Rav Imanouel Mergui
L’été approche, il fait chaud, très chaud et on a tendance à enfreindre les règles de la pudeur. Il me semble que la difficulté de s’habiller tsénioute découle, notamment, du fait que l’enjeu de la tsénioute est male comprise. Je vous propose une réflexion qui j’espère permettra de corriger sa façon de s’habiller. En réalité ce qui m’a interpellé dans ce sujet c’est une réponse de Rav Moché Feinstein dans Iguérot Moché Yoré Déâ 3-106 en laquelle il stipule qu’une non juive qui veut se convertir au judaïsme étant prête de recevoir tous les commandements de la Tora mais qui refuse les lois de la tsénioute (s’habiller selon les règles de la halah’a et se couvrir la tête) ne peut être convertie et même à posteriori si elle a été convertie cette conversion est caduque !
L’habit occupe une place très importante dans la vie de l’être humain. Trop importante parfois. Pour certaines personnes toute leur existence dépend de leur vêtement ; comme si notre existence s’exprimait à travers nos vêtements. Mon intériorité se dévoile à travers mon mode vestimentaire. Dans le domaine de la mode c’est la mode vestimentaire qui s’affiche la plus répandue. Et je constate là comme un paradoxe : alors que le vêtement appartient à la notion de tsénioute on en fait un moyen d’extériorisation de soi… Et lorsque l’habit ne reflète plus de ce que je suis, l’homme ne s’habille plus. Notre civilisation a choisi de vivre dans l’exhibitionnisme quasi absolu (voyez les publicités affichées dans les villes) pour montrer ce qu’elle vaut. Et là est le sens de la tsénioute : ce que je vaux, et ce que je suis, se limite-t-il à mon corps ?
Cacher le corps pour prendre conscience que notre être essentiel et existentiel va au-delà et surpasse le corps !… Le philosophe André C.S. écrit « la pudeur n’est pas pudibonderie. L’exhibitionnisme n’est pas liberté ». On cache l’esprit, on dévoile le corps. Alors que la devise juste est : découvrir l’esprit, cacher le corps. Certains courants ont imposé un type d’habillement à leur adhérent ; rien de plus absurde, me semble-t-il. C’est par les idées (l’étude) qu’on véhicule un ‘’mode’’ de pensée et non pas par le tissu. Si pour certains le slogan est : Tu veux savoir qui je suis ? Ôte-moi la chemise ! Pour l’être pensant le corps est une enveloppe qui cache encore QUI tu es.
Si certains voient dans la pudeur vestimentaire imposée par la Tora aux femmes de façon si stricte (puisque la pudeur englobe tout le corps de la femme : de la tête aux pieds) un moyen de les emprisonner, de les étouffer, de leur enlever toute leur liberté, ils se trompent. « Que des jeunes filles se soumettent à ce point au diktat de la mode et aux désirs des hommes, j’ai du mal à y voir une victoire de l’émancipation féminine », écrit encore André C.S.. Personnellement je dirais même plus, je vois une défaite, un échec à l’émancipation féminine. Se découvrir physiquement c’est afficher clairement qu’on n’est rien d’autre qu’un corps, donc un objet. Rien de plus digne pour une femme que de couvrir son corps, ainsi elle rappelle aux hommes qu’elle trouve valeur autrement que par son corps, que son corps n’est pas le baromètre de ce qu’elle vaut. C’est ce que j’appelle : se couvrir pour mieux se découvrir !
Selon ce discours je ne traduis plus tsénioute par pudeur mais plutôt par dignité !!! Comme dit le Pélé Yoêts « la vertu de la tsénioute distingue l’homme de l’animal ».
Rappelons l’idée éclairante du Maharal à propos de la tsénioute, il écrit (Nétiv Hatsénioute chapitre 1) : « comprendre que le monde a un sens caché, et qui revient à l’homme, autant que se peut, de ‘’découvrir’’ ce qui est voilé, c’est ce qu’on appelle la h’oh’ma (sagesse) pénétrer les choses dans leur intimité, dans leur intériorité et dans leur intégralité… ». Chlomo Hameleh’ a dit (Michlei 11-2) « véet tsénouim h’oh’ma », la sagesse se trouve chez les êtres pudiques. Rav Wolbe zal rappelle donc « Israël n’existe que par la notion de tsénioute », cette notion qui rappelle que notre existence est bien plus réelle
dans son intériorité que dans son extériorité. En réalité le Maharal explique par cette idée la gravité de la médisance qui se veut être le mode de dévoilement de l’autre à son insu. Médire c’est violer.
Cela veut dire, et il est majeur de le rappeler, que la tsénioute ne s’arrête pas à l’habit, elle renferme tout un mode de vie et de comportement qui se veut être celui d’une vie pleine de profondeur. On pourrait y intégrer encore d’autres notions comme le ayin hara (mauvais œil) – cet œil qui déshabille l’autre. C’est pour cela d’ailleurs que le ayin hara n’a pas d’effet sur celui qui n’en tient pas compte, ne pas en tenir compte veut dire que j’ai compris que je n’existe pas par mon extérieur mais plutôt par mon intérieur, cet intérieur qui ne peut être atteint par l’autre.
Dés lors on comprendra mieux pourquoi la tsénioute existe même lorsqu’on se retrouve seul chez soi, comme le stipule le Choulh’an Arouh’ (O’’H 2-1). La tsénioute ne se limite pas à ce que je ne dois pas montrer à l’autre, elle inclut également le rapport que j’ai envers moi-même : je ne me résume pas qu’à mon corps… Elle concerne le rapport que j’ai avec ce que le monde cache et renferme c’est-à-dire Hakadoch Barouh’ Hou !
Les lois de la tsénioute sont nombreuses, il existe deux notions : celles prescrites par la Tora appelées ‘’dat moché’’, et celles recommandées par les Sages appelées ‘’dat yéhoudite’’. Le Choulh’an Arouh’ (E’’A 115-4) stipule que l’homme a le droit de répudier sa femme si elle refuse de pratiquer les lois de la tsénioute… On pourra se référer aux ouvrages Halih’ot Bat Israël du Rav I.Y. Fuks et Otsar Dinim de Rav I. Yossef pour plus de détails en matière de halah’a.
Notons également que si la femme ne respecte pas correctement les lois de la tsénioute il incombera à l’homme d’en détourner son regard comme le précise le talmud au traité Avoda Zara 20b. La pudeur inclut donc deux notions : montrer et voir.
Le Midrach Bamidbar Raba écrit « la femme tsénioute est digne d’épouser un cohen gadol et d’avoir des enfants cohanim guédolim »… La tsénioute de la femme se ressent dans le couple et se transmet aux enfants. C’est donc la clé du bonheur conjugal – chalom baït et la clé de la réussite de l’éducation des enfants !