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Pourim la fête de la Simh’a

Rav Imanouel Mergui

« Layéhoudim hayta ora vésimh’a vésason vikar », c’est en ces termes que la Méguilat Ester décrit la joie qu’ont ressenti les Enfants d’Israël lorsqu’ils furent libérés du fou décret de Haman. Tout secours entraîne la joie sur toutes ses formes. Le Gaon Rav Meshoulam David Soloveitchik ztsal rapporte au nom de son père le Rav de Brisk zal (Méoré Hamoadim Mibet Brisk page 396) une remarque importante : la joie n’est pas réservée à Pourim, effectivement toutes les fêtes doivent être vécues dans la joie. Quelle est donc la particularité de la joie de Pourim ? Le Rav explique qu’à chaque fête la joie accompagne les mitsvot de la fête que nous réalisons, alors qu’à Pourim la joie est-elle-même la mitva de la fête. Tout ce que nous faisons à pourim n’est que le moyen d’arriver au paroxysme de la fête qui est la joie. Faire un festin, distribuer des mets aux amis, des dons aux pauvres ne sont pas les commandements de la fête, ils sont l’expression de notre joie. A la différence des autres fêtes, par exemple à Pessah’ le commandement st de manger de la matsa et de raconter la hagada, tout cela doit être fait dans la joie.

Il y a quelque chose d’extrêmement puissant dans cette analyse, on a tendance à penser que la joie doit s’accrocher à quelque chose, et souvent ce quelque chose doit être matérielle. Je veux dire arrive-t-on à se réjouir sans élément extérieur à nous-mêmes ?! Dites à quelqu’un sois heureux ! Il vous rétorquera : pourquoi ? Comme si se réjouir sans motif était une folie. On cherche toujours ce qui pourrait nous réjouir. On a du mal à se réjouir ‘’sans raison’’. Si tout va bien dans la vie, on n’est pas obligatoirement joyeux. Sommes toutes si on réfléchit bien y-avait-il une véritable raison de se réjouir à Pourim ? Si un fou nous veut du mal, comme ça sans raison, puis cet ennemi disparaît et que tout rentre dans l’ordre faut-il se réjouir ? Finalement à Pourim la vie a repris son cours et rien de spécial s’est produit. Mais là est la force d’Israël de se réjouir même s’il ne se passe rien de particulier.

Le Gaon Rav Acher Weiss chalita a demandé comment cette année va-t-on se réjouir avec ce qu’il se passe dans le monde ? Une épidémie qui accable le globe depuis un an ! C’est incroyable, ceci dépasse l’entendement et le mode de vie auquel on est habitué depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le Rav de répondre : lorsque mon Maître le Rabi de Klozenbourg ztsal pratiquait le judaïsme dans les camps de concentration il était toujours joyeux, pourquoi ? Comment ? Parce qu’il ne manque jamais de raison de se réjouir. Quel que soit la vie que tu mènes, la joie ne doit jamais te quitter. On ne peut atteindre ce niveau uniquement par la Foi absolue en D’IEU. Et encore plus particulièrement durant la fête de Pourim qui n’a qu’une seule mitsva : être dans la joie, comme ça, gratuitement, sans chercher d’éléments pour y arriver.

Pour ma part je pense profondément que l’effet de la pandémie est qu’on a appris à apprécier la vie. Alors qu’auparavant l’homme ne cessait de râler, jamais content, toujours insatisfait, alors que tout aller bien. Pourquoi on n’est jamais content ? C’est quelque chose de délirant en soi. Alors notre vie a changé, un micro-virus vient déstabiliser toute la planète, puisque le monde ne nous satisfait pas, il nous fallait un petit virus pour arrêter de se plaindre et apprendre à savourer les gens de la famille, le travail, la santé, la vie et tout ce qu’elle contient.

Peut-être qu’à Pourim les sages n’ont pas fixé la joie en se rattachant à un quelconque évènement particulier, mais le drame évité de justesse les a conduits à raviver la flamme de la joie dans notre vie. Ce n’est pas la joie liée à une situation, c’est le devoir d’être bien et heureux parce que là tout ira mieux. C’est la mélancolie qui entraîne le drame, c’est donc la joie qui qui entraîne les heureux évènements. La peine et la joie ne sont pas la conséquence d’une situation, elles sont le moteur de la vie. Si tu es mal tout ira mal, si tu es bien tout ira bien. Ce n’est pas la vie qui fait l’homme, c’est l’homme qui fait la vie.

Nos Sages au traité Chabat 88A enseignent quelque chose d’extrêmement puissant : à Pourim les juifs ont de nouveau reçu la Tora encore plus fortement que lorsqu’on l’a reçu au mont Sinaï. A développer, à sublimer. Lorsqu’on est heureux, gratuitement, on ne peut que s’envoler jusqu’aux hauteurs les plus suprêmes. La Tora n’est pas là pour nous pourrir la vie ! La Tora est la joie de notre vie. Si on va consommer le repas de Ah’achvéroch c’est qu’on cherche des saveurs autre que celles de la Tora. Mordéh’aï a interdit au peuple de se rendre à ce festin personne ne l’a écouté (c’est malheureusement un vieux problème de ne pas suivre les conseils des Maîtres…) ? Pourquoi cet interdit ? Tout était cachère ! Parce que le juif ne vie pas que dans le permis et l’interdit !… Le juif vie dans un univers où un seul mot d’ordre l’accompagne : la joie, et lorsqu’on est joyeux on n’a pas besoin d ‘aller voir ce qui se passe ailleurs… 

Augmentons la joie avec foi et fermeté tout ira mieux très vite !