Aller au contenu

La vie après la mort

Rav Imanouel Mergui

La vie après la mort c’est tout un programme renfermant trois notions majeures : MACHIA’H (traduit vulgairement par : le Messie), TÉ’HIYAT HAMÉTIM (traduit vulgairement par : la résurrection des morts) et le ÔLAM HABA (traduit vulgairement par : le monde futur). Tout le monde ne croit pas à ‘’tout ça’’ ; et même ceux qui y croient n’ont pas obligatoirement une connaissance exacte et définie de ce que renferment ces notions, ils ne les ont pas apprises correctement voire pas du tout. Or ces notions on ne les invente pas (d’ailleurs on n’invente rien dans la Tora, même si certains croient que quelques notions de la Tora telles la conversion ou la cacheroute s’inventent…). D’ailleurs ceux qui ne croient pas au concept de ‘’vie après la mort’’ et de ce qu’il renferme c’est sans doute parce qu’ils ignorent l’enjeu et le sens de ces notions.

Maïmonide (dans son ‘’Introduction à H’elek’’) énumère ce concept dans ces treize fondements de la foi de notre religion et le divise en trois fondements :

  1. Le onzième principe : celui qui est glorifié récompense qui applique les commandements de la Tora et punit qui transgresse ses prohibitions. La récompense la plus grande est le monde à venir et la punition la plus sévère est le retranchement du monde à venir. L’Ecriture enseigne ce principe par ce verset« Pourtant si tu voulais pardonner leur faute ! Sinon efface-moi de ton livre que tu as écrit » (Chémot 32-32), et D’IEU répondit à Moché « celui qui a péché contre moi, c’est lui que j’effacerai de mon livre ». C’est une preuve qu’il connaît celui qui obéit et celui qui faute, pour donner salaire à l’un et châtiment à l’autre. (Le Rambam s’étale davantage sur cette notion dans ses Hilh’ot Téchouva chapitre 5 ainsi que dans les Huit Chapitres et dans le Guide des Égarés).

Le Rambam décrit là deux points a) le principe de ‘’récompense et châtiment (sa’har et ôneche), b) la nature de ce que représente la récompense et le châtiment, dans son extrême : le ôlam haba.

  1. Le douzième principe : les jours du Machia’h ; croire et être sûr qu’il viendra et ne pas penser qu’il sera en retard. Ne lui assigne pas une date et ne cherche pas dans les Ecritures pour déduire le moment de sa venue (nb : l’attendre c’est ne pas lui assigner une date). Il faut croire que le Machia’h aura une supériorité, ilfaut le magnifier, l’aimer et prier pour sa venue (nb : l’attendre c’est reconnaître

sa valeur !). la Tora l’a annoncé explicitement dans le péricope de Bilâm et dans la péricope de Nitsavim.

  1. Le treizième principe : la résurrection des morts ; il n’y a pas de religion ni d’adhésion au peuple juif pour celui qui n’y croit pas. (le Rambam a écrit une épître intitulée ‘’Épître sur la résurrection’’).

Par conséquent la vie ne s’arrête pas avec la mort physique, la mort n’interrompe pas la vie. Définir la mort comme une fin c’est tuer sa vie, c’est un suicide !!! Et pourtant nombreux sont ceux qui sont partisans de la formule ‘’vivre, c’est mourir un peu plus tous les jours’’. Définir la vie comme étant le chemin qui conduit à la mort est un pur délire. Mourir c’est plutôt la continuité de la vie… La tombe n’est pas le terminus. Effectivement peut-on concevoir que la vie a une fin ?! Si on admet que la vie a une fin cela reviendrait à dire que la vie n’est pas une valeur absolue et que la vie est un accident. Or ce qui vit ne peut pas mourir ; car, si demain je meurs définitivement c’est qu’aujourd’hui même je ne vis pas réellement. La vie ne peut supporter la notion de mort. La mort n’est pas l’arrêt de la vie. Vivre c’est antinomique avec la mort. La mort ne peut donc que s’inscrire dans le programme même de la vie. Le vivant est immortel, sinon c’est qu’il n’a jamais vécu. Bien évidemment, selon cette théorie, une question s’impose : QUEL EST ALORS LE SENS DE LA MORT ?

Selon mon discours, les trois notions s’inscrivant dans le concept de ‘’vie après la mort’’, je veux dire Machia’h, Téh’iyat Hamétim et Ôlam Haba, ne sont pas des mondes distincts du notre, ils sont la suite logique de la vie telle que nous la connaissons. On pourrait schématiser ainsi et dire que la vie est composée de plusieurs étapes :

  1. La vie avant la vie : car, s’il y a quelque chose qui ne meurt pas cela implique en toute logique qu’il y a quelque chose qui a toujours vécu. Si la vie ne meurt pas c’est qu’elle a toujours existé.
  2. La vie à partir de la conception et de la naissance.
  3. La mort.
  4. La résurrection.
  5. Les jours du Machia’h.
  6. Le Ôlam Haba.

Chacune de ces six étapes est un épisode de la vie. D’ailleurs le Maharal constate que la vie dans la Tora se dit H’AÏM, c’est un pluriel qui se traduit ‘’les vies’’ – non pas dans le sens de la multiplicité des vies mais plutôt dans le sens des multiples parties de la vie.

Arrêtons-nous un instant sur la définition de ces différentes étapes…

Tout le monde connaît les deux premières étapes, passionnantes en soi, tout ce qui se passe avant la conception et ce jusqu’à la mort tout être humain l’a vécu.

La mort : qu’est-ce qui se passe au moment de la mort ? Qu’est-ce que le vivant ressent lorsqu’il meurt ? Et pareilles interrogations qui traversent l’esprit du vivant…

Les trois dernières étapes nous les connaissons surtout sur leur forme interrogative !

Pour la résurrection des morts : les morts ressuscitent nus ou habillés ?, les morts ressuscitent-ils guéris de leurs maux ou non ?, les morts ressuscitent-ils célibataires ou avec leur conjoint ? (et lorsque le vivant a connu plusieurs conjoints avec lequel se lèvera-t-il ?; et, la question la plus simple : qui se lèvera au moment de la résurrection ?…

Pour les jours messianiques : quand viendra le Machia’h ?, les commandements de la Tora seront-ils encore applicables ?, quelle sera la mission du Machia’h ?, que se passera dans le monde lorsqu’il viendra (état apocalyptique ou chaotique ou…) et après qu’il viendra ?, les non juifs connaîtront-ils ce monde ?…

Pour le monde à venir : monde de l’âme ou monde corporel ?

J’ai soulevé des questions que tout le monde se pose. Existe-t-il des réponses claires ? OUI ! Les grands Maîtres de la Pensée de la Tora se sont penchés sur ces questions et sur tout le concept de ‘’vie après la mort’’, notamment : Maîmonide, Na’hmanide et Rav Saâdya Gaon. Leurs ouvrages non accessibles à tous et les passages qu’ils y ont consacré pour traiter de ce sujet passionnant prouvent son importance. D’autant plus, que je suis partisan de la pensée qui veut, que celui qui ignore ce qui se passe après la vie ne peut saisir l’enjeu véritable de ce qu’il vie avant la mort…

Nous sommes restés sur des interrogations, voyons comment les Maîtres de la Tora ont abordé ces questions.

Rav Saâdya Gaon écrit dans son Émounot Védéôte Maamar 7 « puisque Moché Rabénou ressuscitera avec eux, il aura des réponses à toutes ces questions ; et nous, nous sommes exemptes de nous attarder sur ces sujets, et nous sommes dispensés de nous efforcer à y répondre puisque nous ne pouvons comprendre seulement ce qui se passe dans notre monde. Il y aura en ces temps-ci prophétie, prophètes et sagesse… ».

Rambam suit la même voie, il écrit dans ses Hilh’ot Mélah’im 12-2 « personne ne sait comment les choses se dérouleront en ces temps-ci… Savoir le déroulement des évènements futurs n’est pas chose essentielle dans notre religion ! Il convient de ne pas s’attarder sur ces questions car elles ne conduisent ni à l’amour divine ni à la crainte divine !!! Il faut simplement attendre et croire en ces évènements de façon globale… ».

Ces deux Maîtres géants de la Tora nous livrent deux points fondamentaux :

  1. Il ne nous apporte rien de nous attarder sur les interrogations du comment se déroulera le futur. Il est en vérité surprenant de voir qu’ils se sont eux aussi posés ces questions, et ils nous invitent à ignorer les réponses. Ce n’est pas une fatalité, je veux dire ignorer le futur ce n’est pas que nous n’avons pas de réponses et nous sommes dans la confusion, c’est bien plus que cela : ça ne sert à rien de savoir comment les choses se dérouleront. A quoi bon répondre à une question dont la réponse est stérile ?!
  2. Ils nous indiquent au moins un point qu’on sait sur les temps futurs : la perception intellectuelle sera extrême ! Rav Saâdya Gaon écrit (ibid.) « en ces temps futurs il y aura la ‘’tévouna’’ (caractéristique de la finesse de la compréhension profonde et intime des choses) ». Rambam écrit dans ses Hilh’ot Téchouva 8-2 « les hommes jouiront de la splendeur divine qui est le ‘’daât’’ (caractéristique de la compréhension ultime voire divine des choses) ».Rappelons également les propos du Ramh’al dans son Daât Tévounot « par la ‘’yédiâ’’ et ‘’hasaga’’ D’IEU se dévoile à ses créatures et non pas par des miracles ! Le ‘’daât’’ et la ‘’h’oh’ma’’ augmenteront en ces temps-ci ».

Voilà ce qui intéresse les grands hommes lorsque nous parlons des temps futurs : névoua, tévouna, daât, h’oh’ma, yédiâ et hasaga. Sans rentrer ici dans la définition de ces termes, ceux-ci désignent un élargissement de l’esprit de la façon la plus absolue et je dirais même de la plus inconnue. Cette analyse est quelque peu surprenante lorsque nous savons que l’homme ordinaire attend des temps futurs un remède au chaos et à l’apocalypse, certains attendent même et espèrent une vie pleine de miracles et de répit du monde exécrable dans lequel nous vivons. Il me paraît de façon certaine que le chaos est le produit direct de la bêtise de l’homme, et, nous savons qu’il faut toujours guérir la source. L’ultime remède reste celui qui guérira cette dite bêtise, celle qui nous conduit au pire des catastrophes. Les textes allant dans ce sens ne manquent pas mais l’un de ceux qui m’ont le plus marqué est celui du Rambam dans son Guide des Égarés 3ème partie chapitre 11 où il écrit « ces grands maux que les hommes s’infligent les uns aux autres, à cause des objectifs, des passions, des opinions et des croyances, découlent tous d’une privation ; car tous ils résultent de la sottise, c’est-à-dire de la privation de la science. De même que l’aveugle, à cause de l’absence de la vue, ne cesse de se heurter, de se blesser et de blesser aussi les autres, de même les partis d’entre les hommes, chacun selon la mesure de sa sottise, s’infligent à eux-mêmes et aux autres des maux qui pèsent durement sur les individus de

l’espèce humaine. S’ils possédaient la sagesse, ils seraient empêchés de se faire aucun mal à eux-mêmes et aux autres etc… (lisez la suite du texte du Rambam vous trouverez le bonheur absolu…) ». L’ordre du jour, pour les temps futurs, sera la perception de la vérité absolue. Il en va donc de soi que c’est ce à quoi nous devons nous préparer dans ce monde ci. Ce qui reviendra c’est ce qui ne meurt pas.

Ce qui reste tout de même énigmatique c’est la mort, effectivement en quoi la mort participe à ce programme de découverte de la vérité ? Pourquoi le passage de la mort est-il obligatoire ou tout au moins nécessaire pour connaître la vérité absolue qu’on découvrira dans les temps futurs ? Rappelez-vous nous avons dit et nous défendons la thèse que la mort n’est pas une fin mais une étape (ce qui explique d’ailleurs le respect des morts à laquelle notre tradition est si sensible). Quel est le sens de cette étape ?

Le problème de la mort c’est qu’elle nous fait peur parce qu’elle contient l’ ” inconnuon” appréhende la mort parce que le seul aspect que nous avons d’elle c’est un coté physique, le corps reste inerte et on le dépose dans la tombe. On perd un cher et on ne passera plus de bons moments avec lui. Si c’est un maître la peine est quelque peu différente puisque c’est l’arrêt de son enseignement direct. Mais la mort se résume-t-elle à cela ? Si on ne sait pas définir la mort nous avons par conséquent un regard erroné sur le sens de notre vie parce que ce qui se passera ‘’après’’ la mort dépend et découle de ce qui s’est passé ‘’avant’’ la mort ! Avoir peur de la mort c’est ignorer le sens de la vie. Or, la mort doit nous permettre d’avoir un regard plus authentique sur notre vie. L’inconnu ne doit pas nous apeurer il doit nous éveiller à l’interrogation, notamment. Mais, lorsque nous ne savons pas donner de réponse, je veux dire si nous ne savons pas ce qu’est la mort, nous ne pouvons conclure des idées qui vont abîmer le sens de notre vie. La mort n’est pas un accident, tout comme la vie d’ailleurs. La science ne peut définir ni l’arrêt de la vie ni l’arrivée de la vie. Les médecins n’ont pas le droit de dire au patient ‘’tu vas mourir’’ pire encore lorsqu’ils lui disent ‘’il te reste quelques jours de vie’’ ; de même, les médecins n’ont pas le droit de programmer la naissance de l’enfant – excepté pour des raisons médicales. La vie comme la mort n’appartiennent pas à l’homme. D’où également l’interdiction gravissime de mettre fin à ces jours pour quelque motif soit-il. Il y a dans la vie et la mort ‘’quelque chose’’ de divin, de surpassant l’homme. Ceci enrage l’homme, moderne de surcroît, qui se pense le maître de sa vie. Or, l’homme gère le contenu de sa vie mais ne gère absolument pas le point de départ et le point d’arrivée je veux dire le moment où il arrive sur terre et le moment où il quittera la vie organique. Mémorisez bien ce concept, qui vous paraîtra quelque peu bizarre : penser la mort c’est l’espoir de la vie ! un philosophe a dit (Le Phédon) « l’homme matériel a peur de la mort, l’homme de l’esprit a moins peur de la mort ». Notre grand Maître Rav Chlomo Wolbe ztsoukal rapporte dans son livre fabuleux Alé Chour II page 683 « un élève du Gaon de Vilna écrit : le jour de la mort est le but de la vie de l’homme. Ce que l’homme perçoit en ce jour de sa mort est bien plus supérieur à ce qu’il aura perçu durant toute sa vie, toutefois sa perception dépendra du niveau qu’il atteint durant sa vie… ».

Mais encore, pourquoi mourir ?

Notons quelques idées :

  • Selon Rambam (Yésodé Hatora) la mort est la décomposition naturelle des éléments composés,
  • Selon Ramban la mort est la conséquence de la faute de Adam Harishon,
  • Selon le Maharal, le corps qui est né de façon matériel ne peut accéder au niveau du monde de l’intellect et de l’esprit dépourvu de toute matière ; c’est la raison pour laquelle ceux qui, déjà de leur vivant, n’ont connu uniquement une vie de l’esprit ne sont pas mort comme le prophète Eliyahou…
  • Au traité Moed Katan 28a le Talmud rapporte l’enseignement de Rava qui dit que la mort qui est séparation du corps et de l’âme ressemble à un cheveu tombé dans un bol de lait qu’on retire (on connaît l’expression ‘’comme un cheveu dans la soupe’’), en réalité cette séparation nous inquiète parce que nous avons une méconnaissance de l’âme. Mon grand Maître Rav Chlomo Wolbé disait qu’on a également une mauvaise connaissance du corps, non pas au sens scientifique uniquement, mais surtout au sens ‘’toraïque’’ du terme. Il disait que l’homme se doit de s’interroger quel est la place du corps dans la Tora ?

En réalité comment pouvons-nous espérer comprendre la mort si on n’est pas capable d’expliquer la vie ???

  • Toujours au traité Moed Katan 29a le Talmud explique que l’image précédente proposée par Rava est dite pour le juste, pour tous les autres hommes la mort ressemble à une corde qui rattache un bateau à un autre ou comme une corde nouée à elle-même. Ces images sont quelque peu complexes, néanmoins elle nous montre que déjà du vivant ces maîtres savaient dire ce qu’est la mort. Par conséquent la mort n’est plus un inconnu inaccessible au vivant… Rav Wolbe ztsoukal explique : plus le corps est épais, c’est-à-dire plus l’homme investi dans sa matière, plus la séparation du corps et de l’âme se fait avec difficulté, par contre plus l’homme développe l’esprit durant son vivant plus la souffrance de la mort sera minime. La souffrance de la mort dépend du poids qu’on a donné
  • son corps durant sa vie. La mort c’est l’effacement total de la matière représentée par le corps, si durant la vie le corps connaissait déjà un effacement relatif alors le moment de la disparition du corps sera moins souffrante. On peut expliquer cela même au niveau psychologique, je veux dire si durant la vie on a investi davantage dans le corps c’est qu’on a

reconnu au corps une place primordiale, or au moment de la mort le corps disparaît et il n’en reste rien ceci est déprimant de voir qu’on a perdu son temps à investir dans ce qui disparaît. Par contre si déjà du vivant on a misé davantage sur l’esprit la mort physique sera moins douloureuse puisque l’esprit ne meurt pas.

La mort a donc pour objectif de nous faire comprendre que l’essentiel de l’investissement de l’homme durant sa vie n’est autre que le DAÂT, puisque l’homme mourra son DAÂT persistera et c’est son DAÂT qui reviendra et ressuscitera !!! Dans le Talmud un maître a dit : fais téchouva avant de mourir ! La mort nous donne un regard plus authentique sur notre vie. Savoir qu’on va mourir nous indique quel est le sens de notre vie.

Mourir c’est vivre un peu plus tous les jours !

Au traité Béra’hot 57b le Talmud propose l’idée suivante : « le sommeil est un soixantième de la mort ! ». Les Sages ne cherchent pas à nous angoisser. Les Sages viennent par là nous indiquer le sens du sommeil. Tous les soirs nous mourront et tous les matins nous ressuscitons, pour cela les deux premières expressions qui ouvrent notre journée à notre lever sont :

  1. ‘’modé ani léfané’ha etc. chéhéh’ézarta bi nichmati – je t’exprime D’IEU ma gratitude etc. que tu m’as rendu mon âme ! »,
  2. ‘’élokaï néchama chénatata bi téhora hi etc. véata âtid litéla miméni ouléha’hazira bi léâtid lavo – mon D’IEU l’âme que tu as donné en moi est pure etc. tu me la reprendras et tu me la rendras dans les temps futurs’’

Le sommeil est ce qui peut nous donner un aperçu de ce qu’est la mort. Quel est cet avant-goût ? Nous savons qu’au moment du sommeil le corps est inerte (très peu actif), seul l’esprit fonctionne et parfois même plus que lorsque nous sommes réveillés. Le sommeil nous indique qu’il existe un état où le corps représentant la matière est en mode pause mais que l’esprit ne s’arrête jamais. Ainsi, lorsqu’on mourra seul le corps sera inerte (pour se relever au moment de la résurrection à qui en sera méritant) maisd l’esprit est immortel ! La mort ne tue pas, elle dispose l’être de se retrouver dans son état réfléchi le plus absolu. Mourir c’est prendre conscience de ce qui constitue notre être.

Il reste une question majeure à laquelle je voudrais traiter : pourquoi la Tora ne mentionne-t-elle pas explicitement les concepts du ÔLAM HABA, MACHIA’H et TÉ’HIYAT HAMÉTIM ???

Cette question a suscité l’intérêt de tous les penseurs et maîtres de la Tora, je vous propose là quelques-unes de leurs réponses :

  • Le Sefer Hah’inouh’ dans son introduction propose deux réponses :
  1. « si tu t’interroges, du fait que l’essentiel de tout est le monde des âmes ‘’ôlam hanéchamot’’ dans lequel l’homme recevra son salaire, pourquoi la Tora n’a-t-elle pas mentionné ce monde, effectivement elle aurait pu dire : lorsque vous pratiquerez mes commandements je vous ferais hériter du ôlam haba ? Réponse : le sujet du ôlam haba est connu et clair comme le scintillement du soleil à toute personne animée d’intelligence. Les peuples reconnaissent que l’âme persiste après la disparition du corps. Personne ne s’oppose à l’idée que le bonheur de l’âme dépend de la pureté qu’elle a su conservé alors qu’elle se trouvait dans le corps. Ces choses ont nullement besoin de preuves, elles sont un ‘’mouskal richon’’ un axiome !!! La Tora ne s’attarde pas sur ce que nos Sages appellent une ‘’sévara’’ – notion découlant de la raison la plus évidente. La Tora a nullement besoin de nous dire : lorsque tu feras ce qui est de la volonté divine tu jouiras dans le ôlam haba car, la chose est évidente que tout être créé qui atteint la volonté du créateur suprême se rapprochera de Lui et jouira de son éclat ».
  2. « si la Tora avait promis un salaire dans le ôlam haba et non dans ce monde ci, l’homme ne voyant pas la promesse se réaliser de son vivant douterait de la véracité de cette chose s’il n’est pas animé de foi ».

La thèse proposée ici par le H’inou’h est quelque peu surprenante, en voici ce qui en ressort ; pour la première réponse, la Tora ne traite pas clairement du monde à venir puisque c’est une évidence répondant à la pure logique, chose que tous les peuples reconnaissent ! Et, pour la deuxième réponse, même si la Tora en avait parlé clairement le petit croyant en serait sceptique. C’est incroyable ce qui est dit là : le croyant n’a pas besoin que la Tora en parle et le non croyant ne le croirait pas même si la Tora le dirait !!! Le ôlam haba est une notion qui dépasse le texte et l’écrit, ou bien tu y crois parce que ta logique t’y conduit, ou bien tu n’y crois pas parce que tu es sot et par conséquent que la Tora te le dise ne te conduirait pas plus à y croire. Si on conjugue cette compréhension avec ce qui avait été développé précédemment on obtiendrait l’idée comme suit : le ôlam haba est le monde du DÂAT (comprenant ici tous les concepts dits ‘’intellectuels’’ dans le sens le plus large du terme), ce faisant pour avoir accès au monde du DÂAT seul le DÄAT lui-même nous y conduit. En simple le ôlam haba est le monde de la raison et pour y avoir l’atteindre seule la raison elle-même en est la voie. C’est ce que dit là le H’INOUH’, si tu es doté de raison tu comprendras que le ôlam haba existe par contre si tu es inanimé de raison tu ne pourras le percevoir et ce même au prix que la Tora te le dise.

  • Étudions à présent la réponse de Rabénou Bé’hayé dans son H’ovat Halévavot chaâr habitah’on chapitre 4 :
  • le salaire du ôlam haba ne nous a pas été livré par le prophète (Moché Rabénou) dans son livre (La Tora) et ceci pour six raisons :
  1. « Nous ignorons la forme de l’âme lorsqu’elle est détachée du corps à fortiori qu’il nous est impossible de percevoir ce qui anime l’âme de plaisir et de déplaisir lorsqu’elle existe sans le corps ! Toutefois la chose est expliquée à qui en est capable comme Il a dit à Yéhochouâ dans la prophétie de Zé’harya chapitre 3 verset 7 etc. ».Cette première réponse veut que le ôlam haba répond à l’âme or l’homme sous son apparence matériel et physique quand bien même composé de cet dite âme n’a pas une perception claire de ce que l’âme représente à elle seule. A quoi bon, dit le maître, de dire à l’homme : ton âme aura un salaire, puisqu’il ignore ce qu’est l’âme. L’homme veut comprendre le salaire et veut même goûter à ce salaire alors qu’il ne sait même pas ce qu’il est lui-même ! L’inconnu du ôlam haba nous renvoie à l’inconnu de l’être. Il est bien sûr évident que la question s’impose (à laquelle je n’ai pas de réponse…) : pourquoi D’IEU a-t-IL créé l’homme sous cette forme inconnue ? Le maître nous propose peut-être un élément de réponse : certains ont eu accès à la perception du monde à venir déjà de leur vivant, cela veut dire que l’homme de son vivant doit atteindre un niveau très élevé pour comprendre les enjeux du monde élevé. Le ôlam haba commence ici dans ce bas monde. Tu auras là-bas ce que tu en perçois ici.
  2. « le salaire et la sanction du monde futur a été transmise au peuple par les prophètes, et pour les sages la chose est perceptible par le biais de l’intellect. La chose n’est pas mentionnée dans le Livre comme de nombreux éléments des commandements de la Tora ne sont pas écrits mais sont référés à la transmission ».
    Cette deuxième réponse du maître nous lègue quelques points majeurs : les prophètes ont transmis au peuple la notion du futur et les sages l’ont découvert par eux-mêmes ! L’absence de sa mention dans la Tora n’est pas une question propre à ce sujet puisque de nombreuses lois de la Tora ne sont définies uniquement par voie de ‘’transmission’’. Arrêtons-nous un instant sur cette notion ; la transmission est une clé primordiale dans la Tora et le divin. Toutefois le maître dans son texte a employé le mot ‘’kabala’’ qui se traduit plus justement par ‘’acceptation’’, c’est-à-dire me semble-t-il qu’il y a des notions qu’on a reçues et qu’on doit accepter sans passer par l’écrit et le texte. C’est en soi un sujet délicat et fondamental dans la Tora auquel je ne m’attarderais pas en ces lignes. La notion du futur lointain appelé ôlam haba le monde du futur u plus exactement le monde qui vient fait partie des choses que D’IEU a jugé plus correcte de ne point les écrire et de les transmettre aux hommes soit par le biais de leur intelligence soit par le biais des prophètes. Le ôlam haba est le résultat de ce qu’on doit croire par transmission, ou par prophétie, ou par la raison. Le judaïsme ne se limite pas à ce qui est écrit (seul les sots tels …. ont besoin de tout voir écrit. Ils sont aveugles de la pensée, amputés de maîtres, et se croient plus cohérents avec le texte ! Ils ne croient pas au ôlam haba, ils n’en n’auront aucunement accès). On pourrait rajouter que ne peut être écrit seulement ce qui peut être visible, l’écriture c’est déjà donner une forme aux choses, or le ôlam haba est le monde de l’inconnu tel que le maître l’a proposé dans sa première réponse, en toute cohérence cet inconnu ne peut prendre aucune forme soit-elle pas même sous sa forme écrite !
  3. L’homme en son début de la découverte de D’IEU est comparable à un enfant qui ne comprendrait pas l’enjeu profond du sens de l’étude, effectivement si on disait à l’enfant : étudie la Tora pour améliorer ton comportement, il n’en serait pas encourager pour autant. Pour amener l’enfant à l’étude il faut lui promettre des choses qui vont le conduire à cette étude. Pareillement pour Israël, l’homme dans sa petitesse d’esprit et dans son éloignement des valeurs ne serait pas à même de comprendre l’enjeu de la pratique de la Tora en lui promettant le ôlam haba. Ce faisant, D’IEU dit : si vous faites la Tora je vous donne la pluie et l’abondance, la santé et la paix etc. dans ce monde ci, ceci est l’appât qui va encourager l’homme à avancer dans la Tora et lorsqu’il murira dans la vie et dans la Tora il comprendra par son intellect et sa réflexion que tout ce qu’on lui a promis n’était pas le salaire final mais le moyen de le conduire au ôlam haba. Il faut donc une grande maturité et dans la vie et dans la Tora pour entendre parler du ôlam haba. Prétendre comprendre le ôlam haba sans s’asseoir étudier la Tora et sans la pratiquer est en soi une preuve qu’on n’a rien compris. En simple je dirais qu’il ne sert à rien d’expliquer le ôlam haba à celui qui n’en n’est pas à la hauteur il ne comprendrait rien, et s’il est en mesure de le comprendre il pourrait le découvrir par lui-même (beaucoup de gens aujourd’hui sont comme cet enfant qui ne voient pas l’intérêt d’étudier la Tora, mais en réalité ils sont encore plus inférieur que cet enfant, car l’enfant qui ne comprend pas l’enjeu de l’étude est tout au moins susceptible d’y arriver par cette récompense promise par l’enseignant, alors que ceux-là aucun moyen ne les a conduit à l’étude, pire encore ils se moquent de ceux qui étudient la Tora, pire encore ils prétendent connaître la Tora mieux que ceux qui l’étudient, pire encore ils gèrent le monde avec une Tora inventée… )
  4. Le salaire divin attribué à l’homme dans le monde à venir ne peut être réclamé par l’homme car tout ce que l’homme fait comme bonnes actions dans ce monde ci ne vaut pas un retour à tout ce que D’IEU agit envers l’homme dans ce monde ci ! L’homme veut connaître le ôlam haba et ce qu’il contient, cependant pour accéder au ôlam haba il faut en être capable. Qu’est-ce qui conduit l’homme au ôlam haba ? La chose qui conduit l’homme au ôlam haba est la même chose qui permet à l’homme de persister dans le ôlam hazé, or tout ce que l’homme est à même de faire de bien dans ce bas monde lui suffit à peine pour connaître la vie du ôlam hazé, par conséquent la Tora ne peut nous parler du ôlam haba puisque l’homme ne sait comment le ‘’réclamer’’ (au traité Sanhédrin 104b le Talmud nous dit que les Sages ont voulu exclure une personne du ôlam haba ce à quoi D’IEU leur répondit : « le ôlam haba m’appartient et vous ne pouvez décider et choisir qui en a accès et qui non… ! ») Comment alors ce ôlam haba parviendra-t-il à l’homme ? Uniquement par la bonté divine ‘’h’essed Hachem’’. Ce h’essed divin nous ignorons totalement ses rouages et ses enjeux. La vie par excellence est déjà elle-même un h’essed divin, on pourrait dire alors que ce que l’homme perçoit du h’essed divin dans ce monde ci c’est cela même qu’il recevra là-bas. Le ôlam haba est l’expression de la bonté divine dans toute son excellence. On pourrait dire encore que c’est peut-être la raison pour laquelle la Tora demande tant à l’homme de s’investir dans la qualité de h’essed de son vivant… ; or et paradoxalement c’est sans doute la qualité la plus difficile à mettre en pratique. L’homme a tant de mal d’agir en h’essed avec les autres, avec sa femme, ses enfants, ses parents. Comment l’homme peut-il espérer le h’essed divin si lui-même n’agit pas en h’essed ?! Il me paraît, selon mon discours, que la qualité qui conduira l’homme au ôlam haba est le h’essed. D’après cela on peut comprendre davantage pourquoi la Tora n’en parle pas explicitement ? Effectivement le h’essed est comme un cadeau et doit garder son effet de surprise, dire le contenu du cadeau c’est tuer le cadeau. Le cadeau ne peut être dévoilé !
  5. L’action de l’homme est composée de ce qui se voit, les membres agissent, et de ce qui ne se voit pas, l’intention et l’élan de l’être intérieur du cœur et de l’esprit. Dans ce monde ci D’IEU récompense l’homme sur les actions, et dans le ôlam haba il récompensera l’homme sur la partie voilée de ses faits. C’est la raison pour laquelle toutes les promesses de la Tora quant aux bonnes actions de l’homme sont promises dans ce monde ci comme il est fait mention dans le livre de Vayikra parachat Béhoukotaöi. La Tora n’a pas mentionné le salaire de la partie voilée de l’action de l’homme.La Tora a un discours concret puisqu’elle se rapporte à l’aspect concret de l’homme. Rajoutons que l’homme lui-même ne serait pas à même de définir l’élan de son cœur,l’intention qu’il imprime dans ses faits. L’homme ignore son être intérieur (il a la possibilité de le connaître, à cela l’exercice d’une vie ne suffirait pas…), il ne peut désormais pas comprendre le monde caché qui reflète de la partie cachée de son être.
  6. La Tora nous livre un grand principe : on ne parle à l’homme seulement dans le langage qu’il est capable de comprendre pour évoluer. Le langage de la Tora est un langage encourageant l’homme à avancer et à s’améliorer. Le temps et le lieu sont deux éléments majeurs pour traiter d’un concept.C’est un peu comme un enfant. Il faut adapter la réponse à celui qui pose la question. Le moment et le lieu adéquat pour parler du ôlam haba est le monde du ôlam haba lui-même !Dans la prophétie de Zé’harya chapitre 3 verset 7 on trouve une description du ôlam haba énoncée à Yéhochoua ben Yéhotsadak, cet homme avait atteint un niveau très élevé déjà dans ce monde ci ce qui lui permettait d’en apercevoir un avant-goût déjà ici dans ce bas monde. Cet homme vivait déjà de son vivant une dimension du ôlam haba il a pu savoir, par voie de prophétie, ce qu’il vivra dans le monde à venir.
  7. L’enjeu du ôlam haba n’est autre que la proximité que l’homme pourra avoir avec son créateur ce qu’on appelle la ‘’dvékoute’’, or cette proximité ne se fera seulement avec les êtres dont D’IEU lui-même voudra se lier. Le ôlam haba est l’expression de la volonté divine de se lier à un être, et cette volonté est déjà exprimée dans la Tora. Effectivement la Tora dit « suivez mes préceptes ». C’est-à-dire que celui qui suit les commandements divins est l’être voulu par D’IEU. Le ôlam haba est l’univers de la proximité totale est absolue de l’homme avec D’IEU, et, nous avons ici, à travers ce que la Tora nous dit et à travers ce que l’homme vie, une description du ôlam haba.

Pour conclure cette étude je rappellerais que d’autres nombreux grands Maîtres de la Tora en ont traité, tel le Chla, le Ikarim, le Akédat Yitsh’ak, le Kéli Yakar, le Avi Ezri, le Gaon de Vilna et beaucoups d’autres encore ; les lignes ne suffiraient pas pour citer toutes leurs réponses (en fait je ne sais trop pas si tout ce sujet intéresse nos lecteurs, si j’étais sûr que oui j’aurais continué…). Ce qui paraît clairement c’est que l’interrogation de ce que représente réellement les concepts de Machiah’, Téh’iyat Hamétim et ôlam haba et surtout le mystère de ces concepts n’ont pas éloigné l’homme de sagesse du créateur. Bien au contraire le mystère du divin n’éloigne que le sot. Le croyant quant à lui voit dans le mystère divin la raison même de continuer à chercher pour s’approcher davantage D’IEU. L’incompréhension et l’ignorance ne doivent pas être des raisons pour nous éloigner de D’IEU, bien au contraire. Prétendre tout comprendre est la cause de tous les maux du peuple d’Israël. On est, le peuple d’Israël, par excellence le peuple du mystère, le peuple de l’étonnement, le peuple de l’incompréhension, le peuple de l’interrogation. C’est notre force.

Mais, cependant pour assouvir votre curiosité je conclurais cette étude par une phrase maîtresse de Maïmonide (le Rambam a écrit deux Epîtres majeures sur tout ce sujet ‘’Hakdama H’elek’’ et ‘’Maamar Téh’iyat Hamétim’’, les propos que nous rapportons là se trouvent dans cette deuxième référence aux éditions Gallimard page 152) :
D’IEU SAVAIT QUE S’IL LEUR AVAIT PARLÉ DE LA RÉSURRECTION DES MORTS, IL LEUR AURAIT ÉTÉ IMPOSSIBLE DE L’ADMETTRE ET ILS SE SERAIENT BEAUCOUP ÉLOIGNÉS DE LUI. Les transgressions seraient apparues légères à leurs yeux parce que la punition ne les frapperait qu’après un long délai. C’est pourquoi il leur fit peur et il leur promit le bien et le mal au sujet des choses survenant rapidement. Pour cette raison la Tora fut plus aisée à être acceptée et plus utile »