Rav Imanouel Mergui
La paracha de cette semaine (Chémini) traite d’un des sujets des plus sensibles de l’histoire des juifs : la cacheroute. Je voudrais vous faire part de quelques constats… J’aime d’autant plus ce sujet tout d’abord pour ce que la Tora écrite et orale nous propose et nous offre à étudier. La multitude de versets dans notre paracha, les traités de Michan et Talmud, les chapitres nombreux dans le Rambam et le Choulh’an Arouh’, sans parler des ouvrages de Maîtres contemporains qui adaptent la Halah’a aux avancées technologiques et modernes. C’est bien là la première chose à déplorer : nombre de gens parlent de cacheroute alors qu’ils ignorent tout et n’ont jamais rien étudié ! Le Rambam écrit quelque chose d’assez surprenant et particulier : « il est un commandement de la Tora de connaître les signes qui distinguent les animaux, bêtes, volatiles, poissons et sauterelles qu’il est autorisé de consommer et celles qu’il est interdit de consommer, comme dit le verset ‘’et vous séparerez entre l’animal pur de l’impur, entre l’oiseau impur et le pur’’ ; il est dit encore ‘’pour séparer entre l’impur et le pur, entre la bête qui est consommable et celle qui ne l’est pas’’ (Lois des Maah’alot Asourot chapitre 1 paragraphe 1). S’il est une mitsva d’apprendre et de connaître toute la Tora, le Rambam nous surprend en notant qu’il y a une mitsva particulière d’apprendre les lois de la cacheroute !? Pourquoi ???
Posons une autre question : pourquoi la cacheroute est devenu un combat communautaire ? Pourquoi chacun pense que ‘’sa’’ cacheroute est mieux que celle de l’autre ? Pourquoi tant d’intolérance dans ce domaine ? Pourquoi on ne laisse pas manger cachère chacun selon ses convictions ? Pourquoi chacun pense qu’il fait mieux que l’autre ? Pourquoi certains se vexent lorsqu’on ne mange pas chez eux ? Pourquoi cette mitsva plus que toute autre mitsva de la Tora connaît tant de débats et d’incompréhensions entre les hommes ?! Qu’est-ce qu’il y a de si particulier dans cette mitsva, dans cette partie de la Tora qui vaut un manque d’écoute, qui plus est lorsqu’on vient avec des arguments de halah’a, on ne défend pas des convictions personnelles, mais religieuses et halah’iques ! A l’heure actuelle je ne connais pas une autre mitsva de la Tora qui suscite autant de conflit. Personnellement, et ça n’engage que moi-même, je suis heureux de voir tant de labels de cacheroute dans les épiceries cachères – c’est que, D’IEU soit loué, il y a de plus en plus de gens qui mangent cachère. En vingt ans ‘’le produit cachère’’ a fait d’énormes progrès et c’est une joie de voir des centaines d’organisme qui s’investissent tant dans la cacheroute. Mais pourquoi se battent-ils ?
Il existe plusieurs raisons, je citerai celle des Sages de la Tora. Rachi au chapitre 11 verset 2 de la parachat Chémini explique que Moché attrapait dans ses mains chaque bête et l’a montrait aux Enfants d’Israël, à la différence des autres lois que Moché a transmises aux Béné Israël il ne s’est pas suffi de transmettre par la parole les lois de la cacheroute, il les a données par le visuel ! Comme pour dire : il ne suffit pas de les entendre, de les dire il faut les voir. Dans le même ordre d’idée le Talmud au traité H’olin 42A rapporte l’enseignement de Rabi Yichmaël « D’IEU attrapait chaque espèce et disait à Moché ‘’celle-ci vous consommerez et celle-ci vous ne consommerez pas’’ ». Ce cheminement de l’enseignement et de la transmission des lois de la cacheroute ne connaît pas d’égal dans la Tora. La loi écrite et orale sont deux dimensions bien connues mais là il y a une troisième dimension inscrite dans les lois de la cacheroute ‘’la loi visuelle’’ !!! Dans les lois de la cacheroute il y a une dimension divine qui se distingue des autres mitsvot. Ce ne sont pas des lois humaines, c’est purement divin, c’est la raison pour laquelle elles appartiennent à personne et à tout le monde. La cacheroute c’est le domaine et la propriété de D’IEU uniquement…