Rav Imanouël Mergui
La prière quotidienne comporte dix-huit bénédictions ; et pourtant, s’étonne le Talmud au traité Béraho’t 28b : « voilà qu’en réalité il y a dix-neuf bénédictions ? La dix-neuvième bénédiction (dans nos livres de prières elle est positionnée en douzième place) a été instituée plus tard par les Sages de Yavné. Rabi Lévi a dit à Rabi Hilel fils de Rabi Chmouël fils de Nah’mani, cette bénédiction a été rajoutée en rapport au verset des Psaumes 29-3 « kel hakavod hirhim – le D’IEU de gloire tonnera ». Selon Rav Yossef elle correspond au mot « éh’ad – un » du chémâ. Selon Rav Tanh’oum au nom de Rabi Yéhochouâ ben Lévi elle correspond à la plus petite vertèbre de la colonne vertébrale. Nos Maîtres ont enseigné : Chimon le vendeur de coton a institué et ordonné les dix-huit bénédictions devant Raban Gamliel. Raban Gamliel a dit aux Sages : y-a-t-il un homme parmi vous qui sait ordonner une bénédiction à propos des saducéens (première école des hérétiques) ? Chmouël ‘’le Petit’’ s’est levé et l’institua ». En réalité le Talmud explique le sens et l’enjeu de chacune des bénédictions de la prière quotidienne. Mais, j’ai choisi de m’arrêter sur celle-ci à cause des propos qu’écrit le Rambam sur cette bénédiction : « Du temps de Raban Gamliel les apostats se multiplièrent dans la communauté d’Israël. Ils causaient beaucoup de torts à la communauté d’Israël et incitaient les juifs à se détourner de D’IEU. Raban Gamliel constata que ce fut le plus grand des besoins de l’homme, il se dressa avec son tribunal pour instituer une bénédiction où l’on demande à D’IEU d’exterminer les hérétiques. Il fixa cette bénédiction dans la prière pour qu’elle soit récitée par tous. La prière comporte désormais dix-neuf bénédictions » (Hilh’ot Téfila II-1). Notre prière quotidienne est marquée par des requêtes adressées à D’IEU nécessaires à la vie de l’homme comme la santé, l’argent, l’exil etc. Mais, nous dit le Rambam « le plus grand des besoins » est la perte de ceux qui détournent l’homme de D’IEU !!! Effectivement la bénédiction a-t-elle un sens lorsque l’homme se détache du divin ?! Pourquoi demande-t-on à D’IEU la santé, l’argent, le retour des exilés etc. si nous nous éloignons de Lui ?! C’est bien là encore un paradoxe manifeste de l’homme : demander à D’IEU de répondre à mes besoins tout en rejetant D’IEU en même temps ! La plus grande des bénédictions, correspondante au plus grands des besoins de l’homme, n’est autre que cette bénédiction où nous implorons l’Eternel d’exterminer les détracteurs d’Israël. Qui sont et où se trouvent ces détracteurs ? A l’intérieur même d’Israël ! Ceux sont tous ceux qui freinent le développement et la pratique de la Tora, pire encore ceux qui empêchent l’avancement d’Israël dans le sens divin du terme. Cette bénédiction est très sévère « que les délateurs et les hérétiques ne connaissent aucun espoir, que les impies soient exterminés en un instant, que tous les ennemis de D’IEU soient très vite retranché etc. » ; elle insupporte l’homme moderne qui se dit tolérant, mais c’est bien la tolérance libérée qui nous a conduit au pire. On a malheureusement laissé trop de place à ceux qui nous font le plus de mal, ceux-là parmi nos frères qui se sont détournés de l’Eternel et s’efforcent de détourner les autres. Eux sont pires que nos ennemis de l’extérieur et que toute nation ennemi d’Israël, explique le Netsiv. Je n’ai jamais compris pourquoi ceux qui s’éloignent de la Tora ressentent le besoin de détourner les autres de la Tora. J’appelle cela « les kamikazes de la Tora », ils ne mettent pas des bombes dans les synagogues, mais (peut-être pire) ils viennent dans les synagogues et insufflent un esprit contre la Tora, contre les érudits, contre ceux qui s’investissent dans l’étude de la Tora. Comme explique le Talmud au traité Sanhédrin selon une version « l’hérétique est celui qui affirme que ceux qui étudient la Tora ne servent à rien… ». Ce discours prend un sens particulier au moment même où nous nous adressons à D’IEU pour lui dresser nos requêtes. La Prière c’est surtout et davantage le moment où nous devons réviser notre rapport à D’IEU. Qui ne rêve pas d’une santé meilleure, d’une parnassa plus conséquente, d’un chalom baït plus harmonieux etc. ?! Mais qui prend le temps de se dire que si les choses vont mal c’est parce que en son for intérieur l’hérésie le g agne ! Cette hérésie qui l’invite à banaliser et mépriser la Tora d’une façon ou d’une autre. Pourquoi se moque-t-on de ceux qui veulent manger ‘’strictement cashère’’ ? Pourquoi certains rejettent les exigences toraïques quant à l’éducation des enfants, ou encore de l’organisation des prières et des manifestations dans les synagogues ? Pourquoi rit-on de ceux qui prônent la pudeur (tsénioute en hébreu) ? Pourquoi prendre en pitrerie ceux qui ont des exigences halah’iques dans quelque domaine soit-il ?
Cette bénédiction qui souhaite la disparition des impies, tout aussi dur soit-elle (que vous-même récitez d’ailleurs) répond au plus grand des besoins d’Israël !!! Le Talmud précité a proposé trois explications sur cette bénédiction : 1) le tonnerre de D’IEU – selon certains commentaires ce verste des Psaumes s’adresse à la fin des temps, la fameuse guerre de Gog et Magog. A la fin des temps l’hérésie emplie le monde (nous en sommes largement témoins aujourd’hui) ; alors, le D’IEU de gloire tonnera pour exterminer ces ‘’démagogues’’…, 2) le mot éh’ad du chémâ – éh’ad reflète l’unicité absolue de l’Eternel. L’enjeu des hérétiques n’est-il pas de démystifier le divin ? De le désunir ? Et de désunir le peuple de son créateur ?! L’extermination des impies permettra le rayonnement de l’unicité divine. Tel est le programme de la fin des temps « bayom hahou yihyé achem éh’ad etc. », 3) la petite vertèbre de la colonne vertébrale – la colonne vertébrale est le support du corps sans elle le pire arrive. Les hérétiques, selon toutes espèces confondues sont le ‘’cancer de la moelle épinière du peuple d’Israël’’… La plus grande bénédiction est celle de savoir éradiquer le mal !