Rav Imanouel Mergui
Il y a quelque chose de particulier dans le mois de Adar,
c’est le seul mois qui peut être doublé : Adar I et Adar II ! Nul autre mois ne connaît ce phénomène. Au
premier chapitre du traité Sanhédrin le Talmud étudie longuement le sujet de ‘’îbour hachana’’ – le rajout
d’un treizième mois, par qui peut-il être institué et pour quel motif on rajoute un mois dans l’année ? Nous
savons que ceci a des conséquences dans la halah’a aussi bien pour les joies que pour les drames pour ce
qui est de fixer les dates des évènements.
A notre échelle on avancera l’idée suivante : au traité Taânit 29a le Talmud rapporte l’enseignement de
Rav Yéhouda fils de Rav Chmouel bar Chilat au nom de Rav « arrivé le mois de Adar on doit augmenter la
joie ! ». La joie s’augmente c’est dire que l’homme peut agir pour l’obtenir. La joie n’est pas quelque chose
de passif, elle n’est pas le résultat d’un évènement indépendant de l’intervention de l’homme. La joie est le
résultat d’un exercice concret effectué par l’homme. La joie est l’objectif que l’homme doit avoir pour
s’investir dans quelque chose qui va le conduire à vivre la joie.
Comment obtient-on la joie ?
Dans les Téhilim (chapitre 100 verset 2) le roi David annonce « Servez D’IEU dans la joie, sachez que D’IEU
est tout puissant ». Rachi commente : servez D’IEU avec joie – pourquoi ? Parce que D’IEU est tout
puissant et vous attribuera un salaire sur vos actes ! C’est-à-dire que le salaire de la pratique de la Tora et
des mitsvot nous stimule pour faire les choses avec joie. Comment ça marche ? Rappelons simplement que
la joie est le produit de la chlémoute, nous livre le Maharal. La chlémoute est l’état comblé dans lequel
l’homme se trouve, effectivement analysons la joie par son opposé la tristesse et tout ce qui s’apparente.
La tristesse est l’état dans lequel l’individu se trouve lorsqu’il lui manque quelque chose et, lorsque ce
fameux quelque chose est comblé alors l’homme se retrouve dans un état joyeux. Et, encore une fois, on
peut agir pour trouver joie et comble dans notre vie, n’attendons pas quelles nous viennent de l’extérieur.
D’ailleurs lorsqu’on est acteur dans ce qui nous complet notre joie est plus entière et plus satisfaisante.
Il y a encore un point particulier dans la joie que nous pouvons apprendre d’une histoire rapportée dans le
Talmud au traité Taânit 22a « Rav Bérouka rencontra Eliyahou Hanavi au marché il lui demanda qui de ces
gens ira au monde à venir ? Le prophète désigna deux hommes d’apparence ordinaire. Le Maître voulant
comprendre la raison pour laquelle ces deux hommes ont droit au monde à venir, il s’approcha d’eux et
leur demanda quelle était leur activité. Ils répondirent ‘’nous sommes des hommes heureux qui
réjouissons les gens tristes’’ ». Être joyeux c’est arrivé à réjouir les autres. Nous connaissons ce
phénomène de vouloir partager sa joie avec autrui lorsque nous sommes comblés, mais là il s’agit d’un
autre exercice – ce n’est pas seulement de partager sa propre joie avec l’autre c’est plus que cela, c’est
arrivé à réjouir l’autre de la joie qui l’anime à lui-même, c’est-à-dire arriver à montrer à l’autre qu’il a tout
pour être heureux. S’il est difficile de réjouir l’autre dans sa joie personnel il est déplorable de voir qu’il y a
des gens qui arrivent à vous enlever votre propre joie, ils vous mettent la ‘’rama’’ !
Dans le même ordre d’esprit le Rambam stipule une halah’a sensationnelle dans ses hilh’ot Ichout XV-17 à
19 « l’homme ne s’approchera de sa femme pour une intimité seulement s’il l’a réjoui d’abord ! La femme
s’efforcera de ne pas mettre son mari dans un état de tristesse ! L’homme ne sera jamais triste avec sa
femme ! ». La joie est d’or dans le couple, chaque conjoint fera tout pour voir l’autre dans un état de joie
et d’extase. Quand ? Tout le temps ! La joie dans le couple n’est pas une option elle est la base sur laquelle
repose l’harmonie et la stabilité du couple. Non pas seulement une joie de soi, pour soi et envers soi mais
plus fort encore : une joie avec l’autre, de l’autre, pour l’autre et envers l’autre.
ADAR est le seul mois doublé dans le calendrier juif, selon notre discours nous dirons parce que justement
il est le mois de la joie et dans la vie il faut redoubler de joie déjà vis-à-vis de soi et en plus parce qu’il faut
arriver à réjouir mon double, l’autre. Tournons-nous vers ce qui nous réjouit, voyons le bon côté des
choses, des gens et de tout ce qui nous entoure ainsi on vivra avec les autres dans la joie absolue.