Rav Imanouel Mergui
La fête de H’anouka renferme de nombreuses idées, pratiques et coutumes. Je voudrais cette année m’arrêter sur l’idée du miracle. Effectivement H’anouka n’est pas une victoire d’Israël qui s’inscrit dans une guerre classique qui fait que le plus fort ou le mieux préparé gagne, il n’en n’est rien de cela. C’est le passage lu dans les prières de H’anouka « âl hanissim etc., bimé matityah etc. » qui traite largement de ce miracle inouï de la victoire d’Israël. Ce texte dit « tu as livré les forts dans la main des faibles, les nombreux dans les mains des minoritaires, les impies dans les mains des justes, les fauteurs dans les mains de ceux qui sont investis dans l’étude de la Tora ! ». Israël n’avait aucune chance, aucun espoir et aucune raison de gagner cette guerre ; et pourtant…. Le miracle effectué par D’IEU se réalise et la famille de Yoh’anan Cohen Gadol est choisie pour jouer ce rôle au sein d’Israël. Apprendre à reconnaître, non pas le miracle, mais qui se cache derrière le miracle est l’enjeu de H’anouka. Beaucoup de gens vivent des miracles exceptionnels, ils se relèvent de maladie auxquelles les médecins voyaient la mort, ils gagnent de l’argent alors qu’ils ont goûté à la faillite et les exemples ne manquent pas dans d’autres domaines de la vie quotidienne. Ceux qui sont témoins de ces miracles sont émerveillés, époustouflés, voire dérangés. Mais !, il y a toujours un mais, que reste-t-il de ces évènements miraculeux ? La halah’a ordonne de réciter la bénédiction du ‘’gomel’’ et de ‘’ch’éâssa li ness’’, de faire également un repas de reconnaissance ‘’séoudat hodaya’’, de raconter aux générations futures le miracle vécu. Par ailleurs on aimerait tous vivre un miracle (sans pour autant se retrouver dans la nécessité du miracle !), alors pourquoi D’IEU ne fait pas de miracles manifestes à tout le monde ? Je dis bien manifeste parce qu’en réalité des miracles IL nous en fait tous les jours comme nous le proclamons dans la bénédiction de Modim de la prière quotidienne ‘’véâl nisséh’a chébéh’ol yom îmanou’’ ou encore dans la bénédiction de ‘’acher yatsar’’ récitée après chaque sortie des toilettes ! Néanmoins on aimerait bien vivre un évènement miraculeux… Le Ramban écrit (fin parachat Bo) « D’IEU ne fait pas de miracles à chaque génération aux yeux des impies et renégats !!! ». Cela veut dire qu’il faut déjà avoir un niveau de piété et de foi en D’IEU tel qu’IL décide de nous montrer ‘’son bras étendu et sa main forte’’ ; mais, (encore un mais) voilà qu’il se trouve au sein d’Israël des idiots qui obstruent la voie des miracles… Poursuivons cette idée avec un enseignement surprenant cité au traité Chabat 13b par le Maître Raban Chimon ben Gamliel qui s’exprime de la sorte « eïne choté nifgâ » – selon Rachi voilà ce qu’il faut comprendre : « le sot ne saisi pas les malheurs qui l’atteignent, ainsi aujourd’hui le peuple d’Israël ne connait pas les miracles qui lui adviennent ». La bêtise de l’homme l’aveugle et fait de lui un être incontestablement ingrat ! (intéressant est de noter que la halah’a soulève la question de savoir si la personne atteinte de cécité doit allumer les lumières de H’anouka ? En d’’autres termes ‘’celui qui ne voit pas’’ le miracle pour des raisons physiques ou intellectuelles n’est pas à même de parler de miracles…). Mais (troisième mais !) Raban Chimon ben Gamliel aune deuxième sentence quelque peu étonnante « eîne bassar hamète chébah’aye marguich béizemel » – la peau morte du vivant ne ressent pas la coupure de la lame ! Il y a en nous quelque chose de mort qui ne ressent rien, insensible voire indifférent à tout ce qui se trame autour de nous. Selon le Maharcha voilà ce qu’il faut comprendre : le peuple juif est de nos jours tellement étouffé par les malheurs que les miracles ne le touchent plus ! Le Yaâvets écrit également : à cause de la multitude des malheurs nous avons perdu la tête, la longueur de l’exil nous a tués ! Ces messages quelque peu pessimistes et réalistes ne viennent pas, me semble-t-il, nous enfoncer dans la déprime ; bien au contraire ils nous permettent de mieux saisir la nécessité de l’intervention divine par tous ses moyens même miraculeux si besoin est. H’anouka c’est la fête de la confiance totale et absolue en l’intervention divine pour nous redonner goût à LA VIE. H’anouka c’est la fête de l’espoir. C’est la fête où l’on prend conscience qu’on est vivant ce qui est d’ailleurs le plus grand des miracles. Allumons les lumières, récitons les prières, de H’anouka en ravivant la flamme de la foi !