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Le Sou Fétiche

Rav Imanouel Mergui

Les Sages ont institué que chaque juif doit donner ‘’zeh’er lémah’atsit hachekel’’ – une somme d’argent d’une valeur de neuf grammes d’argent pur selon le cours actuel de l’argent, durant le mois de Adar et ce au plus tard avant la lecture de la méguila du soir. Au traité Méguila 13B le Talmud nous enseigne que cet argent vient contrer les sommes d’argent que Haman dépensera pour anéantir le peuple d’Israël. Le Richon Letsion Rav Yitsh’ak Yossef chalita rapporte au nom du Divré Yatsiv que cette institution a commencé du temps même de Mordéh’aï et Esther ! De ce fait, notre Grand Maître Rav Ovadya Yossef ztsal écrit (H’azon Ovadya Pourim page 101 à 105) qu’il convient de donner cette somme par personne pour tout le monde : hommes, femmes et enfants, puisque Haman voulait tuer tout le monde. Il y a ici une idée incroyable : quelques pièces d’argent ont le pouvoir d’effacer le décret et le concours de nos ennemis, ceux qui veulent notre disparition. On cherche des solutions pour contrer nos ennemis, pour guérir l’acharnement de la haine de nos ennemis destructeurs d’Israël. La guerre et la politique ont échoué et échoueront dans cette tâche ! Seul le don de quelques pièces peut enrayer la réalisation du projet de la destruction du peuple juif. On n’a pas besoin d’user des grands moyens pour vaincre l’ennemi.

On est en mesure de se demander quel est l’effet puissant de neuf grammes d’argent, face au projet de nos ennemis qui usent tous les moyens qu’ils possèdent pour nous faire disparaître ? Ni l’Iran ou la Syrie ou tout autre ennemi juré d’Israël, ni la bombe atomique, ni le terrorisme peuvent nous atteindre si chaque juif donne neuf grammes d’argent. Tout aussi stupide que cela puisse paraître nos Sages nous le conseillent vivement. Une fois pour toute faisons leur confiance et récoltons cet argent pour connaître le secours et la délivrance. Que l’on comprenne ou non quelle est la profondeur de leur dire, mettons en œuvre leur conseil. D’ailleurs Pourim a pour exercice cette soumission aux Maîtres de la génération. La faute des juifs à Pourim, selon une version largement reconnue et répandue, c’était leur refus d’écouter la voix de Mordéh’aï et ses conseils. De tout temps la voix des Maîtres est mise en marge ! Malheureusement et dommage. Comme écrit le Gaon Rav Yitsh’ak Zilberstein chalita ‘’on n’est jamais perdant lorsqu’on suit le conseil des Maîtres’’. Si certains groupuscules tel les réformés se battent pour taire la voix des Sages, il y a en tout un chacun une part de scepticisme quant à la soumission aux paroles des Maîtres. Ce drame n’est pas nouveau, depuis la sortie d’Egypte les juifs ont du mal à suivre la parole des Maîtres. Moché notre Maître a été contesté plus d’une fois, et à chaque fois ceux qui l’ont contesté ont péri. Le vrai drame n’est pas cette haine que certains ont à l’égard d’Israël, mais c’est la haine de l’intérieur : des juifs entre eux et plus particulièrement de ceux envers les Sages de la Tora.

Pour répondre à la question de savoir comment une petite somme d’argent est à même d’enrayer la haine des nations envers Israël, il faut se demander où va cet argent ? A qui donne-t-on ces fameux neuf grammes d’argent ?

Voici ce qu’écrit notre Grand Maître le Génie Rav Ovadya Yossef ztsal (H’azon Ovadya Pourim page 105) : « au traité Sofrim il est dit qu’avec cet argent on doit acheter du pain et de l’eau et les donner aux pauvres. Rabi H’ayim Falag’i écrit « qu’on doit le remettre à des pauvres qui étudient la Tora, comme disent les Sages ‘’si tu veux faire la tsédaka fais la en faveur de ceux qui s’adonnent à l’étude de la Tora. Telle est la coutume ». Il est dit dans le Tanh’ouma Tsav : l’étude de la Tora expie les fautes des Enfants d’Israël ; l’étude de la Tora est le substitut des sacrifices apportés par l’argent récolté du mah’atsit hachekel. En vérité l’étude de la Tora est d’un niveau supérieur aux sacrifices, comme nous l’enseigne le Talmud au traité Roch Hachana 18A que certaines fautes ne connaissent pas d’expiation par les sacrifices mais elles connaissent expiation via l’étude de la Tora ! Le Talmud au traité Méguila 3A dit clairement ‘’la mitsva d’étudier la Tora est plus grande que les sacrifices !’’. Le Yalkout Chimoni raconte ‘’lorsque Rabi Yéhochoua s’est retrouvé devant le Temple détruit il s’est attristé. Rabi Yoh’anan ben Zakaï lui demande le sens de sa peine. Rabi Yéochoua répond : lorsque le Temple existait les Enfants d’Israël pouvaient y approcher les sacrifices et connaître ainsi l’expiation de leurs fautes, mais maintenant qu’il est détruit on ne peut plus approcher de sacrifices et connaître l’expiation des fautes. Rabi Yoh’anan ben Zakaï lui rétorqua : ne sois pas peiner, nous avons un autre moyen d’expier nos fautes par le biais de l’étude de la Tora et de la générosité ! ».

Alors la question persiste-t-elle encore ?! Quelques petites pièces d’argent en faveur du développement de l’étude de la Tora sont à même d’éradiquer tous les combats sauvages de nos ennemis, puisqu’ainsi nos fautes sont pardonnées. Et là nous avons un double effet et un double avantage : la tsédaka en faveur de l’étude de la Tora ! Deux actes d’une extrême importance qui sont liés. Car, comme écrit encore le Rav ztsal « on remettra l’argent récolté en souvenir du mah’atsit hachekel aux institutions de Tora et aux Yéchivote où on encourage les élèves à devenir des érudits de Tora, comme disent nos Sages au traité Bérah’ot 8A ‘’depuis que le Temple est détruit D’IEU n’a rien d’autre dans son monde que les quatre coudées d’étude de la loi’’. Nos Sages disent encore Baba Batra 10B ‘’Celui qui donne son argent en ce but et encourage les autres à donner également dans ce sens connaîtra le futur meilleur d’Israël, lorsqu’Israël lèvera la tête ! ».

Le Mah’atsit Hachekel n’est pas qu’un souvenir du passé, de nos jours encore nous avons besoin d’un moyen pour expier nos fautes et connaître des jours meilleurs – écrit le Richon Letsion chalita (Yalkout Yossef Pourim page 589). La guerre contre les forces du mal, toutes confondues, continuent et nous avons besoin d’éléments pour les vaincre, poursuit-il. Le meilleur des éléments est celui de donner la tsédaka à ceux qui étudient la Tora. Et là il y a un bénéfice particulier, comme explique encore le Rav chalita (Pourim page 593) : « le Or Hah’aïm écrit que même ceux qui n’ont pas le mérite d’étudier la Tora par eux-mêmes, en

associant leur don à ceux qui étudient ils ont un mérite de l’étude des autres et de ceux qu’ils soutiennent ».

Ceci prend un sens particulier d’après l’idée développée par le Rabi de Satmar zal qui veut que Haman avait pour projet d’anéantir Israël précisément par ce que D’IEU a créé le monde pour que Israël puisse étudier la Tora. (Divré Yoel, rapporté dans Kaftor Vaférah’ Métivta Méguila 13B). Il y a quelque chose de dérangeant à cette vision du monde qui affirme que le monde n’a été créé uniquement pour l’étude de la Tora – les ‘’hamannistes’’ du passé comme du présent se livrent dans une guerre sans relâche pour faire croire à l’homme que le monde peut tenir sans Tora. La meilleure réponse, le meilleur combat, la victoire assurée c’est lorsqu’on continue à investir dans l’étude de la Tora.

Quelques pièces d’argent s’inscrivent dans le plus bel édifice ‘’les lieux d’étude’’. Notre Grand Maître Rav Chlomo Wolbe ztsal écrit : « les lieux d’étude ont remplacé le sanctuaire et le Temple » (Daat Chlomo Pourim).

Voilà comment une petite pièce peut réécrire l’histoire et nous sauver de tous les maux et malheurs. La vie ne tient que sur un sou fétiche ! Cette petite pièce qui a la vertu de guérir tous les drames. Le H’afets H’aïm disait « donnez de votre argent à la tsédaka afin de ne pas payer les soins des souffrances et maladies qui pourraient arriver… ». Comme explique le H’atam Sofer « D’IEU dit : si vous prélevez les dons en mon nom, pour que mon nom soit dévoilé dans le monde, alors ceci effacera le nom de âmalek du monde » (Oumatok Haor Chémot III page 33 et Oumatok Haor Méguilat Ester page 292).