Rav Imanouel Mergui
Dans notre paracha la Tora traite longuement des unions sexuelles permises et interdites. Ce sujet est d’ailleurs traité plusieurs fois dans la Tora, puisqu’on le retrouve déjà dans d’autres sections : Ah’aré Moth et Kédochimdans le Lévitique. Chose surprenante d’ailleurs : ce sujet est lu l’après-midi du jour de Kipour, au moment de la prière de minh’a. C’est dire que la Tora attribue une attention majeure quant à cette valeur. Dans lesnations (et ne parlons là que de la France) il exis te également une législation concernant le ’’mariage’’. Si je ne me trompes pas, on pourrait d ire qu’aucune contre indication n’existe excepté l’inceste et la pédophilie, et encore là aussi on peut se poser la question : jusqu’à quand se seront des pratiques prohibées et sanctionnées par les états ? Ne sommes-nous pas dans un monde libre ?! Il serait intéressant de s’arrêter sur chacune des unions et d’analyser la raison de ce qui l’interdit ou l’encourage. Il manq uerait de place à travers ces lignes. Essayons donc d’analyser le sujet de façon plus globale. Et là toutes les questions traversent mon esprit. Et pourtant depuis Mai 68 la devise est bien connue ’’il est interdit d’interdire’’ on a alors TOUT permis, toutefois ce n’est pas ce qu’il y a de plus désolant. Le pire est qu’à partir du moment où on a tout permis on a par là même arrêté-voire interdit – de réfléchirEt. àpartir du moment où la réflexion ne se fait plus onn’est plus à l’écoute d’aucun message et, tout particulièrement de celui de la Tora.
Il y a un deuxième point qui a conduit à ne pas étudier ce sujet si délicat c’est leTABOU. On a fait l’amalgame entre tsénioute– discrétion – et interdit, entre pudeur et honteux. Un troisième point est également à l’origine du refus d’étudier particulièrement ce sujet c’est l’A PRIORI. Certes la sexualité touche l’intimité de l’individu : de l’homme et de la femme ; à partir d e ce moment là l’individu ne peut supporter et se faire à l’idée qu’on puisse le commander et l’ordonner dans ce domaine qui LUI appartient. Et il y a encore beaucoup d’autres raisons qui sont à l’origine de ce déni de se pencher sur la question de la sexualité selon la Tora.
Je trouve, personnellement, que c’est bien là un poi nt fort de la Tora : traiter de TOUT, même de ça ! Dans la Tora il n’y a pas de tabou. D’ailleurs nombreux sont ceux qui voient dans l’ésotérisme ou dans la mystique lapiété ultime, le summum de la révélation, le niveau extrême… Ils y voient même la particularité et la grandeur de notre Tora, de notre foi et de notre religion. Je ne partage pas du tout cette thèse, je m’en éloigne. La chasteté n’a pas de place dans la Tora. La Tora ne voit rien de grand chez celui qui s’éloigne des fonctions du corps. La grandeur et la particularité de notre Tora c’est qu’elle s’adresse à l’homme en tant qu’homme, elle n’est pas une doctrine qui se situe à l’EXTÉR IEUR de l’homme, bien au contraire !, la Tora touche l’homm e dans son intériorité et dans son intimité. La Tora s’intègre dans l’homme. La Tora et l’homme ne sont plus deux éléments qui s’opposent. Ils forment un seul et même corps. Un seul et même esprit. Plus encore, la Tora permet à l’homme d’unifier en lui-même tous les composants qui le forment afin qu’il ne vive pas en désaccord avec lui-même. Notre société estl’heureà des sciences de la psyché avec, essentiellement, la psychologie et la psychanalyse. Les gens font de plus en plus de psychothérapie, entreprenez en parallèle la THORAPIE !
C’est bien là le premier point que nous livre notre paracha : lo dibéra tora éla keneged yetser hara. La Tora, dans toutes ses lois, ne vient pas contourner le ’’mauvais penchant’’ ou l’étouffer, ’’elle vient parler en fa ce et contre le mauvais penchant’’. En effet lorsqu’on va en guerre et qu’on aperçoit de belles prisonnières plutôt que de l’épouser dans la faute (et plutôt que de la violer sauvagement !) la Tora autorise au soldat juif de l’épouser (après un processus de conversion – certains exégètes sont d’avis qu’avant même de l’avoir converti il a le droit de s’unir avec elle une seule fois, voir Rambam Mélah’im 8. Attention ! ne tirez aucune conclusion de ce qui est dit là – m erci. ) La Tora s’adresse au yetser hara. Mais au fait qu’est-ce que c’est le yetser hara ?! Est-ce vraiment ce qu’on appelle le mauvais penchant ou le mauvais instinct ? Non et non, défaites-vous des idées judéo-chrétiennes qui ont abîmé et falsifié les valeurs de la Tora … !!!
Avant de définir ce qu’est véritablement leyetser hara soulevons une autre question : par la suite de la paracha Rachi (21-21) cite le commentaire du Midrach Tanh’ouma expliquant que bien que la Tora a autorisé la prisonnière, d’une certaine manière,en parallèle la Tora annonce que par la suite il la haïra et aura d’elle un enfant rebelle – ben sorer oumoré. A quoi bon lui autoriser cette femme s’il sait d’em blée qu’il n’obtiendra àtravers elle que des malheurs ?
Là se trouve l’intérêt de définir correctement leyetser hara. Traduisons étymologiquement cette expression. Yetser du mot yétsira, création ou créature. Leyetser hara c’est la création – la production négative, issue de nos actes. La Tora invite l’homme àREFLECHIR sur son comportement. Cette analyse doit le conduire jusqu’à prendre conscience de ce que ses actes génèrent. Assouvir ons instinct c’est bon sur le moment mais est-ce synonyme de création et de construction ? Quelle et la valeur de mon acte ? Epouse la si tu veux (si tu as besoin de rassasier tes fantasmes) mais attention de cette façon tu ne produiras rien de bon, de positif, de constructif, de réel et d’existentiel. D’après cette ’’nouvelle ‘’ définition, le yetser hara et le yetser hatov n’est pas ce qui conduit et ce qui pousse l’homme à faire le bien ou le mal, c’est ce qui est produit de l’homme. Le yetser hatov et le bon produit, le yetser hara est le mauvais produit. Ce qui pousse l’homme dans le sens du bien ou du mal touche un autre domaine, celui de la béh’ira – le libre arbitre.
L’éducation sexuelle, comme toute autre éducation, en renferme pas seulement des leçons pratiques mais également et plutôt un ESPRIT : celui de la Tora, celui de l’Homme… Grand est celui qui assume ses agisseme nts et leur attribue une valeur. Les Pirké Avotle nomment « H’Ah’am aroé et anolad ». C’est bien plus qu’une grandeur c’est une forme d’intelligence celle d’être à l’écoute de soi ; non pas pour combler ses manques mais pour combler son être le plus existentiel.