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La Kétouba

Rav Imanouel Mergui

Durant le déroulement de la cérémonie du mariage on lit la Kétouba (même si certains décisionnaires pensent qu’il n’est pas utile de lire la Kétouba lors de la cérémonie nuptiale, l’usage le plus répandu est de la lire). Inscrite sur une feuille, ornée, elle est inscrite en lettre hébraïque et texte araméen. Tout le monde ne la comprend pas correctement. Nous essaierons en quelques lignes d’expliquer à quoi correspond-elle ? Le Talmud a réservé un long traité : Kétouvot, qui traite des lois de la Kétouba. On retrouve ces lois répertoriées dans le Choulh’an Arouh’ Even Haezer du chapitre 66 à 118. On connait aujourd’hui de nombreux ouvrages qui en traitent comme notamment le Michpat Hakétouba. S’il y a autant à dire sur la Kétouba c’est qu’elle occupe une place importante dans la vie du couple. D’ailleurs les Maîtres du Talmud au traité Kétouvot 10a ainsi que les exégètes comme les décisionnaires divergent quant à savoir si la Kétouba est un ordre de la Tora ou une institution des Sages. La Kétouva prend effet même si le marié ou la mariée prétendent qu’ils ne savent pas de quoi il s’agit – telle est la conclusion de Maran Hagaon Rabénou Ovadya Yossef ztsal Yabia Omer volume 3 Even Haezer 13 ! Malgré tout il existe de nombreuses lois quant au choix et à la validité de celui qu’on appelle ‘’rav hamésadère hakidouchin’’ – le Rav qui va procéder à marier le couple ; on peut trouver ces lois dans l’ouvrage Hanissouin Kéhilh’atam du Rav Binyamin Adler chapitre 12. On pourrait simplifier et résumer la Kétouva en une phrase comme le propose le Rav Binyamin Adler dans son livre Hanissouin Kéhilh’atam chapitre 11 paragraphe 106 : « le contrat de la Kétouba renferme essentiellement les engagements pécuniaires et moraux dont l’homme se doit de respecter envers son épouse ». Le Choulh’an Arouh’ E’’H 69-1,2,3 écrit : « lorsque l’homme marie une femme il s’engage de dix devoirs à savoir : mézonotéha – nourrir sa femme, késsouta – lui payer des vêtements, ônata – le devoir conjugal, ikar kétouvata – la somme inscrite dans la kétouba (que la femme est sensée toucher lors d’un divorce ou après le décès du mari), réfouata – s’occuper de sa santé, lifdota – la libérer si elle a été prise en captivité, kévourata – lui payer une sépulture, nourrie et logée dans la maison du mari même après le décès de celui-ci, ses filles seront nourries des biens du mari même après son décès jusqu’à leur mariage, les garçons qu’elle a de ce mariage hériteront davantage dans certains biens que les enfants que l’époux a eu d’un autre mariage… ». Le Choulh’an Arouh’ va bien évidemment longuement s’étaler sur la définition et description des lois de la Kétouva. N’oublions pas que je trace ici qu’un très bref aperçu de ces innombrables lois. On pourrait dire que la Kétouba est une sécurité pour le devenir de l’épouse et qu’elle n’aura que ‘’seule’’ obligation celles des tâches du quotidien du bon déroulement des activités du foyer. Alors que les devoirs de l’homme sont plus lourds à porter puis qu’ils engagent le mari à subvenir aux nécessités primaires et majeures du foyer (on trouve par exemple au traité Pésah’im 118 a l’enseignement de Rabi Yoh’anan affirmant que subvenir aux nécessités de la nourriture est deux fois plus difficiles que la mise au monde d’un enfant… ! La naissance passe par la mère alors que le devoir de subvenir aux besoins matériels du foyer incombe au mari !) בס״ד La Kétouva hormis son contenu central que nous avons vu jusque-là est composée de : la date hébraïque où elle est signée, le lieu où elle est réalisée, les noms hébraïques des conjoints (quels noms écrire pour : un enfant adopté, pour ceux qui ont des parents non juifs, pour un(e) converti(e)), la somme d’argent qui y est inscrite (là il y a une différence entre une femme qui se marie pour la première fois et celle qui a déjà connu un mariage précédent par exemple : une veuve ou une divorcée) , le texte précis qu’elle contient (les sourds muets ont un texte un peu différent), le choix des témoins et leurs signatures (la signature du h’atan (marié) est un usage retenu par de nombreux décisionnaires tel que notamment le Gaon Rav Ovadya Yossef ztsal Yabia Omer 3 E’’H 13). N’oublions pas que la Kétouba est un contrat engageant le mari, ce n’est pas un texte ‘’religieux’’ qu’on lit lors de la cérémonie nuptiale. Or ce contrat connaît des précisions minutieuses qu’on ne peut se passer ni inventer. D’ailleurs le Talmud au traité Kidouchin 6a nous indique que celui qui n’a pas bien appris les lois du mariage ne peut s’en occuper ; le Gaon Rav Yitsh’ak Yossef chalita dans son livre H’oupa Vékidouchin chapitre 5-1 précise que ceci est dit pour l’élaboration de la Kétouba – dans certains cas l’incompétence du Rav procédant à la cérémonie du mariage risque d’invalider le mariage (cela va sans dire que tout mariage réalisé par les libéraux ou massorti est caduque et n’a aucune valeur dans la halah’a, c’est-à-dire qu’un couple qui se marie par de tels ‘’rabbins’’ est considéré non marié !). Le Rav qui effectue le mariage n’est pas restreint à ‘’bénir’’ le nouveau couple, il va l’aider à se forger et il va tout au moins lui rappeler qu’il y a dans le mariage des lois à respecter. Au traité Kétouvot 54b et 57a ainsi que dans le Choulh’an Arouh’ E’’H 66-1,3,9 on apprend l’interdiction de marier une femme sans avoir élaboré correctement la Kétouva, Rabi Méir considère de ‘’béilate zénoute’’ (prostitution) tout mariage absent de Kétouva, et Rachi de préciser qu’ici Rabi Méir ne parle pas seulement au niveau moral mais il y a un véritable interdit de rester sans Kétouba (parce que la femme n’est pas rassurée si son mari ne lui signe pas ce contrat ‘’lo samh’a daâta’’…) ! C’est pour cela que si la Kétouba a été perdue il faudra consulter son Rav pour en écrire une autre – appelée ‘’kétouva déirkéssa’’ ! Le mariage est bien plus qu’une cérémonie religieuse, ‘’une prière du Rabbin’’, un folklore du judaïsme. Il implique des droits et des devoirs qui ont force de loi. C’est une véritable transaction avec du droit juridique-halah’ique. Bien entendu et fort heureusement le mariage n’est pas non plus qu’une activité technique, il connaît également son éthique, son enjeu etc. Mais la loi est là, comme toute chose dans la Tora le mariage est légiférer. Les problèmes de ‘’chalom baït’’ – d’harmonie du couple, découlent peut-être (et certainement, en tout cas dans de nombreux cas) parce que les couples ignorent ces lois fondamentales qui structurent le couple. De la même façon que celui qui ne passe pas son permis de conduire ne peut conduire un véhicule, sans quoi et de toute évidence il entraînerait des catastrophes, ainsi pour ce qui en est du couple. On peut toutefois se marier si on ignore les lois du couple mais on ne peut vivre en toute stabilité si on n’apprend pas les lois du mariage. Ces lois du couple ne s’arrêtent pas aux lois de Nida (pureté familiale, qui connaissent également une importance majeure) mais vont bien audelà. Sans aucune exagération le meilleur remède pour bien vivre son couple c’est d’étudier les Traités Kidouchin et Kétouvot !