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Le secret du miracle

Rav Imanouel Mergui

Les deux mois de Adar et Nissan dans lesquels nous nous trouvons sont d’une importance majeure pour l’histoire d’Israël. La portée de ces deux mois n’est pas seulement liée au passé avec les évènements qu’a connu le peuple d’Israël mais ils ont une conséquence également au présent et au futur, pour l’individu et pour tout Israël.

Pour le mois de Adar le Talmud traité Taânit 29B (rapporté dans Choulh’an Arouh’ O’’H 551-

  1. nous dit que le mazal du mois de Adar est positif c’est par conséquent une période favorable pour faire valoir nos droits face à un conflit qu’on aurait contre un ennemi (non-juif).

Pour ce qui est du mois de Nissan le Talmud Roch Hachana 11 nous enseigne « bénissan atidin léhigaêl » c’est en Nissan que le peuple d’Israël connaîtra la guéoula (rédemption finale) de la même façon que c’est en Nissan qu’il est sorti d’Egypte.

Nous voyons donc que dès l’entrée du mois de Adar et ce jusqu’à la fin du mois de Nissan nous traversons une période synonyme d’espoirs grandioses. Comment se traduit cet espoir ? Pouvons-nous agir pour connaître des jours meilleurs, ou bien devons-nous attendre les bras croisés que D’IEU veuille bien nous envoyer la délivrance ? Rachi au traité Taânit 29A note que ces deux mois sont un temps où des miracles se sont produits. Pourquoi attacher une importance au miracle. Le miracle n’est-il pas l’expression divine détachée de l’intervention de l’homme ?! Alors certains diront justement que c’est le concept de FOI en D’IEU – la émouna, qu’il faut travailler durant cette période. Ceci est vrai ; néanmoins je m’interroge si on fait le bon travail, effectivement la émouna est un immense travail et programme qu’il s’impose d’acquérir, mais concrètement comment on travaille et acquiert la émouna ? Certes par l’étude de la belle et sainte Tora que D’IEU nous a offerte avec amour. L’étude de la Tora témoigne de notre émouna, c’est la guéoula elle-même… La tsédaka également est un exercice majeure pour la émouna et nous conduire à la guéoula, d’ailleurs c’est un des points communs qu’il y a entre Pourim et Pessah’, puisque si toute l’année la tsédaka est d’un mérite incommensurable, elle prend un sens particulier durant ces deux fêtes. Pour Pourim les Sages ont institué ‘’matanot laévyonim’’ – les dons offerts aux pauvres. Pour Pessah’ c’est ‘’kimh’a dépish’a’’ que les Sages ont encouragé – l’argent qu’on donne aux nécessiteux pour passer la fête noblement. « Grande est la tsédaka puisqu’elle rapproche la guéoula » (Baba Batra 10A).

Il y a encore un point fondamental que nous retrouvons entre Pourim et Pessah’. Un point commun qui nous conduit à la guéoula et qui nous permet de bénéficier de miracles de la part de D’IEU. Un exercice qui concerne tout le peuple d’Israël collectivement et individuellement. Il ne coûte pas cher et rapporte gros : LA TEFILA !

Pour Pourim : la Méguila nous raconte que lorsque Mordéh’aï prend connaissance du décret de Hamane il se met à prier (Méguila 4-1). A l’entente de mauvaise nouvelle il n’y a qu’une seule chose à faire : PRIER. Mais plus impressionnant encore Mordéh’aï prie avant même le décret de Haman, et c’est bien cela la vraie force de la prière : prier avant que la catastrophe ne survienne pour qu’elle ne survienne pas. Il ne faut pas attendre que tout aille mal pour prier il faut prier en amont des drames et des mauvaises nouvelles. La puissance de la prière c’est son aspect préventif plus que curatif. Au chapitre 2 verset 5 la Méguila dit : « il y avait un homme à Shoushan la capitale, son nom est Mordéh’aï fils de Yaïr, fils de Chimi, fils de Kich ». Rien de très impressionnant dans ce verset qui nous dévoile l’identité de Mordéh’aï. Mais, justement le Talmud s’interroge : si la méguila a pour objectif de nous donner l’identité de Mordéh’aï qu’elle remonte jusqu’à Binyamin, pourquoi ne parler seulement de son père, son grand-père et son arrière-grand-père ? Alors la Gmara va relire le verset d’une façon on ne peut plus magnifique : ces trois noms, Yaïr Chimi et Kich, ne sont pas des prénoms mais des adjectifs attribués à Mordéh’aï lui-même. Yaïr – il a éclairé les yeux d’Israël par sa prière (la force de la prière d’un seul homme peut sauver tout le peuple d’Israël !). Chimi – D’IEU a écouté sa prière (ce n’est pas le nombre qui compte mais la qualité, D’IEU écoute la prière d’un seul homme). Kich – il a frappé aux portes de la miséricorde divine et elles lui ont été ouvertes (il nous indique à quelle porte il faut frapper !). Ce verset est rapporté dans la méguila avant même que Haman ne s’excite dans le décret contre Israël, c’est dire que Mordéh’aï prie avant le drame…

A la fin de la Méguila figure le chant ‘’ache héni’’ instauré par les Hommes de la Grande Assemblée, on peut notamment y lire ‘’rahita et téfilat Mordéh’aï Véesther’’ – Tu as vu la prière de Mordéh’aï et Esther.

Rav A.L. Shteinman chalita rapporte au nom du H’azon Ich zal qui affirmait que les nazis n’ont pas pu rentrer en Erets Israël parce que les habitants d’Erets Israël s’étaient grandement investis à la prière ! (Hagada Bétsilo H’imadti) C’est encore un exemple qui illustre la puissance de la prière en amont des évènements et qui protège plus que ce qu’elle guérit !

Pour Pessah’ : Tout le monde connaît l’épisode de la sortie d’Egypte, ses innombrables miracles telles les dix plaies d’Egypte, la traversée de la mer etc., tout ceci n’a pu se faire uniquement parce que les Enfants d’Israël ont prié à D’IEU. Le Ramban écrit quelque chose de foudroyant « les Enfants d’Israël ne possédaient aucun mérite pour sortir d’Egypte !, mais D’IEU les a libéré parce qu’ils ont prié, Il accepta leur cris ! » (voir commentaire du Ramban Chémot 2-25 et 22-20). Il existe des milliers d’enseignements dans les paroles des Maîtres pour saisir l’enjeu de la prière, ces paroles géantes du Ramban nous laissent entrevoir la

capacité de la prière qui va donner naissance à l’histoire d’Israël par le biais de la sortie d’Egypte. C’est également un message rempli d’espoir puisque nous apprenons de ses paroles que même si l’homme ne possède aucun mérite sa prière peut être entendue et il bénéficiera de miracles à hauteur de la sortie d’Egypte. Le roi David au Psaume 107 répète de multiples fois que D’IEU porte secours aux Enfants d’Israël lorsqu’ils sont en Egypte parce qu’ils implorèrent D’IEU – Psaume lu durant la fête de Pessah’.

Ce n’est là qu’un échantillon de paroles des Sages et des Maîtres pour montrer l’importance et la puissance inégalable de la prière.

Rachi dans le H’oumach nous surprend lorsqu’il explique ainsi la deuxième Parole dictée au mont Sinaï. Si certains lisent « tu n’auras pas d’autres dieux que Moi », pour Rachi il faut lire il n’y aura pas pour toi les dieux des autres – car ils sont autres (étrangers) par rapport à ceux qui les servent, leurs adorateurs crient vers eux et ils ne répondent pas et il semble que le dieu est étranger, qui ne l’a jamais connu (Chémot 20-3 et Rachi). Cela veut dire que la deuxième Parole nous enjoint à ne prier qu’à D’IEU qui nous répond, et de ne point prier à des dieux qui ne répondent pas aux prières !

De toute évidence pour qu’une prière soit répondue favorablement et nous laisse bénéficier des miracles envoyés par D’IEU, il s’impose des conditions. Le Choulh’an Arouh’ Orah’ H’aïm a compilé quarante-six chapitres sur les lois de la prière quotidienne (Hilh’ot Téfila) plus toutes les lois concernant les prières de Chabat et les Fêtes. Cela prouve leur importance et leur quantité. Ces lois structurent la prière. Si la prière est appelée ‘’le travail du cœur’’ – ‘’avoda chébalev’’, il faut en même temps structurer l’exercice actif de la prière. La prière est donc la conjugaison de deux univers qui composent l’homme : le corps et le cœur. Le corps : ces lois contiennent notamment le temps, le lieu etc pour prier. Le cœur c’est la profondeur de l’être et son ressenti. La prière ce n’est pas un texte qu’on lit ou qu’on chante, la lecture et le chant sont des ingrédients qui accompagnent la prière mais l’essentiel et cette manœuvre intime qui se trame à l’intérieur de notre être.

Le Rambam dans son livre Ahava (Téfila chapitre 4 et 5) écrit qu’il y a cinq éléments qui sont indispensables pour faire une bonne prière et huit choses qui ne sont pas indispensables mais qu’il convient grandement de respecter. Nous les rappellerons ici succinctement :

*Les Cinq obligatoires :

  1. Taharat hayadayim : se laver les mains avant de prier
  2. Kissouy haerva : ne pas être vêtu de façon non pudique
  3. Taharat makom hatéfila : ne pas prier dans un endroit où se trouve un élément impropre quelconque (salle de bains, poubelles etc., ne pas prier dans un endroit où il y a une mauvaise odeur, ne pas prier en présence de gens vêtus de façon impudique)
  4. Dévarim hah’ofzim oto : se libérer des choses qui nous perturbent (ne pas prier si on a besoin de faire des besoins, ou si on a mal au ventre)
  5. Kavanat halev : la concentration du cœur, toute prière sans concentration n’est pas une prière ! Libérer son esprit de toute pensée qui le trouble, percevoir qu’on se tient face à D’IEU. Ne pas prier en état d’ébriété, de légèreté d’esprit, de colère etc.

*Les Huit non indispensables mais conseillées :

  1. Amida : se tenir debout (lorsqu’il est impossible de se lever comme en voyage ou pour une personne malade on peut faire la prière position assise)
  2. Noh’ah’ hamikdach : prier en direction du Temple
  3. Tikoun Hagouf : pieds joints, regard orienté vers le bas, libéré son cœur et s’imaginer qu’il est en Haut dans le Ciel, se tenir avec crainte etc.
  4. Tikoun hamalbouch : arranger son habillement, ne pas prier tête découverte (même pour les femmes !) ni pieds nus
  5. Tikoun hamakom : prier en face d’un mur, fixer une place pour la prière
  6. Hachvayat hakol : réguler le son de sa voix, ne pas lever la voix, bien articuler les mots, ne pas lire avec les yeux
  7. Kériâ : s’agenouiller à certains passages de la prière
  8. Hichtah’avaya : se prosterner

C’est un court échantillon des mesures à prendre pour s’assurer de faire une bonne prière et ainsi de bénéficier de tous ses avantages.

D’IEU est sensible à toutes les prières de tout un chacun, depuis Roch H’odech Adar jusqu’à la fin du mois de Nissan c’est l’ère de la prière. Les multiples activités qui enrichissent ces deux mois plus que tout autre moment de l’année ne doit pas nous conduire à négliger, bâcler, rater nos prières. Bien au contraire c’est le moment de s’investir grandement dans la prière afin que nous puissions goûter les miracles divins et connaître les grands moments auquel le peuple d’Israël est prédisposé.

Le Gaon Rav Yitsh’ak Zilberstein chalita rapporte (H’achouké H’emed H’anouka) au nom de Rabi H’aïm de Volosyn : dans le monde de la vérité on montrera à l’homme tout ce qu’il aurait pu obtenir de son vivant et l’a manqué à cause qu’il ne s’est pas investi dans sa prière !!!

Tel nos ancêtres sortis d’Egypte crions et implorons D’IEU par nos prières afin de vivre des miracles !