Rav Imanouel Megui
Que nous reste-t-il de la sortie d’Egypte ?
Tant d’efforts ! Tant de dépenses ! Tant d’investissements, moraux et physiques ! C’est bien que Pessah’ doit nous laisser quelque chose, et de grandiose vu l’ampleur de l’investissement ! Peut-on rester insensible et incohérent face à notre propre effort ?! Ce serait pure folie !
Le Gaon de Vilna dit que nous pouvons compter quarante-huit commandements de la Tora liés directement à la sortie d’Egypte ; l’un d’eux a particulièrement retenu mon attention. J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion d’en parler, Mais !… Tout d’abord on est loin d’avoir tout dit à ‘’ce sujet’’… Puis vu la pauvre avancée en ce domaine, rien ne nous autorise de garder le silence…
Si Pessah’ est une fête qui a son message, comme chaque fête, elle a une particularité qu’aucune autre fête ne connaît : les lois de la CACHEROUTE !!! C’est bel et bien la seule fête de notre calendrier où nous investissons tant dans ce domaine, aussi bien dans la cachérisation des ustensiles et de la cuisine toute entière que dans le choix des aliments consommés. Si la halah’a est très exigeante dans ce domaine il faut y ajouter également les innombrables coutumes que chaque communauté connaît dans ce domaine. C’est effarant ! C’est incroyable ! Le h’amets sous ‘’toute forme soit-il’’ est interdit à la consommation durant la fête de Pessah’ mais également après Pessah’ : si on avait en sa possession du h’amets durant Pessah’ il est formellement interdit de le consommer après Pessah’ ! Si d’ordinaire Pessah’ est appelée la fête de la sortie d’Egypte, pour ma part Pessah’ c’est la fête de la cacheroute. Certes la cacheroute ne se limite pas qu’à ces huit jours de l’année, c’est trois-cent-soixante-cinq jours de l’année que le juif doit respecter les innombrables lois de la cacheroute. Il n’y a pas un aliment exempt de ces dites lois. Tout ce que nous ingurgitons doit être conforme aux lois de la cacheroute. Si ces huit jours de Pessah’ comptent encore beaucoup d’autres de lois : yom tov, h’ol hamoëd, le ômer, bien sûr toutes les lois du seder (matsa, maror etc.), ce sont celles de la cacheroute avant, pendant et après Pessah’ qui sont, pour ma part, les plus impressionnantes.
D’ailleurs on peut distinguer une expression particulière formulée par la Tora elle-même quant aux lois de la cacheroute qu’aucun autre commandement ne connaît. Effectivement, d’ordinaire lorsque la Tora rattache un commandement à la sortie d’Egypte la formule est ‘’Je suis l’Eternel ton D’IEU qui t’a fait SORTIR d’Egypte’’, or à propos des lois de la cacheroute la Tora emploie l’expression ‘’Je suis l’Eternel votre D’IEU qui vous a fait MONTER de l’Egypte’’ ! Voir fin parachat Chémini Vayikra 11-45 et Rachi au nom de Rabi Yicmaël explique : si je
n’ai fait monter Israël de l’Egypte uniquement pour qu’ils ne se souillent pas par la consommation d’aliments impurs cela leur aurait suffi, c’est bien là une élévation pour eux ! Selon ce commentaire la sortie d’Egypte n’a qu’un seul enjeu, qu’un seul but à atteindre, qu’une seule leçon à retenir : les lois de la cacheroute ! Surprenant ! Super puissant !
Dans son livre fabuleux Beseter Raam la pieuse et érudite Rabanite Esther Farbstein décrit, entre autre, les questions de halah’a qu’ont connu les juifs dans les camps de la mort en 39-45 voici quelques brefs extraits une des questions à laquelle étaient-ils confronté au quotidien c’était la faim ! Ce souci touche bien évidemment le concept de vie ou de mort appelé dans la halah’a ‘’pikouah’ hefech’’. Deux questions de halah’a étaient soulevées : avaient-ils le droit de consommer de la viande non cachère ? Avaient-ils le droit de consommer de la nourriture cuisinée le jour de Chabat ? Bien évidemment ces questions ont été alertées par les Grands Maîtres qui ont vécu à l’intérieur de ces horribles camps. Les réponses divergeaient, l’un des rabanim présents s’est exprimé de la sorte ‘’depuis deux-mille ans notre peuple se bat pour respecter deux piliers fondamentaux de notre existence : le chabat et la cahceroute !, sous aucun prétexte nous les enfreindrons !!!’’. D’autres Rabanim,comme le Rav Aharonson hy’’d ont autorisé la consommation d’aliments non cachère mais ils s’interrogeaient de savoir s’il fallait attendre d’être en danger ou bien fallait-il permettre même de façon préventive ?! Ce Rav s’interrogeait encore de savoir s’il fallait réciter une bénédiction avant de consommer les aliments non cachère ? Bien entendu la question de savoir s’ils avaient le droit de consommer du h’amets durant Pessah’ a elle aussi été soulevée ! Ils s’interrogeaient également s’il fallait faire nétiltae yadaïm et birkat hamazon sur ces aliments non cachère ?! Face à toutes ces questions et leur semblable le Rav Achri s’est exclamé ‘’notre âme a atteint l’abîme !’’. ‘’Si tant est sibien qu’on soit autorisé de consommer des aliments non cachère dans ces moments de vie ou de mort il n’en reste pas moins que notre âme en est souillée’’ a écrit le Rav Ratta. Alors que le Rav Aharonson faisait partie de ces Rabanim qui ont autorisé la consommation d’aliments non cachère durant la Shoa, voilà ce qu’il écrit pendant la Shoa ‘’doit-on faire téchouva (se repentir) sur tous ces aliments non cachère que nous consommons pour survivre ?’’. Lorsqu’après la Shoa ce Grand Maître qui a été sauvé des camps de la mort et fut nommé à la tête d’une grande communauté il s’exprima ainsi ‘’nous étions deux-cent Rabanim dans la ville de Warsha je suis le seul rescapé, si jamais un autre Rav a été sauvé je lui laisse la fonction de Rav à ma place’’ et lorsqu’il se renda à l’évidence qu’il n’était que le seul rescapé il accepta le poste qu’à la condition que ‘’si on trouve un Rav qui n’a pas
consommé d’aliments non cachère durant la shoa qu’il n’officierait plus et qu’il cèderait sa place’’ ! Sara Katan témoigne ‘’durant Pessah’ dans le ghetto la matsa n’était pas conforme à la loi cependant elle était là et elle nous a permis de ne point oublier cette fête !’’. D’autres ont écrit ‘’en 43 nous avons fêté le seder de Pessah’ en cachette, dans l’obscurité de la nuit à la lumière de la lune’’… »
Cela me suffit pour prendre conscience de l’ampleur des lois de la cacheroute… Ne vaut-il pas la peine de payer quelques euros de plus pour sauver notre histoire, sauvegarder nos valeurs, évoluer, grandir ? Oui, c’est vrai que manger cachère ça coûte cher, et fort heureusement la concurrence a fait baisser les prix… Néanmoins on a la chance de pouvoir manger strictement cachère sans regarder derrière nous si un fusil nous pointe ! Bien souvent ceux qui se plaignent du prix onéreux à payer pour manger cachère roulent en BMW ou se paient des voyages ou des habits de luxe ; malheureusement ils ignorent la beauté de la Tora, le message authentique de la Tora. Ils prétextent le gavage des rabbins par l’intermédiaire du prix du cachère mais ne s’étonnent pas du prix exorbitant que leur impose leur médecin, ou leur avocat etc. Mais il est clair que cette ignorance nous tue ; nombreux sont ceux qui croient que la cacheroute se limite à une prière récitée par le rabbin ! Je vous assure la cacheroute ce n’est pas une prière prononcée dans une cuisine, ce sont des milliers de questions de
halah’a : cachérisation de l’usine, choix et contrôle de chaque ingrédient et chaque produit utilisé par l’usine qui se comptent par centaine (amusez-vous à lire la liste d’ingrédients contenus dans une bouteille de coca-cola : six ingrédients, j’ai devant moi une tablette de chocolat au lait qui contient six ingrédients, une boite de céréales : onze ingrédients etc. Sans parler de la viande cachère-à l’occaz’ peut-être…). Sans oublier les centaines d’heure passées pour assurer la fabrication strictement cachère de tous ces produits. Dans le Choulh’an Arouh’ se sont des dizaines de chapitre à apprendre et à retenir pour gérer ‘’tout ça’’. C’est de la religion – disent certains ; cette formule a bousillé notre sainte et belle Tora. Dès qu’on veut se ‘’libérer’’ de la Tora on traite tout de ‘’religion’’. Mais là est l’enjeu : un juif ne se libère pas DE la Tora, il se libère AVEC la Tora.
Fasse D’IEU que notre peuple soit libéré de la pression des nations et du mensonge du yetser hara, pour que chacun connaisse la vie, la santé, la parnassa, le chalom, le bonheur, la sérénité, la tranquillité, le calme, le bon, le bien, pour lui ses enfants, ses descendants, ses amis, et pour tout Israël. Que les nations cessent d’investir dans l’anéantissement de l’indestructible et qu’Israël s’investisse dans le réel…
- A chaque génération ILS veulent nous anéantir mais ELLE nous a maintenue en vie » (Hagada de Pessah’)