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La Hala’ha – הלכה

Rav Imanouël Mergui

S’il y a une notion bien connue appelée la ‘’HALA’HA’’ elle est tout de même pas assez bien vécue. La ‘’hala’ha’’ qui fait référence à ‘’la loi juive’’ occupe une place prépondérante dans la vie du juif, elle ne se limite pas qu’aux questions relatives à la cacheroute par exemple ou autre. Elle accompagne le juif dans tout ce qu’il fait dans sa vie, tout – au sens le plus large et entier. Depuis le jour de sa naissance, on pourrait dire depuis sa conception et jusqu’au jour de sa mort voire même au-delà le juif est soumis à la référence ‘’halah’ique’’. D’ailleurs nous savons bien que ‘’hala’ha’’ de l’étymologie ‘’holè’he’’ qui veut dire marcher, sans ‘’hala’ha’’ le juif ne marche pas, il est comme un appareil sans batterie qui est sans intérêt et qui ne peut faire preuve de ses capacités et fonctions. Pour avoir une idée de ce que renferme le mot ‘’hala’ha’’ on peut se référer au grand maître et génie de la Tora Rav Yossef Karo et également le Rav Moché Isserlich qui ont tous deux compilé le fameux Choul’han Arou’h. Cet ouvrage faisant référence de loi depuis plus de six siècles est composé de 1705 chapitres et connaît d’innombrables livres de commentaires et d’actualisation de la ‘’hala’ha’’ ; ces livres se comptent par dizaine de milliers ! La nécessité de la hala’ha est telle que sans elle on ne peut rien pratiquer du tout. La Tora et ses commandements ne s’inventent pas, ne se devinent pas, la Tora ce n’est pas du ‘’filing’’… ! La Tora connaît ses règles, sa réglementation. L’étude de la hala’ha est vitale pour un juif, à tel point que les décisionnaires ont fixé qu’une personne qui n’a pas la possibilité de consacrer beaucoup de temps à l’étude de la Tora elle devra, durant ce temps recueilli à l’étude, donner la préférence à l’étude de la halah’a – telle est la conclusion du Gaon Rav Ovadya Yossef chalita basée essentiellement sur les propos du Sifté Cohen (Cha’h Y’’D 246-(5)), celui-ci va jusqu’à dire que celui qui n’étudie pas de la hala’ha n’est pas acquitté du devoir d’étudier la Tora !
Les textes talmudiques qui traitent de l’importance de l’étude de la hala’ha sont très nombreux, je voudrais ici étudier avec vous un passage tiré du traité Bérah’ot 8a : « Rava a demandé à Rafram fils de Papa de partager avec lui un enseignement qu’il aurait entendu de Rav H’isda à propos de la qualité du Bet Haknesset (synagogue). Rafram a répondu à Rava voilà ce que Rav H’isda a enseigné : (se basant sur un verset des Téhilim) D’IEU préfère les endroits où l’on étudie la Hala’ha plus que les synagogues et les lieux d’étude ; c’est également ce qu’a enseigné Rabi H’ya fils de Ami : depuis le jour où le Temple a été détruit D’IEU n’a rien d’autre dans son monde que ‘’les quatre coudées de la hala’ha’’ ! De ce dernier enseignement rapporté au nom de Oûla Abayé disait : si avant j’allais prier à la synagogue dorénavant je ne prie uniquement à l’endroit où j’étudie la Tora ».

Le lieu d’étude de la hala’ha a donc une double particularité 1) ces lieux sont ce qu’il reste de plus cher à D’IEU, 2) ils sont d’autant plus chers que la prière est préférable dans ces lieux plutôt que dans les synagogues ou les autres lieux d’étude. Selon les Talmidé Rabénou Yona la préférence de prier dans les lieux où l’on étudie la hala’ha est telle que même s’il n’y a pas dix personnes – minyane, il est quand même préférable d’y prier là-bas plutôt que d’aller prier avec minyane à la synagogue ! Selon le Rambam la préférence de prier dans ces lieux d’étude de la hala’ha plutôt qu’à la synagogue c’est uniquement si dans ces lieux il y a minyane… (voir encore Michna Béroura 90- 55).
Ces lieux d’étude de la hala’ha sont les lieux les plus chers à D’IEU depuis la destruction du Temple parce que, explique le Maharcha, au Bet Hamikdach en plus du Service sacrificiel qui s’y déroulait, il y avait une pièce appelée ‘’lichkat hagazit’’ où le Grand Tribunal, accompagné de la Présence Divine, siégeait et diffusait la hala’ha à tout Israël. L’homme qui étudie la hala’ha est accompagné de cette même présence divine et représente l’instance la plus haute du peuple juif celle du Grand Tribunal.
Lorsque Rava a demandé à Rafram de lui faire l’éloge de la synagogue, celui-ci lui a répondu « D’IEU préfère les lieux où on étudie la hala’ha plus que les autres lieux d’étude et que la synagogue ». Le Péné Yéochoua s’interroge : voilà que la réponse n’est pas en symétrie avec la question, Rava cherchait un point fort dans le concept de la synagogue ? Le Ene Elyahou répond : Rafram a voulu justement lui répondre que toute la valeur de la synagogue se retrouve si on y étudie la hala’ha ; une synagogue où on y va uniquement pour prier elle n’est rien d’autre qu’un lieu de culte, par contre si on y étudie la hala’ha elle prend une autre dimension. Il faut rajouter sur ce commentaire, me semble-t-il, qu’en réalité une synagogue où on y étudie pas la hala’ha est peut-être même moins qu’n lieu de culte, je m’explique. La hala’ha concernant la synagogue est très importante, on peut retrouver d’ailleurs dans le Choul’han Arou’h O’’H chapitres 150 à 155 d’innombrables lois concernant la synagogue. La construction de la synagogue connaît ses lois – chapitres 150, 152 et 153. Le comportement adéquat à la synagogue – chapitre 151 ; pour ne citer que quelques exemples : il est interdit d’avoir un comportement léger à la synagogue… il est interdit de parler de choses profanes à la synagogue… il est interdit de manger et de boire à la synagogue…il est interdit de dormir dans la synagogue… L’étude de la hala’ha donne à la synagogue sa dimension véritable, celle digne d’une synagogue. D’autres questions qui ont trait à la synagogue existent, celles notamment liées à la tenue vestimentaire et des femmes et des petites filles particulièrement. Bien entendu les lois dites de la ‘’méh’itsa’’ c’est-à-dire la séparation placée dans les synagogues, celle qui sépare les hommes des femmes, est également un sujet de hala’ha ! Rav Falk chalita rappelle dans son livre Oz Véhadar Lévoucha (page 469) qu’il faut être vigilant quant aux problèmes de tsénioute même à l’extérieur de la synagogue ! Le débat n’est pas là de savoir si des synagogues respectant les règles de hala’ha sont sectaires ou ultra-orthodoxes… je laisse ce débat nul et sans intérêt de côté. La question est de savoir qu’est-ce qu’une synagogue, il est primordial dans la vie d’un juif de respecter la hala’ha sinon de quel judaïsme parle-t-on ?! A fortiori que le lieu de prière et d’étude se doit d’être le lieu du respect de la hala’ha dans toute son excellence et sa splendeur. C’est un pléonasme que de le rappeler mais il est bien dommage que certaines gens croient que la synagogue est un lieu de rencontre à la pareille du bistrot du coin, ou encore un lieu où l’on peut se tenir comme sur une chaise longue allongé à la plage ou pareilles comportements indignes des lieus tels les synagogues. Dans certaines synagogues il y a un écriteau qui rappelle ‘’si tu viens ici pour parler, où iras tu prier !’’, mais malheureusement certains le lisent à l’envers ‘’si tu viens ici pour prier, où iras tu parler !’’… En conclusion, pour ce premier point développé, il faut retenir une idée fondamentale : la synagogue est le lieu où le juif va apprendre comment un juif doit se comporter dans sa vie et ce par conséquent même à l’extérieur de la synagogue. La synagogue est l’école référentielle du juif, pas seulement pour y célébrer uniquement sa bar mitsva ou son azguir, mais toute sa vie doit être calquée sur ce qui se trame et se vie à l’intérieur d’une synagogue. La réponse de Rafram est la suivante : la synagogue est un lieu où l’on apprend la hala’ha et également un lieu où on apprend comment pratiquer la hala’ha et comment on vie selon la hala’ha.

La Guémara a rapporté par la suite l’enseignement de Oûla qui veut que depuis la destruction du Temple D’IEU n’a rien d’autre dans son monde que ‘’les quatre coudées de la halah’a’’. Quel est le sens de cet enseignement ?

Le Rambam dans son Introduction à la Michna explique : la finalité de la création du monde n’est autre que l’homme parfait dans la h’oh’ma (sagesse) et le maâssé (action) ! , étant donné que l’homme va dans sa taille jusqu’à quatre coudées (environ 1,90 mètres), les quatre coudées de hala’ha veulent dire l’homme intègre dans la halah’a dans toute sa dimension, nul espace de son être, d’esprit et de corps, est défait de la hala’ha ! La halah’a est ‘’quelque chose’’ de vivant et non figée, elle marche avec l’homme et fait avancer l’homme. Cet homme dans toute son intégrité va, par le biais de la hala’ha, exprimé toute sa personne et tout son être, parce que toute sa personne va correspondre à l’image que D’IEU attend de lui. Mais si l’homme doit avoir un comportement noble, tel que la Tora l’entend via la hala’ha, c’est également son esprit qui doit être parfait. Le Rambam a bien dit ‘’h’oh’ma et maâssé’’. Si l’homme est composé du corps et de l’esprit c’est l’union et la conjugaison de ces deux ‘’outils’’ qui font de lui ce qu’il est et c’est donc dans tous ses états et ses particules que l’homme doit être ‘’quatre coudées de halah’a’’. Selon le H’atam Sofer les quatre coudées de la hal’a renferment les quatre éléments de la Tora ‘’lilmod, lélamed, lichmor, laâssote’’ (traduit communément : étudier, enseigner, développer, pratiquer), c’est, dans le même état d’esprit du Rambam, la fusion de la Sagesse et de la Pratique de la Tora.

Selon le Maharal (plus exactement de ce que j’ai compris du commentaire du Maharal), les lieux d’étude de la halah’a prouvent, selon l’enseignement de Oûla, que la présence divine – ché’hina – s’y trouve. Effectivement la halah’a est le chemin de vérité, qui ne tend pas sur les côtés, c’est l’équilibre du monde et de l’homme et c’est bien en ces lieux que D’IEU se trouve. Les ennemis d’Israël savent que D’IEU se trouve en ces lieux d’étude ils ont toujours œuvré pour leur disparition, comme l’a fait Bilâm (ou encore comme dans les temps modernes, les nazis pour ‘’la nuit de cristal’’, en ces nuits ils détruisent des centaines voire des milliers de synagogue en Allemagne et en Europe de l’Est. Selon Esther Farbstein – ‘’Beseter Raam’’ page 346, ‘’les synagogues sont les premiers lieux auxquels les Allemands ont porté atteinte, qu’ils ont profané, détruits par le feu ou transformé en bureaux administratifs’’). Toute science quand bien même de l’esprit a trait à quelque chose matériel, seule l’étude de la hala’ha est dépourvue de toute matière et relate de l’esprit absolu, c’est ce qui appartient donc particulièrement à D’IEU. Ce ne sont pas les sujets tel ‘’maâssé béréchit’’ (la création du monde) ou ‘’maâssé merkava’’ (le char céleste) qui sont le sanctuaire de notre exil, mais bel est bien l’étude de la halah’a. Au traité Ménah’ot 110a Rava enseigne que celui qui s’investit dans l’étude des passages de la Tora traitant des sacrifices c’est comme s’il approchait un sacrifice ! Le sacrifice est ce qui lie l’homme à D’IEU puisque le but du sacrifice c’est d’éloigner l’homme de la faute ; ce même exercice nous le retrouvons dans la Tora elle lie l’homme à D’IEU et l’éloigne de la faute – la faute étant liée à la matière et la Tora à l’esprit… (voir Maharal Gour Aryé Bémidbar 24-6 et Tiferet Israel chapitre 70).

Selon cette idée (à développer davantage certes) du Maharal l’homme est certain de s’éloigner de la faute et de se rapprocher à D’IEU véritablement qu’à travers l’étude de la halah’a. Cela veut dire que la halah’a donne à l’homme un autre regard sur la vie matérielle dans laquelle il vie, toutefois elle ne détache pas l’homme de la matière mais elle le conduit vers une maîtrise de la matière qui l’éloignera de la faute. Une fois éloigné de la faute l’homme peut s’approcher de D’IEU. L’homme de la halah’a est l’homme de D’IEU.

Au traité Bérah’ot 31b le Talmud nous raconte que Êli Hacohen avait un élève bien connu : Chmouël Hanavi – le prophète Chmouël. Un jour au Tabernacle une question a été soulevée et Chmouël dicta la halah’a, ou plus exactement Êli dicta la halah’a aux autres cohanim et Chmouël leur dit de ne pas suivre ce qu’avait dit Êli puisqu’il s’est trompé. Au vu de cela, Êli dit à Chmouël : « ta correction est juste cependant tu es passible de peine de mort puisque tu as été « moré halah’a bifné rabo » ! – tu as dicté une halah’a devant ton maître et ceci est grave au point d’être condamné à mort ! ». En réalité il faut préciser que si l’élève constate que le maître se trompe dans la Tora il a le devoir de corriger son maître, cependant cette correction doit s’adresser au maître directement – c’est-à-dire que l’élève doit aller voir le maître et s’expliquer avec lui, mais, il n’a aucunement le droit d’aller voir la personne qui a consulté le maître et de lui dire que le maître s’est trompé. Au traité Erouvin 63a le Talmud raconte que Rabi Eliezer avait un élève qui a dicté une halah’a devant lui, Rabi Eliezer dit à sa femme ‘’cet élève ne finira pas l’année !’’. Sa femme l’interrogea s’il était prophète ? Rabi Eliezer lui répondit « je ne suis pas prophète mais nous avons une règle qui veut que celui qui enseigne une halah’a devant son maître est passible de peine de mort ». Selon le Ran dans Sanhédrin (rapporté dans Hagaot Vétsiyounim Rambam Frankel Talmoud Tora 5-2) cette interdiction de dire une halah’a devant son maître est d’ordre de la Tora – midéoraïta ! Rachi précise que cette mort est attribuée ‘’bidé chamaïm’’ – c’est-à-dire par la main céleste. De ce fait le Maharcha écrit dans Bérah’ot que bien que Chemouel n’était qu’un enfant âgé de deux ans lorsqu’il dicta la halah’a devant son maître il peut y avoir sanction puisqu’elle vient de la main du ciel. Le Birkat Aharon s’interroge sur ce commentaire du Maharcha puisqu’il y a une règle rapportée au traité Chabat 89b qui veut que le tribunal céleste ne punit pas l’homme avant l’âge de vingt ans ? Notre Grand Maître Rav Ovadya Yossef chalita dans son Méor Israël Bérah’ot répond : le jugement céleste n’est pas défini à vingt ans, le tribunal céleste analyse la qualité de la personne avant de la juger or il peut se trouver des enfants de grande sagesse égale à des adultes ce qui les rendra aptes à supporter le jugement divin.

Ces deux histoires sont quelque peu surprenantes, nous avons ici deux maîtres de la Tora tel Êli Hacohen et Rabi Eliezer qui condamnent sévèrement leur élève, puisqu’ils leur souhaitent la mort par la main céleste ? Un maître doit-il être si sévère envers son élève ? Le Talmud nous raconte que l’élève de Rabi Eliezer va mourir par contre Chmouël, l’élève de Êli, ne mourra pas puisque sa mère H’anna va implorer le pardon de Êli le maître. Que représente la faute de se prononcer devant son maître sur une question de halah’a à tel point d’encourir la mort par la main céleste ?

Le Rambam hilh’ot Talmoud Tora chapitre 5 halah’a 1 et 2 écrit : « l’homme se doit de respecter et de craindre son maître ! L’homme n’a pas le droit d’enseigner la Tora sans l’autorisation de son maître ni de ne jamais dicter la halah’a devant son maître ! ». Rien n’égale le respect et la crainte que l’élève doit témoigner envers son Rav, écrit le Tour Y’’D 242. Selon cela, dicter la halah’a devant son maître c’est un manque de respect et de crainte envers son Rav, c’est rien de plus que de lui prendre sa place, c’est tuer le Rav ; la sanction adaptée c’est de faire disparaitre l’élève ! Le maître est la raison même de l’élève c’est lui qui a forgé son élève et voilà que celui-ci se substitue au maître et lui vole sa place, c’est de l’irrespect !

Le Maharal Gour Aryé Vayikra chapitre 10 verset 2 explique que l’empressement de la mort à qui répond la halah’a devant son maître est dû au fait que cet élève s’est empressé de répondre ! C’està-dire qu’il y a ici un retour direct de ce que l’élève a fait : il s’empresse de répondre, et par conséquent de piétiner sur une plate-forme qui ne lui appartient pas, il pénètre le domaine de son Rav ceci lui vaut un ‘’empressement’’ de la mort. En fait cet élève se donne la mort peut-être tout simplement parce qu’il n’apprécie pas la vie. Cette dépréciation de la vie se fait en deux temps. Tout d’abord il néglige son Rav ! Deuxièmement il néglige la Tora elle-même puisque nous connaissons bien le principe émit par Pirké Avot chapitre 1 : « soyez circonspects dans le jugement ». L’élève empressé de répondre piétine l’autre : son Rav et la Tora il n’a de respect pour rien. Mais il n’a surtout pas de respect pour le Rav et la Tora qui l’ont formé et lui ont permis de devenir ce qu’il est aujourd’hui !

S’il faut mettre en garde l’élève à ne point se positionner devant son maître, il faut davantage le mettre en garde lorsqu’il évolue dans la Tora, rappelle le Pélé Yoëts (Rabo). Plus l’élève grandit dans la Tora plus il veut s’exprimer et développer sa Tora et plus il a tendance à refouler son Rav jusqu’à lui prendre sa place ! L’ignorant prend la place du Rav c’est malheureusement un phénomène largement répandu, j’entends souvent des gens se permettre de dire ‘’les Rabanim ne comprennent rien’’ ou encore ‘’le Rabin s’est trompé’’ ; de quel droit un ignare note les propos des Maîtres de la Tora ??? C’est un des grands fléaux de notre génération ; selon mon Grand Maître Rav Wolbe ztsoukal (Daat Chelomo Guéoula) ceci est la dernière épreuve à laquelle devra faire face le peuple juif avant la venue du Machia’h : son rapport d’avec les Maîtres de la Tora !… Mais la maladie n’atteint pas uniquement les ignorants, ceux-là sont malade depuis toujours, le fléau atteint également les ‘’élèves’’ ayant grandi dans la Tora, ceux-là aussi s’autorisent de bafouer les Maîtres, déplore encore Rav Wolbe ztsoukal.

Le Rav Yaakov Yéchaîa Bloï dans son Pith’é H’ochen chapitre 12 note 14 rapporte l’opinion du Tour qui veut qu’un médecin n’a pas le droit de professer lorsque se trouve dans la ville un médecin plus grand que lui en science médicale !; il prétexte : si déjà concernant la Tora on n‘a pas le droit de se prononcer lorsque se trouve un maître dans la ville à fortiori pour ce qui est des questions médicales touchant parfois la vie du patient qu’il est interdit de se prononcer lorsqu’un médecin de sagesse supérieure est présent ! Cependant, rétorque le Rav Bloï si toute la raison de l’interdiction de parler devant son maître est liée au respect du maître ceci ne peut être une référence pour en déduire ce qui doit être fait par le médecin. Mais, selon certains décisionnaires l’interdiction de l’élève à parler en présence du maître est liée à l’orgueil – gassoute haroua’h ! Cet élève qui répond devant le maître c’est qu’il se croit supérieur et plus avisé que son maître ; dans l’absolu c’est chose plausible, on a effectivement déjà rencontré des élèves qui ont dépassé leur maître, néanmoins il ne revient pas à l’élève de se noter et de se comparer au Rav !… Cela veut dire, poursuit encore Rav Bloï, l’interdiction de ne point répondre devant le maître n’est pas liée à l’erreur de l’élève, on ne dit pas que l’élève ne peut pas répondre face à son maître de crainte qu’il se trompe, il est interdit à l’élève de se prononcer devant son maître même si l’élève dit juste et vari. Comme nous l’avons vu dans l’histoire de Êli et Chemouël, Êli a dit clairement à Chemouël ‘’tu dis vrai, mais tu dictes une halah’a devant ton Rav’’. D’ailleurs la halah’a est assez complexe comment doit-on réagir face au maître qui se trompe ? Ce sont des choses qui arrivent, mais l’élève ne doit pas s’empresser de corriger son maître, il y a une façon de faire les choses, en tout cas c’est sans orgueil et sans manque de respect que l’élève pourra se prononcer devant son Rav.

Les lois concernant le ‘’moré halah’a bifné rabo’’ se trouvent dans le Rambam Hilh’ot Talmoud Tora chapitre 5 et dans le Choulh’an Arouh’ Y’’D 242. Dans tout ce débat je note un point intéressant dans cette étude sur le thème de la halah’a : la halah’a qui se veut être la loi juive de la Tora et des Sages que tout un chacun se doit de respecter n’est pas sans finesse. La halah’a exige une grande dignité et un comportement des plus nobles. Au nom de la halah’a on ne doit pas négliger deux points fondamentaux : 1) le respect de tous, 2) l’orgueil…

Eli Hacohen a dit à Chmouël « tu es passible de mort parce que tu as donné une réponse de hala’ha devant ton Maître ! » (Bérah’ot 31b). Tossfot s’étonne : voilà que Chemouël n’avait pas encore apprit la Tora chez Êli, celui-ci n’était donc pas encore considéré comme son Rav ? Tossfot propose une réponse qui supporte deux interprétations.

Selon le Maharik telle est la réponse de Tossfot : Êli Hacohen était le Grand Maître de la génération – ‘’gadol hador’’ devant lequel Chemouël avait prévu d’aller étudier la Tora ! Selon ce commentaire il est interdit d’émettre une opinion face à un grand homme de Tora duquel on a projeté de fréquenter pour étudier la Tora. Cela veut dire que même si dans les faits cet homme n’est pas encore mon Rav, du fait que dans le futur il sera mon Rav il m’incombe désormais de le respecter immédiatement, tout au moins de ne point me prononcer devant mon futur Rav !

Selon le Téroumat Hadechen voilà la réponse de Tossfot : face au Grand Maître on n’a pas le droit d’émettre une opinion hala’hique parce que celui-ci a de facto le statut de maître, même si on n’étudie pas chez lui la Tora ! D’après cette explication il ressort que face à un grand homme de Tora nous sommes tous considérés comme des ‘’élèves’’ en vu duquel il nous incombe de ne pas prononcer de halah’a en sa présence ! Le Choulh’an Arouh’ Y’’D (et Beer Hagola) suit l’opinion du Téroumat Hadechen.

Le respect dû aux hommes de Tora n’est pas chose facile et pourtant d’une importance sans égale, puisqu’est passible de mort celui qui émet son avis face à lui, et ce même s’il n’a rien apprit de lui. On n’est pas tenu d’étudier et d’apprendre la Tora chez tous les Maîtres, cependant le respect doit être donné même au Maître duquel je n’apprends rien ! Car, ce n’est pas ‘’parce que je n’aime pas ce rav’’, ou tout simplement parce qu’il ne m’apprend rien que je peux me permettre de le négliger. La valeur du Rav est une valeur intrinsèque indépendante du fait que j’apprends la Tora de lui ou pas. ‘’Je’’ ne suis pas le baromètre de la valeur de l’autre encore moins du Rav.

Si nous avons vu jusque-là que la gravité d’émettre une opinion devant UN RAV est comportement gravissime du fait du déshonneur que cela témoigne, Rav H’aïm Shmuelvitz ztsal rappelle un point fondamental : avant tout il s’étonne ; pourquoi les maîtres n’ont-ils pas pardonné à leurs élèves qui se sont prononcés devant eux ?! Cela veut dire qu’il convient au Rav d’être si sévère envers son élève et de garder rigueur sur cela ! Mais, dit Rav H’aîm, n’oublions pas que l’existence du peuple d’Israël dépend du rapport qu’ils ont d’avec les Maîtres. L’importance d’écouter et de se soumettre aux paroles des maîtres nous renvoie au fondement de la Tora qui est la MASSORETE – TRANSMISSION !!! Celui qui se prononce devant les Maîtres de Tora témoigne de sa rupture d’avec cette transmission. Il convient largement au Rav de ne point pardonner et d’être intransigeant face à ‘’ceux’’ qui se détournent, non pas seulement de leur enseignement mais surtout, de leur position ! Poussons cette idée un peu plus loin : quel pardon attend cet élève de la part du Maître, il s’est détaché et déconnecté du maître, il n’a plus de lien et de rapport avec le Rav. Comment espérer obtenir un pardon de la part de celui dont on s’est détaché ?!

Cette idée donne une nouvelle dimension de la loi juive – halah’a. La halah’a ne se définit pas uniquement ¨par la sagesse nécessaire pour fixer ce que la Tora attend de l’homme. La hala’ha c’est s’inscrire dans une logique qui se construit par le biais de la règle de la transmission. Un homme peut être sage dans la Tora, toutefois il ne pourra se prononcer et prendre des positions sans consulter les ‘’transmetteurs’’ de la Tora. C’est bien une notion évidente pourtant le profane a du mal à l’intégrer, mais malheureusement le profane n’est pas le seul atteint par ce défaut. Il ne suffit pas de connaître la Tora, il faut davantage puisqu’il est vital de consulter les maîtres de la Tora afin de montrer et prouver que la Tora ne s’invente pas…

Lorsque les Allemands voulaient détruire les communautés, ils s’en prenaient d’abord aux maîtres et dirigeants, écrit E. Farbstein dans son Besseter Raam (page 51). Ils avaient saisi que sans leurs Maîtres les juifs déstabilisaient périraient plus facilement ! D’ailleurs nombre de grands maîtres, alors qu’ils avaient la possibilité de sortir des mailles de l’Allemagne hitlérienne, ont préféré rester dans les camps pour accompagner leur disciple plutôt que de les abandonner dans les camps de la mort. Comme s’est prononcé le Rav de Kovna Rav Avraham Dover Cahana Chapira ztsoukal – qu’Hachem venge son sang, ‘’je reste dans les camps de l’horreur avec mes disciples, le capitaine ne se sauve pas du navire qui chavire !!!’’.

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