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Pour une Longue Vie

Rav Imanouel Mergui

Le temps de la vie imparti à l’homme nous est inconnu. Pirké Avot (fin du 4ème chapitre) nous enseigne « malgré toi tu nais, malgré toi tu vis et malgré toi tu meurs ». La vie est un voyage où l’on ne décide pas l’heure du départ et l’heure d’arrivée ! Ce que nous pouvons déduire, constate mon grand Maître Rav Chlomo Wolbe ztsal, c’est que le lieu et le moment de la vie est celui qui correspond à l’individu, de ce fait, poursuit-il, l’homme n’a pas le droit de se lamenter de son sort et de croire que s’il avait vécu en un autre lieu où en un autre moment la vie lui serait meilleure. La vie qui est impartie à chacun est exactement celle qui lui convient. A l’intérieur de ce temps et au lieu définit par D’IEU, le maître de la vie, l’homme doit jouer son rôle pleinement. Nous nous interrogeons certes sur le temps de la vie : pourquoi certains vivent longtemps et d’autres quittent la vie très jeune ? Avons-nous des réponses ? Je ne crois pas, d’ailleurs lors du décès il faut réciter la bénédiction « dayan haémète » – D’IEU est le juge de vérité. Les endeuillés acceptent le jugement divin qui a décidé qu’à ce moment le défunt devait quitter le monde des vivants.

Il y a une question qui revient dans le Talmud, au traité Méguila 27b et 28a « les élèves ont demandé au Maître : par quel mérite as-tu vécu longtemps ». C’est un peu l’élixir de la vieillesse qui est proposé dans ces passages ! Nous rêvons tous de vivre vieux – il serait plus juste de dire que nous rêvons tous de ne jamais mourir ! Mais nous prenons la vie un peu comme une fatalité : je suis là et quand je devrais mourir je mourrais, et je ne peux rien y faire. Les choses nous échappent un point c’est tout. Oui nous savons dire que certaines activités sont néfastes pour la vie comme fumer ou être prudent sur la route, et d’autres sont bonnes comme respecter un rythme de vie sain. D’ailleurs la question du Talmud m’a toujours surprise : la taille de la vie dépend elle de l’homme ? Vivre longtemps n’est autre que la volonté divine ! Et pourtant les élèves ont soumis cette question aux Maîtres et les Maîtres ont répondu. Donner une réponse et être capable d’expliquer la raison d’une longue vie m’a toujours émerveillé – ces Sages, qu’on va rencontrer par la suite de notre étude, savaient justifier leur âge avancé ! Etudions leur réponse, et soyons surpris de voir et d’apprendre que certains comportements ont la faculté d’allonger la vie, et par conséquent leur contraire raccourcirons la vie…

«Les élèves ont demandé à Rabbi Zakaï : par quel mérite as-tu connu de longs jours ? Il leur répondit : 1) je n’ai jamais uriné proche d’un lieu de prière, 2) je n’ai jamais donné un surnom à mes amis, 3) j’ai toujours honoré le chabat parla récitation du kidouch ».

«Les élèves ont demandé à Rabbi Elâzar ben Chamouâ : par quel mérite as-tu connu de longs jours ? Il leur répondit : 1) je n’ai jamais traversé la synagogue pour faire un raccourci, 2) je n’ai jamais marché ‘’sur la tête des autres’’ (Rachi explique que dans le temps les élèves s’asseyaient à même le sol pour écouter le cours et lorsque le maître passait pour rejoindre sa place on pouvait avoir l’impression qui leur marchait dessus), 3) je n’ai jamais récité la prière des cohanim sans réciter au préalable la bénédiction qui doit être prononcée ».

«Les élèves ont demandé à Rabbi Préda : par quel mérite as-tu connu de longs jours ? Il leur répondit : 1) jamais un homme ne m’a devancé au lieu d’étude (il arrivait toujours le premier), 2) je n’ai jamais consommé une viande d’une bête dont les prélèvements dus au cohen n’avaient pas été prélevés, 3) lors d’un repas en présence d’un cohen j’ai toujours veillé à ce qu’il soit le premier à se servir et à réciter les bénédictions ».

«Les élèves ont demandé à Rabbi Néh’ounya ben Hakana : par quel mérite as-tu connu de longs jours ? Il leur répondit : 1) je ne me suis jamais honoré de l’erreur d’autrui, 2) avant de me coucher je n’ai jamais maudit quiconque – comme enseigne Mar Zoutra : avant de dormir il faut pardonner à tous ceux qui nous ont peiné, 3) j’étais large dans mon argent – il laissait la monnaie au commerçant ».

«Rabi Akiva a demandé à Rani Héh’ounya le Grand : par quel mérite as-tu connu de longs jours ? Il lui répondit : 1) je n’ai jamais reçu de cadeaux – comme Rabi Elâzar qui refusait les cadeaux et les invitations, 2) je ne me suis jamais vengé du mal qu’on m’a fait – comme l’a enseigné Rava : D’IEU efface les fautes de ceux qui ne sont pas rancuniers, 3) j’étais large dans mon argent ».

«Rabi a demandé à Rabi Yéhochouâ ben Korh’a : par quel mérite as-tu connu de longs jours ? Il lui répondit je n’ai jamais regardé la face d’un impie ».

«Les élèves ont demandé à Rabbi Zéra : par quel mérite as-tu connu de longs jours ? Il leur répondit : 1) je n’ai jamais montré d’exigence envers mon épouse, 2) je n’ai jamais marché devant une personne plus grande que moi, 3) je n’ai jamais médité aux paroles de Tora dans des lieux impropres, 4) je n’ai jamais parcouru quatre coudées sans paroles de Tora et sans téfiline, 5) je ne me suis jamais endormi dans les lieux d’étude,

  1. je ne me suis jamais réjouit de l’erreur d’autrui,
  1. je n’ai jamais usé d’un surnom dégradant à l’égard d’autrui ».

Vivre longtemps ! Oui, mais à quel prix ? Ces réponses sont impressionnantes, elles représentent un comportement subtil et un travail sur soi énorme. Il y a ici 23 réponses à approfondir pour mériter et connaître une longue vie. Chaque réponse est un exercice détenteur de l’élixir de la vie. Les grands exégètes du Talmud notamment le Maharal, le ben Ich H’aï et le Eyne Yaâkov se penchent sur ces textes pour en extraire des conduites agréées.

Mais allons un peu plus loin : en réalité on peut s’interroger, y-a-t-il un intérêt de savoir ce qui peut allonger la vie ? Le Méiri nous éclaire, il commente : ces Maîtres flattaient leur qualités vertueuses pour nous indiquer que tout celui qui se nomme talmid h’ah’am – érudit et sage en Tora, il convient qu’il se comporte de la sorte et adopte des comportements similaires ! C’est bien cela le message de ces Maîtres : mettre en avant les MIDOTES ! Et comme écrit Rav Desler zal (volume 5 page 425) : ces comportements montrent la précision de la pratique des mitsvot et le respect qualitatif des valeurs. Par conséquent, dans la Tora une vie saine prometteuse c’est une vie qui s’inscrit dans la pratique scrupuleuse des commandements divins et dans le comportement vertueux vis à vis de soi, vis-à-vis des autres et vis-à-vis des valeurs de manière générale. Le point fort, parmi tant d’autres, de ce message veut que les vertus ne soient pas uniquement théoriques, des belles paroles en l’air, elles sont véhiculées en se référant au mode de vie des Sages. On n’invente pas les vertus on les apprend chez les Maîtres ! Si les commandements de la Tora ne s’inventent pas, c’est une évidence, c’est d’autant plus vrai concernant les comportements vertueux. Le respect, la rancune, l’animosité, la prétention, la vengeance, l’exigence etc. sont autant de vices desquels ces Maîtres nous rappellent qu’on doit s’éloigner. S’éloigner de tous ces vices pour goûter une vie plus longue, parce qu’en réalité les vices écourtent la vie. Les gens animés de vices sont rongés de haine et de rancœur donc d’irrespect envers les autres et envers eux-mêmes… Ils se tuent dans leur jugement des autres, ils s’étouffent dans leur négativisme. Ils meurent.

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