Rav Imanouel Mergui
Nous trouvons dans l’enseignement de nos Sages trois dimensions de prière récitée AVANT que le malheur ne se produise…
1.) Rav Yitsh’ak fils de Rav Yéhouda enseigne, au traité Chabat 32a : « L’homme doit toujours implorer la miséricorde divine afin de ne pas tomber malade ». L’être humain a tendance à s’adresser à D’IEU par le biais de la prière seulement lorsque les choses vont mal, s’il est malade il demande la guérison, s’il connaît des soucis financiers il demande la richesse etc. Mais lorsque les choses vont bien, l’homme s’investit moins dans la prière, au mieux il remercie D’IEU de lui avoir accordé ce qu’il a. Néanmoins nous constatons clairement que la prière de remerciements se fait bien souvent avec moins d’élan que la prière d’imploration ! Ce Maître du Talmud nous dévoile que la notion de requête ne se fait pas qu’en avale – je prie parce que je suis malade, la prière doit être exprimée en amont – je prie pour ne pas tomber malade. Cela veut dire que la prière est préventive et non curative ! C’est bien là un travail assez grandiose : demander que tout aille bien, que les choses ne se dégradent pas, ce qui n’est pas un exercice évident parce que lorsque tout va bien l’homme a tendance à oublier D’IEU !, comme dit le verset dans Dévarim 32-15 « Yéchouroun, engraissé, regimbe. Tu étais trop gras, trop replet, trop bien nourri – et il abandonne le D’IEU qui l’a créé, et il méprise son Rocher tutélaire ! ». En réalité Rav Yitsh’ak poursuit son idée, il dit : «… car, si l’homme tombe malade on lui dit : amène un mérite pour être libéré ». Il semblerait que la prière ne marche qu’avant la catastrophe pour éviter le pire. Combien d’échecs aurions nous pu éviter si nous priions avant que les choses n’arrivent pour qu’elles n’arrivent pas !
2.) Nous avons dit que la prière est protectrice. Cependant nous avons un autre enseignement au traité Sanhédrin 44b « Rabi Elâzar dit ; l’homme doit précéder la prière à la souffrance ! ». Le terme ‘’précédé’’ (yakdim) laisse sous entendre que la prière ne pourra pas épargner l’homme de la souffrance, toutefois l’homme doit prier même si malheur il y aura, et cette prière doit être prononcée avant l’arrivée du mal. Pourrait-on alors s’interroger : quel est donc le bénéfice de la prière si de toute manière la souffrance arrivera ? Cette question est grave parce qu’elle détermine qu’on a mal saisi l’enjeu de la prière. La prière n’est pas qu’une vertu pour régler les problèmes de l’homme. Le bénéfice de la prière dans le sens protecteur est la conséquence de la prière non son enjeu principal ! La prière a pour but de rattacher et de rapprocher l’homme à son Créateur, de garder la connexion. Cet enseignement de rabi Elâzar est quelque peu particulier il nous dit : renforce le contact avec D’IEU avant que le malheur ne t’accable, afin que lorsque le malheur sera présent tu sauras garder le contact avec D’IEU. En fait cette prière protège l’homme non pas du malheur lui-même mais des conséquences négatives du malheur je veux dire l’éloignement d’avec D’IEU.
3.) A la fin du livre de Chmouël on peut lire qu’au temps du roi David le peuple d’Israël fut atteint par la peste ce qui causa la mort d’un grand nombre du peuple d’Israël. Le roi David s’étonne de cette tragédie qui frappe Israël. Le Yalkout Chimôni (fin Chmouël) donne la réponse de David « les gens meurent
parce qu’ils n’ont pas prié pour que le Temple soit construit ! ». Il y a dans ce Midrach une notion majeure dans la prière. Tout d’abord nous pouvons constater la gravité de ne pas prier – l’absence de la prière. Cela sous entend donc l’idée comme suit : le peuple ne priait pas pour la construction du Temple, mais pourquoi mourraient-ils ? En quoi est-ce une réponse à l’étonnement du roi David ? Il aurait été légitime de dire : puisque vous ne priez pas pour la construction du Temple alors le Temple ne sera pas construit, mais pourquoi mourir ? Il me semble que Le Midrach nous dévoile comment fonctionne la prière. L’absence de la prière d’une chose peut entraîner l’absence d’une autre chose ! C’est-à-dire : la prière est composée de dix neuf bénédictions, mais il ne faut pas les concevoir comme étant distinctes l’une de l’autre, elles sont chacune un fragment d’un tout, toutes ces bénédictions ensemble constituent une entité – comme une grande bénédiction. Par conséquent si on néglige une de ces dix neuf bénédictions elles sont toutes affaiblies. Par exemple : si on prie sur la parnassa avec beaucoup de ferveur mais on ne prie pas assez bien la bénédiction de la reconstruction du Temple, alors la bénédiction sur la parnassa ne peut pas marcher … Chaque bénédiction a un impact sur les autres parce qu’elles sont toutes liées. C’est la raison pour laquelle ne priant pas pour la construction du Temple le peuple mourrait, la prière qu’ils faisaient sur la vie ne pouvait pas marcher.
Conclusion : une prière réussie c’est une prière qui répond à ces trois principes ;
- Prier AVANT l’événement négatif pour qu’il ne se produise pas,
- Toujours garder le CONTACT avec D’IEU,
- Investir dans TOUTE la prière.