Rav Ringer zal
La religion que vous pratiques, elle mène à quoi ? Ces prières des ’’jours redoutables’’, ces rites qui les accompagnent, à quel besoin, à quelle recherche répondent-ils ? Excusez-moi d’avoir attaqué la question de front, mais il faut parfois brusquer pour entrer en matière !
Dans le Talmud, la sonnerie du Chofar à Roch Hachana, est comparée en maints aspects à celle de l’année du jubilé. Essayons de découvrir le rapport qui les relie.
Cette cinquantième année était appelée ‘’l’année de la liberté’’. Les terres vendues revenaient à leur premier propriétaire et les serviteurs qui avaient loué leur force de travail, retrouvaient une vie normale. La liberté proclamée par le Chofar représentait donc le désengagement des contraintes de la vie économique. Ce son sans artifice contient un appel au retour vers l’origine. La corne évoque d’ailleurs comme une antenne braquée vers le ciel.
Liberté ? Est-ce dans le judaïsme qu’on va la trouver ? Notre société libérale ne s’est-elle pas au contraire révoltée contre les contraintes religieuses ? Oui !, nous croyons qu’une discipline sensée et librement consentie n’est pas contradictoire à la liberté, tandis qu’un asservissement inutile dans lequel on se laisse inconsciemment glissé l’est. La Tora laisse entendre que l’esclavage est une condition dans laquelle l’homme retombe infailliblement s’il ne s’efforce pas constamment de s’en affranchir. Le Midrach laisse entendre que l’esclavage en Egypte n’avait débuté qu’après que les juifs se fussent laissés prendre au jeu fascinant de construction des villes – au ‘’développement, à la croissance dirait-on aujourd’hui. Ce n’est pas une déviation que de parler de la servitude en Egypte en ce début d’année, car si c’est à l’époque de Pessah’ qu’eut lieu la sortie effective, c’est à Roch Hachana que cessa l’asservissement.
Pour dire un mot de l’inflation, n’est-ce pas cette gourmandise exigée par notre système économique qui ronge, en fin de compte, notre vie ? N’est-ce pas le moteur même de toute la production qui nous entraîne dans un galop sans répit ? Des problèmes de ce genre, au lieu de n’appeler que des mesures techniques, n’exigeraient-ils pas la remise en cause de notre attitude face au bien-être matériel ? Limitons nous à répéter que l’aspect humain dans toutes ces questions est primordial et que cette manière de voir pourrait constituer la clé du problème.
A lire les journaux on pourrait croire que notre souci majeur est celui dont parlent les hommes politiques. Ce sur quoi je reviens, c’est cette surenchère du problème économique. N’est-ce pas, une fois de plus, nous forcer à regarder vers le bas et non vers le haut ? Non seulement la vie matérielle nous a attirés dans son sillage, mais encore veut-elle nous faire croire que ce n’est que d’elle qu’il faut s’occuper.
Revenir aux sources, à la signification réelle de notre vie, est l’exclamation du Chofar. Et, je le répète : si nous étions plus conscients des questions primordiales, les secondaires ne s’en trouveraient que mieux abordées.
Le Chofar, les prières, les rites de ces jours de début d’année représentent la libération de l’homme. D’abord sa victoire sur la vie matérielle, l’affirmation de la suprématie de sa dimension sur celle du monde qui l’entoure. Ensuite, la libération de l’homme de lui-même, car le deuxième piège, le plus fallacieux, c’est l’autosatisfaction que procure l’admiration de ses propres gestes et de ses grandes décisions historiques.
Mais pour se libérer d’un système, il faut en avoir découvert un autre. Il ne suffit pas de vouloir s’affranchir, de se lamenter des carences de l’existence, il faut savoir où l’on va. Il est même anodin de parler du fait que l’on veut ‘’retourner vers D’IEU’’ ; il faut savoir comment se diriger, en quoi cela consiste.
En ce début d’année, on prend un nouveau départ. Tout ce qui se fera dans les mois suivants sera marqué de la manière dont nous avons conçu notre existence en ces jours de recueillement e de prières.
Puisse le Chofar nous inciter à poursuivre notre chemin en remontant la pente ! Puisse-t-il nous libérer de l’inflation des problèmes matériels et des ambitions personnelles !