent souffre et le coupable vit tranquille. C’est ce second système que nous ne comprenons pas.
C’est pour cela que la réponse talmudique du contraste entre ce monde-ci et le monde futur n’est pas apportée par Iyov, Jérémie ou Rabbi Yanaï. Cette ponseré est vraie, mais elle n’explique pas le second système de Justice Divine. Nous acceptons et croyons dans les promesses concernant le monde futur, mais nous ne les comprenons pas forcément. La logique aurait voulu que le parfait innocent ne souffre pas en ce monde puisqu’il n’a rien transgressé. Et pourtant il n’en est pas ainsi.
La maxime de Rabbi Yanaï résumant indirectement le Livre de Iyov répond à deux catégories de personnes: A ceux qui s’insurgent contre Hachem à cause des « injustices » apparentes de ce monde, elle montre qu’une telle réaction relève d’une limitation intellectuelle. En effet, le rejet de ce qui n’est pas compréhensible est une marque de fermeture d’esprit certaine. A ceux qui ont toujours réponse à tout ( « C’est Kapara ! » ) , elle montre que la Justice Divine n’est pas un système simpliste.
Pour terminer cette petite introduction sur ce si vaste sujet, je rapporterai l’enseignement suivant du Talmud : « Yech issourim bélo avon / Il y a des épreuves sans transgression » (Shabbat 55b). Cette affirmation constitue la conclusion d’une discussion talmudique argumentée par différents versets de la Torah. Toutefois, aucun argument de logique pure (« svara ») n’est apporté. Et pour cause… La logique ne veut pas qu’un Juste soit éprouvé. La logique ne veut pas qu’un innocent souffre… Je parle ici de la l ogique humaine… La logique divine est au-dessus de notre e ntendement et Rabbi Yanaï nous le rappelle dans une leçon d’humilité exemplaire.