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Le lachon ara ou l’effet mouche

Rav Imanouel Mergui

On ne parlera jamais assez de la problématique du lachon hara, ce mal qui dévaste la communauté et l’individu ! Si la Tora a prévu comme remède la tsaraât, de nos jours ceci ne nous touche plus puisque celle-ci n’existe plus ; comme dit le Sforno : on est tellement endormi que même la tsaraât ne nous réveille plus ! Je crois que le vrai problème est qu’on se sent tellement bien lorsqu’on écrase l’autre par la parole qu’on ne veut pas corriger cette maladie. On est prêt à tout perdre, les gens en arrivent au divorce et à d’autres drames, pour quelques instants de plaisir de parole massacrante à l’égard d’autrui.
Au traité Bérah’ot 61a nos Maîtres enseignent « le yetser hara ressemble à une mouche ». Le Gaon de Vilna explique : c’est le yetser hara du lachon hara qui ressemble à la mouche, comme la mouche qui se trouve seulement dans les éléments impropres ainsi le médisant, comme la mouche, recherche la saleté des autres. On peut encore expliquer, poursuit le Gaon, lorsqu’une mouche tombe dans un plat elle le rend répugnant aux yeux de son consommateur ainsi celui qui médit rend toute sa Tora répugnante ! Le Maharcha explique également : la mouche est une petite créature qui souille les éléments de valeur. Le Ben Ich Haï découpe le mot zévouv (mouche) en hébreu ce qui donne ‘’zav bo’’, c’est-à-dire que toute la Tora de l’homme coule de lui, s’échappe, lorsqu’il dit du mal sur autrui. Nul n’est épargné de la mouche même chez l’homme le plus noble tel le roi elle s’y trouve, pour nous conseiller, dit encore le Ben Ich Haï, que tout le monde doit se préserver du yetser hara. Ceci va dans le sens de l’enseignement talmudique : « tout le monde est concerné par la médisance », donc tout le monde doit se sentir concerner et le corriger. On ne peut s’imaginer le poids des souffrances et des malheurs subits àcause de la médisance, s’exclame le Gaon. On retrouve une idée semblable dans le Daât Tévounot du Ramh’al qui dit que de tout ce qui est répugnant D’IEU se cache, et lorsque D’IEU et est sous sa forme voilée les hommes paient de leur faute… En des termes plus simples, le médisant est une poubelle ambulante ; tellement sali que parfois il n’existe aucun remède pour se nettoyer, c’est ainsi que se prononce le H’afetz H’aïm (Lachon Hara 4-12) : celui qui médit n’a aucune réparation plausible, dans certains cas il ne peut même pas avoir recours à la téchouva, par exemple celui qui dit du mal sur une famille – ‘’pégam michpah’a’’ – il n’a aucune expiation  pour  l’éternité » ;  (1-6) si ne pas médire lui fera subir une grosse perte d’argent voire il perdra son travail, malgré tout cela ne lui sera pas permis ; (8-12) « il n’y a rien de plus grave que de médire sur un juif devant un non juif » ; (8-4) « il est extrêmement grave de médire sur un érudit en Tora, nos Sages affirment que tout celui qui dit du mal sur un talmid h’ah’am – est qualifié comme tel tout homme qui étudie la Tora et l’enseigne – tombera dans le guéhinom »…Il est évident que ces deux idées du Gaon sont liées : dire dumal sur l’autre c’est vivre dans le négatif, dans le sal, par conséquent c’est salir son propre nom et donc toute sa Tora. D’ailleurs le Gaon écrit encore : il est inutile de s’étaler davantage quant à cette grave faute que représente la médisance, toutes les mitsvot réalisées et toute l’étude de la Tora ne suffisent pas pour combler le manque entraîné par la médisance !
Les nations aussi reconnaissent un vil défaut dans la médisance, voici quelques citations : « contre la médisance il n’est point de rempart », Molière. « La médisance est fille de l’amour propre et de l’oisiveté », Voltaire. « La morale est bien souvent le passeport de la médisance », Napoléon Bonaparte.
Je sais que cet article est loin d’être suffisant pour que dorénavant nous ne parlions plus et n’acceptions plus de médisance, néanmoins j’ai gagné que les quelques minutes de sa lecture et le temps passé à l’écrire nos bouches et oreilles ont été épargné de la médisance ; et si, par chance, cela nous donne envie d’aller plus loin pour étudier (seul ou en organisant des cours…) et pratiquer les lois du lachon hara alors j’aurais atteins mon objectif…