Rav Imanouel Mergui
Un des commandements fondamental de la Tora est le respect du Chabat. A tel point que le
H’afets H’aïm rappelle, dans l’introduction au Michna Béroura volume 3, que toute personne
qui transgresse Chabat est semblable à un idolâtre ! Parce que, dit-il, la profanation du
Chabat témoigne du reniement de la création initiale du monde par D’IEU ; comme écrit le
Rambam (Chabat chapitre 30) « l’idolâtrie et le chabat sont deux commandements de la
Tora qui équivalent tous les commandements de la Tora ! ». Le Chabat ne se résume pas à
l’allumage des bougies, au couscous et à la sieste. Le Chabat c’est une myriade de lois qui
s’imposent à chaque geste réalisé et ce même des plus banals ! Pour n’en citer que
quelques-unes : a-t-on le droit d’ouvrir le frigidaire chabat ? La question est soulevée à
plusieurs niveaux : l’ouverture de la porte déclenche l’allumage d’une lumière, d’un voyant,
d’écritures annonçant le degré de froideur du frigidaire, l’ouverture de la porte peut
déclencher le moteur lié au thermostat. Ou encore : comment choisir une paire de
chaussette dans son placard sans enfreindre le principe de ‘’borere’’ – trier ? Autre
exemple : comment ouvrir les bouteilles et les boîtes de conserve sans enfreindre les
interdits de : déchirer, abîmer, former un ustensile. Chabat connaît également ses lois
concernant le médical ; tout le monde sait qu’en cas de danger on a le devoir de transgresser
chabat pour secourir une personne en danger. Cependant les cas de médecine du quotidien
comme prendre la température, prendre un médicament, une crème qu’on doit étaler sur
une plaie, etc. dans quelle condition sont-elles autorisées. C’est chaque petit geste qui est
analysé et doit être pratiqué selon la loi du chabat. Sans oublier la manipulation d’objet qui
s’inscrit dans le principe de ‘’mouktsé’’. Dans son Orah’ H’aïm le Choulh’an Arouh’ a
consacré 103 chapitres sur les lois de chabat sans compter les lois de ‘’érouvin’’ (c’est quoi
ça ?!…). Il existe aujourd’hui des centaines d’ouvrage sur les seules lois du chabat. Et ça vaut
vraiment le coup de s’y mettre… C’est là que le Chabat prend un sens digne de ‘’méène olam
haba’’ – avant-goût du paradis ! Fermez boutique chabat, allez à la synagogue, participez à
des chiourim, chantez les hymnes du chabat qui plus est en famille, mangez un bon
couscous, dafina, bqaïla etc. vous goûterez un monde meilleur… Laissez votre voiture, votre
téléphone, votre ordinateur chômer. Occupez-vous et tournez-vous vers vous-même, votre
conjoint et vos enfants là vous connaîtrez le paradis de votre vivant. C’est dur ! Je n’en suis
pas si sûr ! Chabat ce n’est pas le commandement le plus dur à réaliser, je vous assure. C’est
simple : il ne faut rien faire c’est tout ! Il faut exister c’est TOUT ! Puis ce n’est QU’UNE FOIS
par semaine(!). Peut-on vivre son judaïsme sans respecter chabat ? Comment le maire de Tel
Aviv peut-il autoriser l’ouverture des centres commerciaux le jour de Chabat ? Pourquoi le
juif a tant de mal de ne pas rouler en voiture le saint jour de Chabat ? Autrefois, enfermés
dans les camps de Sibérie ou dans les camps de concentration de la Shoa les juifs étaient
fiers devant l’ennemi et respectaient chabat sans relâche, sans compromis, sans hésitation !
La semaine nous n’existons pas. Le seul jour où le juif existe c’est Chabat. Le juif qui ne fait
pas chabat, il n’existe donc jamais ! Les décisionnaires s’interrogent si on peut faire
confiance à un juif qui transgresse chabat pour ce qui est des lois de la cacheroute !…
Je voudrais partager avec vous un texte talmudique intéressant pour bien comprendre
l’enjeu du Chabat. En réalité tout le traité chabat du Talmud est nécessaire pour bien vivre
son chabat. A la page 69B est cité l’enseignement de Rav Houna « celui qui voyage dans le
désert et a perdu le repaire des jours, il ignore quel jour on est et ne sait donc pas quand
c’est Chabat, il compte six jours et fera chabat le septième jour, il agit ainsi en se référant à
la création du monde puisque les six jours de la semaine ont précédé le chabta. H’iya bar Rav
diverge sur cette opinion et pense que d’abord il fait chabat et ensuite il compte six jours de
la semaine, ceci en se référant à Adam Harishon – le premier homme de la création qui a été
créé juste avant chabat et a donc fait chabat avant de compter six jours de la semaine ». La
discussion est de savoir si la semaine précède le chabat ou si le chabat précède la semaine,
chabat est-il le premier jour de la semaine ou le dernier jour de la semaine. Le chabat est le
résultat de la semaine, et/ou il donne de l’élan à la semaine qui arrive. Le monde est créé
par l’idée du ‘’profane’’ avant celui du ‘’kodech’’ mais l’homme commence sa vie et son
histoire par vivre le chabat.On peut encore voir dans cette discussion la question de savoir si
l’homme et l’univers influent sur l’homme ou si l’homme est le centralisateur des énergies
du monde. Créé en dernier l’homme donne un sens au monde qui l’a précédé…
Rachi, suivi par le Méiri le Ran et le Ritva, pense que ce chabat préservé par cette personne
n’est pas un vrai chabat, même s’il doit durant cette journée observer complètement et
correctement chabat, malgré tout ce n’est pas un vrai chabat puisque le jour où il fait chabat
n’est peut-être pas le samedi, mais les Sages veulent qu’il observe chabat pleinement pour
ne pas oublier le principe de chabat ! Le Radbaz va plus loin, selon lui le chabat qu’il fait est
un vrai chabat, le jour définit selon son compte est véritablement chabat. Par extension les
décisionnaires décident à partir de cet enseignement talmudique que les juifs qui habitent
aux endroits proches des pôles où les jours peuvent durer plusieurs semaines voire plusieurs
mois le comportement à adopter pour respecter le chabat.
Le Yérouchalmi Chabat 7-1 cite un troisième avis de Rabi Yitsh’ak bar Elazar au nom de Rav
Nah’man bar Yaakov : il compte six jours et fait chabat, ensuite il compte cinq jours et fait
chabat le sixième, ensuite il compte quatre jours et fait chabat le cinquième, ensuite il
compte trois jours et fait chabat le quatrième, ensuite il compte deux jours et fait chabat le
troisième, ensuite il compte un jour et fait chabat le deuxième et il agira ainsi tout le temps.
Selon ce compte de toute évidence l’un des jours de chabat respecté sera le bon.
On peut retrouver ces lois et leur implication dans le Rambam Chabat 2-22, Choulh’an
Arouh’ O’’H 344 qui fixent essentiellement la halah’a selon le premier avis qui veut qu’il
compte d’abord six jours et ensuite il fera chabat le septième jour de son compte.
Ce texte talmudique nous montre l’importance du chabat qui s’impose malgré le doute dans
lequel le sujet se trouve. Effectivement rappelle le Maguen Avraham la règle dit que
lorsqu’on est dans une situation de doute on suit le ‘’rov’’- la majorité or ici la majorité des
jours sont profanes, selon ce principe il n’aurait pas eu besoin de faire chabat. Mais,
l’importance et la prestance du chabat veut que malgré le doute et ses règles le chabat
déjoue ces principes et s’impose en tant que valeur absolue (selon le Radbaz) ou relative
(selon Rachi). On ne peut tellement pas imaginer qu’un juif ne fasse pas chabat et ce même
s’il a de bonnes raisons, puisque dans notre cas il ignore les jours, qu’il n’en n’est pas
dispensé pour autant et se doit d’une façon ou d’une autre de faire chabat. D’ailleurs s’il
existe trois opinions pour savoir comment il fait chabat d’aucun ne pense qu’il est dispensé
de faire chabat. Ceci, pour ma part, témoigne qu’on ne peut supporter l’idée qu’un juif ne
fasse pas chabat ! On retrouve une idée qui me semble similaire dans la halah’a : lorsqu’on
transgresse chabat pour une personne en danger, certes tout ce qui touche directement son
secours est un devoir d’être transgressé, cependant il y a certaines choses qu’on fait pour le
bien être du malade qui ne touchent pas directement voire pas du tout le danger. Certains
se demandent si on peut dire que le chabat pour ce malade est devenu ‘’h’ol’’… Là aussi
l’idée de voir un juif ne pas faire du tout chabat est insupportable !