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De la Colère

Rav Imanouël Mergui

La colère est un sujet qui touche tout le monde et tous les domaines de la vie. Nous
essaierons, à travers les enseignements de nos Maîtres dans le Talmud, d’étudier ce sujet pour le
travailler et le corriger. Les coléreux trouveront, je l’espère, des éléments de travail pour améliorer
leur nature et par conséquent leur rapport avec les autres mais également leur rapport avec euxmêmes ! Et oui, parce que si la colère est une nuisance pour ceux qui sont autour de celui qui
l’exprime, elle est en vérité et avant tout une maladie pour celui qui est colérique. Parce que si le
coléreux se sent soulager après s’être exprimé comme un sauvage, il voit bien qu’il éloigne tout le
monde de son entourage, et dans son for intérieur il aimerait voir sa colère disparaître. Comme dit
mon Grand Maître Rav Wolbe ztsoukal « le coléreux n’a d’autre bénéfice que sa propre colère », il
n’obtient rien par sa colère.
S’il y a bien une chose qui irrite le coléreux c’est : l’autre ! Attention je ne dis en aucun cas
que l’autre est la cause de ma colère, mais lorsque le coléreux est mal compris ceci l’irrite
davantage, il reste toutefois l’unique coupable dans la colère, bien évidemment. Mais l’autre a
également un exercice à réaliser face au coléreux ; c’est d’ailleurs le premier enseignement
talmudique quant au sujet de la colère. Au traité Bérah’ot 7a le Talmud nous enseigne « Rabi
Yoh’anan enseigne au nom de Rabi Yossi qu’il ne faut pas essayer de calmer autui lorsqu’il est en
colère ; nous tirons cet enseignement des propos échangés entre D’IEU et Moché suite à la faute
du veau d’or commise par les Enfants d’Israël. Moché implore D’IEU, mais D’IEU lui dit : attends
que ma colère s’apaise et je reviendrais vers toi ! ». Le Kessef Michné rappelle que cet
enseignement est également cité dans Pirké Avot 4-18, voir également notre Maître le Gaon Rav
Ovadya Yossef qui cite de nombreuses sources à cet enseignement.
Rambam dans ses Hilh’ot Déote 5-7 écrit « le sage (plus exactement : le talmid h’ah’am) ne
parle seulement s’il évalue que ses paroles seront entendues ! Comment ? Il n’apaise pas son ami
lorsqu’il est en colère ! ». Laisser l’autre dans sa colère, c’est tout simplement parce que tout ce
qu’on lui dira n’aura aucun effet, on ne sera pas entendu. L’effet de la colère obstrue la faculté
réceptrice de l’homme. On ne parle pas à quelqu’un qui n’entend pas. Comme le rappelle Rav Lau
(Yah’el Israël), lorsque l’homme est en colère il perd sa raison, il n’est plus en mesure d’entendre
des propos raisonnables. C’est-à-dire que l’émotif a pris le dessus et annihile l’esprit. Le Hagaot
Maïmoniyote (5) rapporte la guémara dans Yébamot 65b qui tire cet enseignement d’un verset
annonçant le proverbe suivant « ne réprimande pas le moqueur ». C’est une idée de plus qui
s’inscrit là : le coléreux est comparé au moqueur, je vois l’idée suivante : lorsqu’on réprimande un
moqueur non seulement tout ce qu’on dit est stérile mais pire encore tout ce qu’on dit ne fait que le
conforter dans sa moquerie et amplifie sa moquerie, et pire encore les choses se retournent contre
ceux qui essaient de réprimander le moqueur. Ces même phénomènes se trouvent chez le sujet en
colère ; effectivement, non seulement ce qu’on lui dit reste sans intérêt, pire encore il s’énerve
davantage et fatalement tout ce qu’on lui dit se retourne contre nous ! Il ira parfois même jusqu’à
voir en celui qui s’efforce à le calmer la source de sa colère, il se positionne en victime et accuse son
‘’calmant’’ d’ ‘’excitant’’ ! Essayer d’apaiser le sujet en colère c’est, selon le Midrach Chmouël,
enfreindre la règle « tu ne mettras pas d’obstacle devant l’aveugle ». Si le coléreux est dans l’erreur
on n’a pas le droit d’accroître son erreur. Rav Hirch dans son commentaire sur Avot précise : il est
évident que celui qui veut calmer le sujet en colère a une bonne intention, toutefois au nom de la
bonne intention on n’a pas tous les droits, il faut savoir trouver le bon moment pour mette en
œuvre les bonnes intentions qui nous animent. N’offre pas un cadeau à l’autre tant que tu ne t’es
pas fait pardonné tes erreurs, c’est également l’idée contenue dans cet enseignement, selon Rabi
H’ayim de Volosyn.
Au traité Pésah’im 66b les Maîtres nous enseignent : « Rech Lakich a dit : tout homme qui
se met en colère s’il est un h’ah’am (savant), sa sagesse le quitte – nous tirons cet enseignement de
Moché Rabénou ; s’il est un prophète, son pouvoir de prophétiser le quitte – nous tirons cet
enseignement du prophète Elicha. Rabi Mani bar Patich a dit : tout celui qui se met en colère perd
tout niveau même si dans le ciel on venait de lui fixer une grande promotion – nous tirons cet
enseignement de Eliav ».

Lorsque nous traitons de la colère nous avons tendance à percevoir ses méfaits par rapport
à ceux qui subissent l’expression colérique du coléreux. Ici les Maîtres nous livrent une idée majeure
quant à la colère : la colère est un méfait pour celui qui l’exprime, il est lui le premier à subir des
conséquences gravissimes de sa colère ; effectivement, il perd trois éléments majeurs 1) sa
sagesse, 2) sa prophétie, 3) son rang ! La colère qui est en soi un vice, l’état de colère est en soi
quelque chose de négatif, entraîne avec elle une série d’effets négatifs. La perte de ces trois choses
découle de la colère. C’est dire par conséquent que le savant, le prophète et l’homme du rang élevé
sont des êtres dont les vertus s’imposent, notamment et plus particulièrement la sérénité qui ne
laisse aucune place à la colère.
La sagesse disparaît dans les moments de colère ; on ne peut ‘’penser’’ correctement
lorsqu’on est emplit de colère. La sagesse ne se limite pas qu’aux qualités intellectuelles, elle
impose un comportement vertueux. Les vices et les vertus interagissent sur l’intellect. Le Ben Ich
H’aï dans son Ben Yéhoyadâ fait un constat intéressant : le coléreux a un visage crispé, austère, qui
sont des phénomènes opposés à celui qui parle avec sagesse. Le visage du sage rayonne. Au traité
Nédarim 22b le Talmud va encore plus loin en annonçant « Rav Yirméya de Difty dit : tout celui qui
se met en colère il oublie son étude et augmente la sottise ! », c’est-à-dire que si sa sagesse le
quitte il est de facto idiot.
La prophétie, qui est la parole de D’IEU adressée directement à l’homme, est bloquée par la
colère. Nous savons déjà que le coléreux se met à l’écart des autres hommes et les éloigne de lui,
ce phénomène est identique vis-à-vis de D’IEU, l’homme ne peut rentrer en connexion avec le divin
lorsqu’il est explosif. La relation avec D’IEU engage une sérénité de l’être totale et absolue. Nous
comprendrons de là que la Tora ne doit pas rende l’homme neveux. Il y a bien des gens qui,
malheureusement, vivent la Tora avec un stresse surprenant qui se traduit par une colère
désabusée. La relation avec D’IEU est incompatible avec les ‘’nerfs’’. L’idiot comprendra de mon
discours qu’il vaut mieux rester calme et ne pas faire la Tora plutôt que de faire la Tora et devenir
un gros nerveux. Le Sage comprendra de mon discours qu’il est préférable de faire la Tora dans le
calme… Calme avec soi-même. Calme avec sa femme. Calme avec ses enfants, parents, amis. En
réalité faire la Tora ‘’nerveusement’’ est un non-sens puisque la Tora est le seul et l’unique sentier
qui conduit l’homme au calme. Facile à dire – je vous l’accorde… On peut lire encore au traité
Pesah’im 113b : « D’IEU aime celui qui ne se met pas en colère ! ». La colère nous éloigne de D’IEU,
le calme nous vaut l’amour de D’IEU. La colère entraîne la haine. « Raba fils de Rav Houna dit : tout
celui qui se met en colère n’a aucune considération pour ce qui l’entoure, même pas la présence
divine ! » (Nédarim 22b).Dans sa colère l’homme ne distingue plus les éléments qui l’entourent et
leur valeur, il bafoue out et…même le divin !
Nul besoin, me semble-t-il de devoir expliquer pourquoi le coléreux descend de niveau.
Toute fonction familiale, sociale, communautaire etc. ne peut se jouer correctement et pleinement
au moment où on est dans la colère. Qu’est-ce qu’un homme peut attendre de sa femme (ou le
contraire), ou de ses enfants lorsqu’il est en colère. Pire son rôle, sa fonction, sont altérés, il perd
son statut et ne peut plus jouer le rôle qui lui est imparti. A fortiori un homme de fonction sociale et
communautaire il perd toute sa crédibilité et descend de rang, il est réduit à néant lorsqu’il se met
en colère.
En simple cet enseignement talmudique nous dit que celui qui se met en colère en subira
lui-même les méfaits qui se traduisent par trois points : 1) la perte de son état personnel, (« la vie
des coléreux n’est pas une vie » Pésah’im 113b, il ne se supporte pas lui-même) – perte de la
sagesse, 2) la perte de son rapport avec D’IEU – perte de la prophétie, 3) la perte de son rôle – le
rang social et communautaire. Il se perd, il perd son rapport avec D’IEU, il perd son rapport avec les
autres !!! IL PERD TOUT !
Le Maharal dans son Netiv Hakaâs chapitre 2 explique cet enseignement en ces termes : «
la sérénité est l’ordre, la colère est le désordre ». Le ‘’seder’’ – l’ordre, est une qualité de l’être
indispensable qui va prendre un sens particulier dans ces trois domaines. La sagesse et la prophétie
ne peuvent se trouver dans un espace désordonné, elles sont l’expression même de l’ordre. Le
guide ne peut exercer correctement sa fonction dans le désordre « puisque telle est la fonction
même du guide d’ordonner la société qu’il gère ».
« Rav Nah’man fils de Yitsh’ak dit : celui qui se met en colère c’est bien là une preuve que
ses fautes sont supérieures à ses mérites » – traité Nédarim 22b. La colère est l’expression d’un mal
être intime et profond. Certainement bien plus qu’un mal être, c’est même qu’il est en opposition
avec lui-même, il se décompose. Or la pire des oppositions de l’être c’est l’incohérence,
l’instabilité, la désharmonie ; celles-ci trouvent leur origine dans le combat bien/mal enfouit en
l’homme. Se mettre en colère c’est se reprocher des choses, plus que d’en reprocher aux autres. Se
mettre en colère c’est exprimer un décalage de soi, une non adhésion au bien.
Etudions une michna dans les Pirké Avot chapitre 5 michna 11 « quatre genres de
tempérament : facile à irriter et facile à calmer, son inconvénient est compensé par son avantage ;
difficile à irriter et difficile à calmer, son avantage est perdu par son inconvénient ; difficile à irriter
et facile à calmer, c’est un homme intègre ; facile à irriter et difficile à calmer, c’est un impie », il est
un impie parce qu’à cause de sa colère il est sujet et exposé à la faute, explique Rachi. La colère
conduit l’homme à commettre d’autres fautes, comme nous l’enseigne le Talmud au traité Chabat
105b « Rabi Chimon fils de Elazar dit au nom de H’ilfa fils de Igra qui a dit au nom de Rabi Yoh’anan
ben Nouri : une personne qui déchire ses vêtements ou brise des objets dans sa colère considère le
comme un idolâtre ; car, telle est l’attitude du yetser hara : aujourd’hui il dit à l’homme ‘’agis ainsi’’
jusqu’à ce qui le conduise à commettre l’idolâtrie, et l’homme va et commet la avoda zara. Rabi
Avin tire cet enseignement du verset des Psaumes 81 « il n’y aura pas ‘’en toi’’ un dieu étranger »,
quel est le dieu étranger qui se trouve ‘’en toi’’ ? C’est le yetser hara ! ». La colère est l’expression de
l’emprise du yetser hara sur l’homme, et lorsque le yetser hara emporte l’homme il peut le conduire
à adopter des comportements inverses à la raison et à la Tora. En réalité l’idolâtrie c’est le yetser
hara lui-même. Chaque fois que l’homme écoute son yetser hara, notamment lorsqu’il se met en
colère, c’est qu’il écoute une autre conscience que celle de D’IEU, c’est de la pure idolâtrie, c’est
cela même le culte étranger. Il n’y a aucune différence entre un curé et entre une personne qui se
met en colère… L’idolâtrie ne répond à aucune logique elle est la voie de l’impulsion, du désir, de la
non écoute au divin !
Le Rambam fait le constat suivant : « le h’assid (l’être vertueux) est celui qui de par sa
qualité de patience ne ressent aucune émotion pour ce qui est de la colère ». La qualité qui contre
la colère c’est la savlanoute – patience ; et, celle-ci se définie par la faculté de ne rien ressentir –
éhédère ahargacha – qui puisse mettre le sujet dans un état de colère. C’est faire part d’une
certaine indifférence quant aux évènements irritatifs. En simple il faut apprendre à se détacher des
situations qui nous énervent. Pourquoi s’emporter dés qu’un mot nous est dit de travers ? A quoi
bon s’énerver si ma femme/mon mari ne fait pas exactement ce que j’attends d’elle/de lui ?
Combien d’énergie et de temps nous perdons pour des ‘’chtouyotes’’ ??? Bien souvent les ‘’choses’’
qui nous irritent sont d’une telle mesquinerie, c’est impressionnant. Faites l’analyse après que vous
vous êtes apaisés de votre colère, de vous demander si votre réaction n’est-elle pas désabusée face
à ce qui vous a énervé, vous allez en rire… Le h’assid c’est celui qui ne s’arrête pas sur tout et
n’importe quoi. Oui, mais me diriez-vous, il y a parfois des choses graves auxquelles il convient de
s’énerver ? Je vous lance un défi : IL N’Y A RIEN QUI JUSTIFIE LES COLÈRES DÉSABUSÉES, la
colère ne connaît AUCUN MOTIF VALABLE. Rambam poursuit « celui qui est atteint de cette
bassesse appelée la colère est rachâ-mécréant ».
Rabénou Yona rappelle toutefois que la seule colère valable est celle exprimée à l’égard de
la profanation du nom divin !, tel Pinh’as qui ne se retint pas d’intervenir lorsque le prince d’Israël
de la tribu de Chimon montra l’exemple de la faute. Aujourd’hui lorsqu’on condamne et rappelle
‘’gentiment’’ qu’il y a des choses graves qui se passent et celles-ci au nom de la Tora, on est
automatiquement traité de ‘’fanatique’’ ou encore d’’’intolérant’’ ou pareille insulte. Il est certain
qu’on ne prêche pas le jet de cailloux, h’as véchalom, mais qu’on ‘’nous’’ muselle lorsqu’on veut
exprimer des erreurs commises ou tout simplement lorsqu’on veut corriger et porter secours à la
profanation du nom de D’IEU, c’est inadmissible. Il se passe des choses très graves (je retiens ma
colère de ne pas les citer…) autour de nous et personne ne tend l’oreille pour essayer de
comprendre qu’il faut agir pour vivre mieux et surtout de façon plus authentique et véridique notre
sainte et belle Tora. En cette veille de CHAVOUOT – le jour de la réception de notre sainte et belle
Tora, réfléchissons un tant soit peu de ce qu’est LA TORA !!! Fasse Hachem qu’on puisse recevoir
comme LUI le désire et pas comme cela nous intéresse. Tora à la carte ça n’existe pas…
Le Maharal écrit : « il y a des hommes durs de caractère – indifférents à ce qui se passe
autour d’eux – à cause de cela ils ne sont pas irritables mais ne s’apaisent pas également (ce sont
des gens qui vivent qu’à travers eux-mêmes, ils ne reçoivent aucune information de l’extérieur). Par
opposé il y a des gens qui sont fragiles ce qui les conduit à se mettre facilement en colère mais
également à vite s’apaiser (ce sont des gens extrêmement sensibles à ce qui se passe à l’extérieur
d’eux-mêmes). La nature va aux extrêmes, elle conduit l’homme à être très dur ou au contraire très
fragile. Par conséquent celui qui est difficilement irritable et s’apaise facilement, celui-ci ne suit pas
sa nature et est appelé h’assid, effectivement son comportement témoigne de son amour des
autres, il surmonte sa nature et s’apaise facilement ! », l’apaisement de la colère dépend de l’amour
qu’on ressent pour l’autre, et à contrario on pourrait dire que la colère témoigne du non amour
qu’on a pour l’autre. « De même celui qui ne s’emporte pas facilement ceci témoigne qu’il
surmonte sa nature première et, encore une fois, c’est parce qu’il aime les autres. Il est
certainement appelé h’assid (h’assid parce qu’il aime les autres et que cet amour le conduit à
surmonter la nature qui fait que l’homme s’emporte et ne s’apaise pas, lui au contraire ne s’énerve
pas facilement et s’apaise facilement. Comme explique le Sefat Emet il retient sa colère cela veut
dire qu’il a de quoi s’énerver mais il est plus fort que sa nature, il est le réel h’assid). Celui qui
s’énerve facilement et/ou ne s’apaise pas facilement témoigne de la haine qu’il a pour les autres, il
est donc un impie ». Le Maharal propose une deuxième explication pour expliquer pourquoi la
colère témoigne de l’impiété de la personne « au traité Nédarim 22b le Talmud rapporte
l’enseignement de Rav Nah’man qui dit que celui qui s’énerve ceci témoigne qu’il est dans une
situation où ses fautes sont supérieures à ses mérites. En voilà l’explication : la colère témoigne que
le sujet sort de l’équilibre, ce déséquilibre prouve et renvoie à un autre déséquilibre celui de la
supériorité des fautes chez le sujet. Celui qui ses mérites sont supérieures à ses fautes est appelé
tsadik et yachar, juste et droit, il est dans l’harmonie parfaite de l’être ». Le coléreux et stricte
envers les autres prouve 1) qu’il n’aime pas les autres, 2) qu’il est déséquilibré et fauteur, il est un
rachâ ! Celui qui se met difficilement en colère et ne tient pas rigueur aux autres et s’apaise
facilement cela prouve 1) qu’il aime les autres, 2) qu’il est équilibré, il est un h’assid !
Le Gaon de Vilna écrit « l’apaisé est h’assid parce que ceci découle du h’essed, le coléreux
est racha parce que dans sa colère il ne calcule rien de ce qui l’entoure même pas la présence divine
». Cette idée veut que l’apaisé calcule tout le monde D’IEU et les autres il est l’homme du h’essed –
il accepte tout le monde, il est ‘’tolérant’’. C’est quand même intéressant d’apprendre de ce
commentaire du Gaon que le h’essed qui se traduit par la bonté ne se limite pas à faire du bien
matériel ou physique envers l’autre, c’est tout un comportement de bonté qu’on doit avoir envers
autrui qui se traduit même par l’absence de colère, ça c’est du h’essed. Le coléreux ne calcule ni les
autres ni D’IEU – il est dans le rejet de tout, il est ‘’intolérant’’. La colère témoigne donc de la non
croyance en D’IEU.
Le Sefat Emet explique : le coléreux est rachâ parce qu’il est sot, comme le dit le roi
Chlomo dans Kohelet 7-9. Et quelle est sa sottise ? Voilà qu’en se mettant en colère il est comparé
à un idolâtre, au final il se fait plus de mal que ce que l’autre lui a fait !
Notre maître le Gaon Rav Ovadya Yossef chalita explique sur cette michna : si l’auteur de
la michna traite le coléreux de rachâ et l’apaisé de h’assid c’est bien une preuve que l’homme a les
moyens de se corriger ou au contraire d’être pourri, l’homme détient dans son libre arbitre le
pouvoir de se laisser aller à sa colère ou d’apprendre à vivre dans l’apaisement. Celui qui ne se met
jamais en colère D’IEU lui rallonge la vie comme en témoigne l’histoire de Rav Houna citée au traité
Roch Hachana 17a, et D’IEU écoute ses prières comme en témoigne l’histoire de Rabi Akiva
rapportée au traité Taânit 25b.
Avons-nous tout dit à propos de la colère ? Certainement pas ; la question doit être
formulée quelque peu différemment : avons-nous dit suffisamment de choses à propos de la colère
pour que nous cessions de nous mettre en colère ?! Poursuivons notre étude basée sur cette
michna des Pirké Avot chapitre 5 michna 11 riche en enseignement (certains des commentateurs
cités dans cette article sont tirés des Pirké Avot édition Oz Véhadar du Rav Yéhochouâ Leifer
chalita).
Selon le Mirkévèt Hamichné l’auteur de la michna enjoint le Rav, le maître à ne pas se
mettre en colère envers ses élèves, ce n’est pas par la colère que l’enseignement peut être
transmis, il faut beaucoup de calme envers les élèves (effectivement lorsque le maître est en colère
il n’a pas la patience d’expliquer l’enseignement et de le transmettre, de plus l’élève sera
hermétique à l’enseignement du Rav et il n’osera pas également à poser de questions pour mieux
apprendre), c’est bien là une règle d’or en matière d’enseignement.
Dans la formulation choisie par l’auteur de la Michna, le Bet Avot voit un conseil adressé à
celui qui s’irrite facilement et se calme difficilement, celui-ci devra avant tout apprendre à ne pas
s’énerver facilement et en deuxième exercice il apprendra à calmer ses nerfs. Il convient
d’apprendre à moins s’énerver avant d’apprendre à se calmer, effectivement et de toute façon celui
qui s’énerve moins et est moins irritable c’est qu’il a appris notamment à relativiser les torts
commis à son égard, il lui sera désormais plus facile à pardonner aux autres et à tenir moins de
rigueur. Le Méor Habanim suit cette idée et la ramène au choix des amis, doit-on préférer un ami
qui s’énerve difficilement et se calme difficilement ou celui qui s’énerve facilement et se calme
facilement ?
Le David Bamétsouda fait remarquer que notre michna ne vient pas nous rappeler
l’interdiction de se mettre en colère, effectivement, dit-il, celui qui se met en colère ne serait-ce
qu’une fois dans sa vie il encourra une sanction, preuve en est Moché Rabénou s’est mis en colère
une seule fois en cinquante ans et a commis une erreur (voir Pésah’im 66b) ; l’auteur de la michna
vient plutôt nous donner des conseils pour que socialement l’homme soit bien entouré et soit
agréablement accepté par son entourage. La colère, l’irritation d’un côté et l’apaisement, le calme
d’ l’autre côté sont des traits de caractère majeurs pour une bonne entente avec tous ceux qui nous
entourent : époux/épouse, parent/enfant, maître/élève, patron/employé, voisins etc., toutes les
cercles de la société en sont concernés. En vérité dès l’instant où on rentre en contact avec l’autre
va se développer un sentiment, quasi inconscient, d’apaisement ou d’irritation ‘’je ressens du
filling’’ ou au contraire ‘’celui-là je ne le supporte pas’’. Regardez combien la colère bousille les
couples, les familles. Et bien souvent on s’énerve pourquoi ? Celui qui est facilement irritable c’est
celui s’énerve POUR RIEN !!! Oui, je dis bien pour rien… Je ne citerais pas d’exemple, analysez par
vous-même les raisons de vos irritations, vous vous rendrez compte tout seul que ce qui vous a
irrité ne valait pas une telle colère. Et oui, la colère exprimée est surdimensionnée par rapport à la
chose qui nous a énervée. Je lance un défi : pour quel motif valable s’est-on déjà mis en colère ?
Citez-m’en un seul ! D’ailleurs existe-t-il un motif approuvable pour qu’on s’énerve ?
Le Méorot Ech : s’interroge pourquoi l’auteur de la michna s’exprime ‘’il y a quatre genres
de tempérament dans les esprits – bédéôte’’, pourquoi ne dit-il pas plutôt ‘’il y a quatre genre chez
les hommes – baadam’’ ? Il répond : celui qui se met en colère n’est plus un Homme ! Il est vrai
qu’une personne en colère est un monstre, il perd non seulement son tempérament humain mais
même physiquement son visage et tout son corps se transforment, il n’a plus l’apparence humaine.
Selon le Bet Avot l’auteur de la michna a choisi le terme ‘’esprit’’ pour nous indiquer que la colère
est un vice non seulement lorsqu’on l’exprime vers l’extérieur mais même lorsqu’on le ressent à
l’intérieur de nous-même. En réalité dans le cœur on ne doit ressentir aucune colère envers autrui.
On ne doit même pas avoir envie de se mettre en colère.
Le Réchit H’oh’ma et le Orh’ot Tsadikim écrivent : envers les impies on doit être
‘’difficilement apaisant’’, on ne doit faire aucune concession avec les réchaîm, celui qui s’apaise
envers les mécréants c’est qu’il approuve leur vil comportement. A fortiori celui qui s’énerve envers
les maîtres de la Tora et ne s’énerve pas envers les impies, ou qu’il s’apaise facilement avec les
mécréants et difficilement avec les justes, il est lui-même un mauvais ! Cela veut dire qu’il y a des
‘’gens’’ dont il convient de se mettre en colère envers eux, ou plus exactement envers leurs faits
désapprouvés. Effectivement comment peut-on accepter que des ‘’gens incorrects’’ agissent mal,
surtout lorsque le mal qui font implique toute la communauté. Que l’idiot saute par la fenêtre et se
fait du mal à lui-même et refuse qu’on l’en empêche, il est lui-même responsable de ses gestes, par
contre lorsque l’idiot entraîne les autres avec lui et non seulement il refuse qu’on l’en empêche
mais également qu’on refuse soi-même de le suivre c’est le summum de sa bêtise, il est intolérant.
Bien souvent d’ailleurs la colère est ressentie lorsqu’on voit que l’autre ne nous suit pas, comme si
l’on détenait une science vraie et infaillible. De quel droit peut-on attendre voire imposer aux
autres qu’ils agréent et approuvent nos décisions, nos choix, nos valeurs etc. On ne peut rester
insensible au mal commis par les impies, ne rien dire et se taire face aux erreurs des mécréants
c’est en quelque sorte valider leurs bêtises ! On se doit de dénoncer les gravités commises par les
fauteurs, non pas une dénonciation gratuite, mais tout d’abord par amour de D’IEU et aussi pour
ôter l’obstacle devant les non avisés et les fragiles. Les exemples ne manquent pas dans la Tora
pour nous rappeler que face au fauteur il faut réagir pour ne pas que leurs agissements ravagent la
communauté, l’exemple connu et plein d’enseignements est celui de Pinh’as qui intervient avec
force et ambition lorsque la débauche s’installe à l’intérieur du peuple d’Israël, celle-ci validée par
un chef de la tribu de Chimon. Cette attitude est délicate, elle n’est pas donnée à tout le monde et
ce n’est pas dans tous les cas qu’on doit réagir durement face aux fauteurs, je ne parle ici de façon
concrète comment faut-il réagir, c’est une question extrêmement délicate. Mais, entre
l’extrémisme des uns et le laxisme des autres il y a un juste milieu. Qui ne dit mot consent, mais qui
en dit trop est largement critiqué. Les prophètes de tous temps réprimandaient Israël et
condamnaient leur égarement. On ne peut pas rester insensible au mal commis par les erreurs des
uns et des autres. Néanmoins la question reste entière : comment dire ?! Le H’afets H’aïm qui a
marqué le peuple d’Israël par son ouvrage fabuleux sur les lois du Lachon Hara (médisance) écrit
clairement qu’on a le devoir de dénoncer les fauteurs pour s’en préserver !!!…
Le Pirké Moché rappelle que la colère est liée à la jalousie et à toutes les pulsions. On peut
facilement remarquer que la frustration liée au désir non assouvie conduit le sujet à la colère. La
colère qui est parfois l’origine des vices peut être également le produit d’autres vices.
Rav Lau chalita dans son Yah’el Israël commente : la colère est un vice qu’on doit travailler
depuis sa tendre enfance. Un enfant coléreux est un enfant qui a vu ses parents réagir avec
irritation lorsqu’ils n’obtiennent pas ce qu’ils désirent. Le Rambam écrit : de sa nature l’homme
n’est ni vertueux ni vicieux, les vices et les vertus sont l’héritage de notre entourage. Comment
travailler la colère ? Rav Lau poursuit, le roi Chlomo a dit dans Kohelet 7-9 « ne t’emballe pas à
t’emporter avec irritation car la colère est le comportement des sots » ; cela veut dire que la colère
est le produit de la bêtise de l’homme, effectivement celui qui réagit avec raison saura être patient
dans la vie. Les bons et mauvais comportements de l’homme dépendent de sa raison et de sa
faculté de réfléchir. On pourrait dire d’après cela que la colère est le baromètre de notre
intelligence ! Si la colère dépend de la réflexion c’est qu’elle ne s’impose pas et qu’elle est belle et
bien maîtrisable en soi.
Pour clôturer cet article sur la colère je rappellerais deux textes majeurs que nous ont livrés
les grands maîtres de la Tora. Avant tout je dirais que l’enjeu de ces propos doit être pris pour soimême, ‘’travailler sur soi’’ est le vrai message de tous mes articles ; il est plus facile de voir que
l’autre est un coléreux plutôt que de le constater sur soi-même. On est persuadé d’avoir une bonne
raison de s’énerver mais on est également persuadé que l’autre est un idiot quand il s’emporte…
Le Rambam dans le 2ème chapitre de ses Hilh’ot Déote écrit : « comment remédie-t-on
aux maladies de l’être ? Au coléreux on conseillera d’être indifférent au coup ou à la malédiction
qu’untel lui aurait envoyé, qu’il suive ce comportement très longtemps jusqu’à que la colère se
déracine de son cœur… La colère est un très mauvais vice, il convient à l’homme de s’en éloigner à
l’extrême, il apprendra à ne pas se mettre en colère même sur des choses qu’il aurait convenu de se
mettre en colère… Lorsqu’il doit se mettre en colère sur ses enfants ou sur ses élèves il montrera un
visage irrité mais restera en son for intérieur très posé… Il ne devra ressentir aucune colère même
sur des évènements irritables… Tel est le bon chemin ». Voilà on ne peut être plus clair !
Le Ramban écrit dans sa Igueret « comporte toi tout le temps à parler tous tes propos avec
calme, à tout homme et ainsi tu seras préserver de la colère »…

Nous avons vu jusque-là la gravité de se mettre en colère. Je voudrais proposer des conseils
et exercices pratiques pour remédier à cette grave maladie.
Le Saba de Kelm ztsal propose plusieurs exercices de travail, j’en citerai deux :
1) il y a en l’homme une énergie d’entraîner le cœur vers les propos qu’il tient,
l’homme va jusqu’à s’imaginer que ce qu’il dit c’est ce qu’il pense vraiment (or la
chose n’est pas ainsi puisque nous disons parfois des choses sans les penser). Il
est un conseil extraordinaire pour l’homme que de se taire lorsqu’il est en colère
(au moment de la colère le silence est d’or), et ce afin qu’il ne se trompe pas de
croire que ce qu’il dira c’est ce qu’il pense véritablement (dans la colère on dit
des choses graves, et on se persuade, et on se ment, que c’est ce qu’on pense au
plus profond de notre cœur). Dans son Orh’ot H’aïm le Roch préconise ‘’tais-toi
de peur que ton cœur ne s’enflamme’’. Caïn n’aurait jamais tué son frère s’il
avait suivi ce conseil. C’est ce que nous enseigne le Talmud H’olin 89a ‘’le
monde repose sur qui ferme sa bouche lors d’une discorde’’ (- ce qui veut dire
selon le Mésilat Yécharim chapitre 11 : lorsque tu es déjà dans la dispute qui t’a
entraînée à la colère, sois fort et tais-toi. Dans le Sefer H’assidim 83 et 655 on
peut lire : lorsque tu es en colère laisse la nuit passée, contiens toi afin de ne rien
prononcer dans ton irritation).
2) Imagine toi que tu es l’autre et que l’autre est toi-même ! Est-ce que j’aurais
aimé que l’autre s’énerve contre moi comme moi je me suis énervé contre lui ?!
Mais voilà le problème est là on s’autorise une marge de réaction qu’on
n’autorise pas à l’autre. On réclame la clémence pour soi et la justice pour
l’autre. On est tolérant envers soi-même et strict envers les autres. ‘’J’adore’’ les
gens qui parlent de tolérance, d’ouverture etc., j’ai constaté que ces gens sont
les plus intolérants puisqu’eux-mêmes sont hermétiques aux autres…
Pour Rabi Yérouh’am Leibovitz ztsal (Daât Tora Chémot page 298) le conseil à donner au
coléreux est de lui rappeler que la colère n’est pas optionnelle, il convient de saisir que de se mettre
en colère est une interdiction très grave, ce n’est pas qu’une histoire de piété ! La colère fait partie
des vices les plus graves. Si on se met en colère c’est qu’on n’a pas saisi sa gravité, et que l’on prend
le problème à la légère. Au nom de Rabi Israël Salanter zal, il rappelle que ce n’est uniquement
dans certains cas précis et définis par le Talmud (voir traité baba Métsiâ début du chapitre
Hasoh’ère) qu’on a le droit d’avoir des réclamations sur autrui, sinon on doit accepter l’autre
pleinement comme il est ! Et, se rappeler que la colère n’a pas de place licite dans la vie de
l’homme. Celui qui a saisi que la colère est une maladie (tel le sida ou le cancer) alors il s’efforcera
certainement de se contenir.
Il est évident qu’il faille effectuer un très gros travail de fond sur soi pour remédier à la
colère. Mon grand Maître Rav Chlomo Wolbe ztsoukal propose ce travail qu’on peut trouver dans
son Alé Chour volume 2 – étudiez le, votre vie et celle de votre entourage changera
considérablement (vous trouverez sur notre site www.cejnice.com des cours vidéo basés sur les
enseignements du Rav ztsoukal).
Avant de clôturer cette étude sur la colère je rappellerais deux points :
1) Il est impératif de prier, et oui la téfila ce n’est pas que pour les malades ou les morts!
Certains maîtres priaient ‘’qu’il soit ta volonté, D’IEU, que je ne te mette pas en colère et que je ne
me mette pas en colère…
2) Trouvez votre solution elle sera la meilleure…