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« KAVOD »

Rav Imanouel Mergui

Rabi Akiva avait 12000 paires d’élèves, pourquoi ne dit-on pas directement 24000 élèves ? Surtout que s’ils se disputent, ils ne sont pas ensemble, ils ne forment plus une paire. S’ils sont une paires ils ne se disputent pas… une paire de chaussures ne se dispute pas ! Mais comme Rabi Akiva voyait qu’ils se disputaient, il leur a dit vous allez-vous mettre ensemble, par paire. Ce n’est pas vraiment qu’ils se disputaient, c’est qu’ils ne se respectaient pas l’un et l’autre « lo naagou kavod zé lazé ». A cause de cela ils vont en mourir !!! Pourquoi c’est si grave de ne pas se respecter ? Le kavod azoulat, le respect d’autrui, c’est important, dans le couple, dans la relation entre le Rav et les élèves etc… mais pourquoi il faut mourir quand on ne se respecte pas ??? Pour recevoir la Tora il faut donc se respecter, mais pourquoi ? Pourquoi on ne peut pas recevoir la Tora si on ne se respecte pas ? Rav Barouh’ Rozenblum (Dorech Tov Omer) rappelle que le Rav de Rabi Akiva était Rabi Eliezer ben Orkenos, un grand Tana. Son père, Mr Orkenos, était très riche, c’était un homme d’affaires important et quand son fils a grandi il lui a dit de venir travailler avec lui, Rabi Eliezer se mit alors à pleurer. Son père pensait que peut être le poste n’était pas assez important et lui proposa un poste encore plus honorable à ses côtés. Mais Rabi Eliezer continue de pleurer car il veut étudier la Tora. Son père n’était pas spécialement enchanté de cette décision mais va l’autoriser. Rabi Eliezer va devenir un très grand maitre de la Michna. On retrouve au traité Baba Metsia une grande discussion entre les h’ah’amim à propos du four de Mr Ah’nay, « tanouro shel ah’nay ». Il est apparu une question de pureté et d’impureté… Rabi Eliezer arrive à la conclusion que le four est tahor/pur, mais tous les h’ah’amim se sont opposés. Pour prouver son propos Rabi Eliezer dit « que les murs du bet ahamidrash s’inclinent » et les murs ont commencé à s’incliner. Alors les h’ah’amim ont dit qu’on n’amène pas une preuve des murs, on ne fait pas la Tora avec des miracles !!! Il a alors dit « que la rivière s’arrête » et la rivière s’est arrêtée, mais encore une fois les h’ah’amim ont dit qu’on n’amène pas de preuve de la sècheresse d’un fleuve. Pareil pour l’arrêt de production de fruits d’un arbre, jusqu’à la sortie d’une bat kol – une voix céleste qui a dit que le four était pur, mais les h’ah’amim ont dit « lo bashammaym hi » – la Tora n’est pas dans le ciel, ce sont les h’ah’amim qui fixent la alah’a. En effet, nous avons un principe dans la Tora qui stipule « ah’arei rabim léatot », on suit la majorité des h’ah’amim. Comprenons bien ce principe fondamental qui est la base de la Tora. Les Maîtres fixent la marche à suivre dans la Tora, si on ne suit pas les Maîtres et on ne s’incline pas à leur décision on est fichu !
Mais Rabi Eliezer s’est entêté et ils l’ont mis en nidouy, ils l’ont excommunié (interdit de commercer, de communiquer avec lui…). Toute la Tora c’est mah’loket (discussion et divergence d’opinion)… mais comme Rabi Eliezer s’est entêté, ils l’ont écarté de la Yechivah – décision très sévère (mais comme nous l’avons dit on doit s’incliner aux décisions des Maîtres, à qui ne plaise !). A cause de ça les h’ah’amim n’allaient plus chez lui, c’était assour d’aller étudier la Tora chez lui. A la fin de sa vie Rabi Eliezer tombe malade et est mourant, il fallait lui rendre visite. Plusieurs élèves y vont notamment Rabi Akiva et Rabi Eliezer, son Maître, va lui dire : que tous les autres sages ne soient pas venus je comprends mais toi tu es mon talmid ! Tu es mon élève (tu as fauté de ne pas être venu me voir plus tôt !) Ton Rav (un vrai Rav comme Rabi Eliezer), même s’il est excommunié, tu dois aller le voir !!! A la suite de quoi Rabi Eliezer va lui dire qu’il ne va pas mourir d’une mort normale. Et effectivement, nous connaissons la fin tragique de la vie de Rabi Akiva… Qu’est-ce que cela nous apprend ? Pourquoi Rabi Eliezer a tenu tête ? Il y a plein de discussion dans le Chass, ce n’est pas chose négative… Pourquoi ne s’est-il pas soumis à l’opinion majoritaire comme on doit le faire ? C’est écrit dans le Talmud Yeroushalmi que lorsque les h’ah’amim ont voulu prouver son erreur, ils vont dire à Mr Ah’nay de leur donner les aliments faits dans le four, ils vont les prendre et volontairement les rendre impures. Sur ça, Rabi Eliezer est gêné. Il est touché (négativement) de ce comportement, que vous preniez ce qui a été produits dans le four que j’ai dit casher et que vous détruisiez, je ne comprends pas ! Sur ça Rabi Eliezer a été makpid, il en a eu une rancœur. Ça fait mal de casser, détruire le travail de quelqu’un, même si ce qu’il fait n’est pas juste. Rabi Eliezer a été vexé (à sa hauteur) que les h’ah’amim détruisent ce qu’il permettait. Il était d’accord avec la discussion mais pas avec l’action. Il y a une sensibilité. Le Rav de Rabi Akiva a senti cette sensibilité, et il va reprocher à Rabi Akiva que, quelque part, il lui a manqué un peu de respect. Il n’a pas pris de ses nouvelles ni ne lui en a donné et là Rabi Akiva ne veut pas que ses élèves reproduisent la même chose. Rabi Eliezer a été touché du mépris des h’ah’amim à son égard et de Rabi Akiva à son égard. Mais pourquoi le respect c’est si important dans la transmission de la Tora ? Rav Rozenblum dit que la première qualité indispensable pour recevoir la Tora, c’est le respect ! Développons davantage. Le respect est synonyme de quelle mida, de quelle qualité ? Moché Rabeinou a reçu la Tora au Sinaï et la transmet à Yehochoua qui la transmet à son tour, jusqu’aux hommes de la grande Assemblée. La Tora ne s’acquiert pas si on ne s’inscrit pas dans la massoret. Il faut une réception et une transmission. S’il n’y a pas de transmission, dans la Tora on peut dire tout et n’importe quoi. Il faut avoir un Rav et un talmid. Avoir un talmid ce n’est pas forcément donner un chiour, être mosser c’est retransmettre ce qu’on a reçu, ce qu’on a entendu d’un Rav, ce qu’on a appris dans un chiour. Quand on lit un passouk dans le houmach et qu’on découvre une lecture passionnante dans Rachi, on le transmet à d’autres etc. On reçoit puis à notre tour on transmet, une mère avec ses enfants c’est la transmission de ce qu’elle a appris, le h’inouh’ c’est de la transmission « chéma beni moussar avih’a, véal titoch torat iméh’a ».
La qualité première c’est d’être récepteurémetteur, comme une radio. Si le récepteur ne marche pas, il ne peut rien émettre. L’antenne du juif c’est la néchama, qui nous permet de recevoir. On transmet encore plus de ce qu’on est, du comportement que l’on a, que de ce qu’on dit ! Un homme a demandé au Hafets Haïm de quoi parler à des étudiants loin de la Tora, le Rav lui a répondu : parle leur seulement d’un sujet dans lequel tu es un tsadik, un sujet dans lequel tu fais un travail. On voit du Rav les midot qu’il travaille. Rav Rozenblum dit un grand h’idouch : on reçoit et on émet, pour faire ça il faut une qualité, c’est le kavod. Comme dans le respect des parents, s’il n’y a pas de respect on ne peut pas recevoir. Si je respecte quelqu’un, je le considère, d’ailleurs le Targoum Onkelos dans le houmach traduit kavod par yekar, cher, chérir, donner de la valeur à l’autre. Si je le regarde avec révérence alors je peux recevoir. Amram, père de Moché Rabeinou, a su écouter sa fille, une petite fille de 5 ans, quand elle lui a dit que sa décision de divorcer de Yoh’eved était plus dure que celle de Pharaon de jeter les garçons dans le Nil. Il ne l’a pas basé sous prétexte que c’était une enfant et lui le gadol hador. Les élèves de Rabi Akiva ont fait un peu ça avec leur Rav, ils n’ont pas donné assez de valeur à son conseil d’aimer son prochain comme soi-même. Si je n’ai pas un regard valorisant sur l’autre je ne peux rien recevoir de lui. La faille des élèves de Rabi Akiva était de ne pas avoir pratiqué la loi du respect tel que le Maître le leur avait appris, parce que lui-même avait appris ce principe de son Maître. Ils ont rompu la transmission en ne suivant pas les enseignements de leur maître. Cela s’appelle du kavod, Pas de kavod plus de massorète, et sans massorète c’est la mort de la Tora qui équivaut à la mort de l’individu. la Tora est ici très stricte à l’égard de qui manque de respect à tout un chacun, parce que la Tora repose sur le respect, en cela que le respect est synonyme de transmission/émission/acceptation…