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Le monde s’écroule – leurre ou réalité !?

Rav Imanouël Mergui

Quand les Sages disent au début des Pirké Avot que le monde se tient sur trois piliers, ils ne rigolent pas ! Le premier pilier est l’étude de la Tora ! Si on n’étudie pas la Tora le monde, l’univers, tout s’écroule ! Dans les périodes difficiles que le peuple d’Israël traverse, où l’ennemi prend toutes les formes inimaginables pour l’attaquer il traverse une seule idée dans mon esprit :

TOUT S’ECROULE !

Le monde d’aujourd’hui ne repose sur aucune valeur, aucun idéal, aucune recherche. Le monde d’aujourd’hui n’offre plus rien à l’homme (peut-être cela a toujours était ainsi, je n’y étais pas…). Ni sécurité, ni argent, ni famille, tous les repaires sont déjoués et les hommes politiques se disputent les mots pour faire rêver l’homme d’un avenir meilleur que personne n’est à même d’offrir et d’assurer. La sécurité : les guerres et les massacres ne s’arrêtent pas, l’homme est dépassé par une guerre que l’autre lui impose alors qu’il ignore pourquoi l’autre s’acharne à le combattre. L’argent : depuis des décennies on parle de crise économique. La famille : le fléau des divorces et l’idée d’un couple composé de parents de même sexe, témoignent du malaise profond que vit l’homme quant à l’idée de famille et tout ce que cela comporte. La vulnérabilité des gens est telle que lorsqu’un autiste prédit l’avenir par des visions pseudo-prophétiques par un coma profond dans lequel il prétend voir des choses, le monde court ! Nous sommes descendus si bas pour croire et trouver espoir en ces visions si peu fiables.

La question est de savoir si nous avons la possibilité de relever un monde qui s’écroule ? Par la politique : certainement pas, par la guerre : encore moins… en tant que juif – peuple d’Israël, nous nous devons d’apprécier les choses par une vision juive sinon en quoi serions-nous juifs ?! La question et étude proposée ici

n’est pas pour se positionner comme étant un discours de sauveur du monde, mais seulement un discours qui veut rappeler à l’homme, au moins en tant qu’individu que la vie n’est pas une fatalité, que le drame n’a pas son dernier mot à dire ! C’est précisément parce qu’on perçoit que tout s’écroule que tout va s’écrouler ! C’est ma perception des choses qui donne un sens aux évènements et qui les inscrit dans ma vision. Si, au contraire, je perçois un monde qui ne s’écroule pas, si je crois à cet espoir auquel je peux moi-même participer alors le monde ne s’écroule pas et ne s’écroulera pas. Le monde s’écroule parce qu’on le perçoit comme tel.

C’est la raison pour laquelle je veux revenir à l’origine des choses, bien évidemment à travers l’étude, pour saisir l’enjeu de cette idée qui voit l’espoir là où tout le monde voit le chaos. Non pas pour se positionner en reconstructeur de l’humanité mais pour se détacher de ce mensonge auquel l’homme a bien volontiers conduit l’humanité : le monde s’écroule. Je dirais simplement afin de ne pas s’écrouler là où tous s’écroulent.

Cet enseignement qui ouvre les Pirké Avot ne nous enseigne pas seulement sur quoi le monde se tient, je veux dire les éléments qui le tiennent ; il nous enseigne le concept même d’un monde qui tient, donc qui ne s’écroule pas. Il y a cette perspective ‘un monde qui ne s’écroule pas. D’ailleurs nos Sages ont employé le terme « omède » – se tenir debout ! Omède est la réponse au constat d’un monde qui s’écroule. Lorsqu’une personne tombe on n’attend pas les bras croisés, passivement, qu’elle se relève on l’aide à se relever de façon active. Qui plus est le terme « omède » est dit au présent, cette un omède continu, permanent. Le omède est là, peut-être ne le vois-tu pas mais il est bel et bien là ! Sans hésitation je dirais que le verbe omède choisit ici par les Maîtres renvoie instinctivement à la « âmida » ! La prière quotidienne est appelée amida. Intéressant de constater que la prière porte le nom du monde ! Autre constat intéressant : la prière porte le nom de la posture dont on doit épouser lorsqu’on prie ! N’aurait-il pas était plus sage de lui donner le nom de son contenu ?! Ceci pour rappeler à l’homme que l’enjeu même de la prière c’est de ne pas s’écrouler et de rester debout. Trois fois par jour nous combattons manifestement l’écroulement du monde !

Rabi Rah’amim Falag’i zal affirme que le monde dont il s’agit dans cette michna c’est (également) le monde à venir, cela veut dire que celui qui voit aujourd’hui dans ce monde-ci

un monde qui s’écroule il n’a pas d’avenir, si le présent s’écroule l’avenir n’existe pas c’est le désespoir du lendemain ! Chimon Hatsadik dans sa vision futuriste et ‘’olamabatique’’ veut nous dire : si demain tu veux être là sois là déjà aujourd’hui ! On voit bien que lorsqu’une personne est écroulée si on lui dit demain ça ira mieux, on ne l’a pas réconforté ; celui qui vit l’écroulement il vit fatalement le désespoir. Si aujourd’hui je m’écroule je ne peux en aucun cas aller mieux demain. Demain est le produit d’aujourd’hui. Si tu veux connaître un monde meilleur ne le perçoit pas chaotique aujourd’hui.

Rabénou Ovadya Barténoura ainsi que le Tour H’’M 1 traduisent omède par ‘’bichvil’’. Ce terme renferme le concept de projet – seul un monde qui a un projet peut tenir, ce qui s’écroule c’est ce qui ne se projette pas ! Un couple divorce parce qu’il n’a pas de projet.

Le Maharal (Dereh’ H’aïm) écrit : « il convient d’ouvrir les Pirké Avot par cet enseignement de Chimon Hatsadik parce que son enseignement précède tout. Il veut nous dire qu’il faut d’abord construire le yesod – la base. Il vient nous mettre en garde sur les choses qui sont la base de tout, celles sur quoi tout peut être construit ». Lorsqu’une chose s’écroule cela ne dit pas que les bases étaient peu fiables, mais cela témoigne plutôt qu’il n’y a pas de base. Rabi Yérouh’am ztsal traduit également omède par ‘’bassiss’’ – base. L’exercice de l’homme est avant toute chose d’investir dans les fondations de l’édifice qu’il s’apprête à ériger. Cela paraît tellement évident, et pourtant… Si tu t’écroules c’est que tu as omis de construire des bases à ton univers. « Rien n’existe sans base », écrit encore le Maharal (Avot 3-17). Sur quelle(s) base(s) as-tu fondé ton couple ? Ton univers ? Ta société ? Ta famille ? Etc. Si mon univers tient sur un projet il tient avant tout et davantage sur les bases que je vais instaurer au départ. Assure-toi d’avoir des bases. Mais, comme rappelle Rav Hirch (commentaire sur Avot) « ne retire pas les bases sinon tout s’écroulera ». Les bases ne sont pas un acquit qui ne se perd pas, l’homme se doit de revenir en permanence sur la base des choses et s’assurer qu’il construit sur ces dites bases. En réalité ce discours paraît tellement simpliste, effectivement qui serait sot de bâtir un empire dénué de bases ? Avons-nous besoin de ce génie de la Tora tel Chimon Hatsadik pour nous le rappeler ? Il me semble que la réponse à cette question peut être formulée de la sorte : l’homme vit dans l’évidence des bases. Je m’explique : chacun est persuadé d’avoir des bases, chacun est sûr que ses bases sont bonnes. Je crois qu’on ne s’interroge pas beaucoup de savoir si nos bases sont bel et bien là. Est-ce qu’un couple qui bat de l’aile s’est-il interrogé sur quel base a-t-il construit son

histoire ? Lorsqu’on titille chacun sur la présence et la qualité de ses bases il est quelque peu perturbé et ne comprend pas trop ce qu’on lui veut « bien évidemment que j’ai des bases » !, s’insurge-t-il. Sommes-nous sûrs que nous avons des bases ? Si tout s’écroule c’est qu’il n’y a pas de bases. Tout a été construit sur du vent. N’ayons pas peur de se demander si nous avons sur quoi nous appuyer dans la vie.

Au vu de ce discours je veux relire un verset dans la parachat Vayéra 18-8. La Tora nous raconte que Avraham notre Père alors fatigué de la circoncision qu’il vient de pratiquer reçoit trois hommes et s’investi grandement pour les recevoir royalement. On peut lire « Il prit du beurre et du lait et de la viande qu’il avait préparé, il donna devant eux et se tient sur eux », l’expression ‘’se tient sur eux’’ dans le texte est foemulée en ces mots ‘’véhou omède aléhème’’ ! On retrouve chez Avrahamla notion de omède ! Il voulait dire à ses hôtes je suis un omède ! Il veut leur offrir davantage ce met si important appelé omède plus que les bons plats préparés !