Aller au contenu

Fort comme le Lion

Rav Imanouel Mergui

Dans les Pirké Avot 5-20 le Maître Yéhouda ben Téma conseille à l’homme d’être fort comme le lion – ‘’guibor kaari’’. Le lion inspire plusieurs sentiments, pour le maître il faut retenir sa force. Que veut-il dire ?

Selon Barténoura il nous encourage à conquérir notre mauvais penchant. Ajoutons qu’au début du quatrième chapitre Ben Zoma enseignait déjà « qui est l’homme fort ? Celui qui conquit son mauvais penchant ». Ici le maître rajoute qu’on doive prendre exemple de la force du lion pour surmonter ses énergies négatives. De toute évidence la force du lion ne s’inscrit pas dans le combat qu’il a d’avec son penchant. Que devons-nous apprendre du lion dans ce contexte ? Prenons un exemple : tu veux te mettre en colère, sois fort comme un lion pour contenir voire ne pas ressentir de colère. Tu veux travailler Chabat pour gagner de l’argent, use de la force du lion pour ne pas transgresser Chabat.

Le Tiferet Israël écrit : ne te dis pas que tu es faible, renforce-toi et D’IEU t’aidera ! Il y a là deux points exceptionnels. Il y a des domaines où l’homme se reconnaît une certaine faiblesse, un ‘’c’est comme ça’’, ‘’je suis comme ça et ne peux être différent’’. Le maître vient nous éveiller en cette force latente qui se trouve en nous. Arrêtons de croire que nous ne sommes pas capables. Il vient combattre la fatalité de l’être. En fait il faut être plus fort que soi, ce n’est pas notre penchant négatif qu’on se doit de surmonter, c’est notre propre faiblesse consciente ou inconsciente qu’on doit surpasser. Ceci nous paraît inhumain ? Effectivement, renforce-toi et D’IEU te viendra en aide. Il y a là un exercice divin ! Seul on ne peut pas s’en sortir et on ne peut aboutir à rien !

Le Kol Yéouda s’interroge : pourquoi avoir pris pour exemple le lion ? Pourquoi le maître ne s’est pas contenté de dire simplement ‘’sois fort’’ ? Le maître vient nous inviter à acquérir la vertu de la force et d’en faire notre nature, de la même façon que le lion est fort dans sa nature. Il ne suffit pas d’être fort qu’en moment de besoin, c’est-à-dire face aux pulsions négatives, s’il en était ainsi l’homme serait parfois fort parfois faible, on ne trouve pas toujours la force d’être fort, en revanche si la force devient notre nature tel le lion alors on est toujours fort !

La force nécessaire n’est pas réservé qu’à l’exercice de la retenue de la faute, nous devons être fort pour réaliser ce que nous avons à faire également. C’est dans ce sens que Rachi et Rabénou Yona expliquent notre enseignement : sois fort pour accomplir les commandements et toute la Tora ! Il nous faut de la force pour rester passif face à la faute et pour être actif dans le domaine du bien. Ceci est de l’homme vis-à-vis de lui-même, effectivement il y a des choses bien dont on ne trouve pas la force en nous-mêmes pour les mettre en œuvre. Mais le Milé Déavot note que ceci est vrai également vis-à-vis des autres. Dans certaines situations on ne trouve pas la force de faire ce que nous avons à faire face au regard négatif de ceux qui nous entourent. Nous devons user de cette force pour affirmer nos choix et notre voie dans la vie. Combattre la gêne ou les critiques des autres. Selon le Taz (O’’H 1-1) la force du lion se trouve justement là, le lion n’a peur de personne et de rien.

Il y a quelque chose d’extraordinaire dans cet enseignement, le Choulh’an Arouh’ O’’H 1-1 ouvre toutes les lois de la Tora par cette formule ! Toute la Tora est basée sur cette force ‘’lionnique’’ qui doit nous animer. Plus précisément le Choulh’an Arouh’ écrit « il faut se renforcer tel le lion pour se lever le matin afin de servir son créateur ». Lorsque Bilâm l’impie dit du peuple d’Israël qu’il se lève tel le lion (Bémidbar23-24), Rachi explique : ils se lèvent de leur sommeil pour mettre le Talit, lire le Chémâ et porter les téfilin ! Cela veut dire que ta vie commence au moment où tu te lèves le matin et surtout quand, pourquoi et comment tu te lèves.