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De la grâce 

Rav Imanouël Mergui

S’il y a bien une chose que tous les êtres humains recherchent, consciemment ou même inconsciemment et espèrent trouver est bien la grâce – ceci dans son sens le plus large mais certainement plus particulièrement dans le sens d’attrait et de charme. C’est une reconnaissance pour ce que nous sommes et également une espérance pour obtenir de l’autre ce que nous attendons de lui. La Tora nomme la grâce par le « h’ène – חן ». Les sources qui en traitent sont très nombreuses. La nécessité du h’ène est telle que dès le matin dans les premières bénédictions, appelées ‘’birkot hachah’ar’’ nous prions pour ce h’ène, effectivement nous disons « vétinénéni léh’ène etc. béênéh’a oubéêné kol roaï » c’est à dire « place moi en grâce à tes yeux et aux yeux de tous ceux qui me voient ». De cette bénédiction nous apprenons deux points. 1) La grâce se situe au niveau du visuel – que ceux qui me voient me trouvent gracieux ! 2) Nous prions pour trouver grâce même aux yeux de l’Eternel ! Nous retrouvons la bénédiction de la grâce dans la première bénédiction récitée après avoir consommé un repas de pain, nous disons « hazan otanou etc. béh’ène etc. » c’est-à-dire « D’IEU nous nourrit avec grâce ». Ces prières trouvent leur source dans le terme « vih’ounéka » cité dans la bénédiction des cohanim (voir Bémidbar 6-25) que Rachi traduit par : c’est une bénédiction pour que D’IEU te donne du h’ène ! La grâce dans ces textes ne reflète pas la bonté divine ou encore la miséricorde mais bien le charme et l’attrait ! C’est ce que renferme le terme h’ène en hébreu. Nous ressentons bien le besoin voire la nécessité de trouver grâce à la vue des autres, tout autre soit-il. Certes et bien évidemment il y a des domaines ou la grâce est plus que nécessaire puisque vitale par exemple entre conjoints dans le couple…  

Ce h’ène si attendu et espéré n’est pas une chose qui dépend uniquement de notre humeur ou de celle de notre entourage, il n’est pas qu’un instinct ; d’ailleurs nous ignorons pourquoi parfois on est gracieux et parfois nous ne le sommes pas – certains appelleront ça le fruit du hasard ou de la chance ou pareille sottise…

Le commentaire du Netsiv sur le terme « vih’ounéka » – qu’IL te donne la grâce, va nous permettre de voir la grâce sous un nouvel aspect ; il écrit : « la grâce que l’homme obtiendra de la part de D’IEU est l’acceptation de sa prière et de ses requêtes présentées devant D’IEU. Tu trouveras grâce aux yeux de l’Eternel à tel point que ta prière en faveur des autres sera également écoutée ». Je vois ici que la grâce que nous espérons tant se traduit par le fait que D’IEU écoute, accepte et exauce les prières de l’homme, la grâce se traduit donc par une complicité intime entre l’homme et D’IEU. La proximité franche et sincère, ‘’sans calcul’’, dont l’homme bénéficie de la part de son créateur c’est cela le h’ène. Toutefois le Netsiv intègre dans ce h’ène : l’autre. Si je suis tellement proche de D’IEU je dois également en faire bénéficier les autres. La grâce est donc quelque chose qui se partage avec l’autre. En simple on veut trouver grâce aux yeux des autres pour profiter d’eux mais on n’est pas obligatoirement intéressé à ce que les autres trouvent grâce à nos yeux pour les combler. Or la grâce a un effet boomerang ! Pour ne citer qu’un exemple : l’époux attend (et exige) de sa femme une grâce princière mais à son tour il n’est pas prêt de se comporter vis-à-vis d’elle comme un prince charmant. On attend un résultat accueillant de la part de nos enfants mais eux ne bénéficient pas obligatoirement d’un retour digne de conséquence de la part des parents. Or la grâce a un effet boomerang : si j’attends de trouver grâce à tes yeux je dois être à même de te témoigner le même effet, tu trouveras grâce à mes yeux. Mais en réalité, si nous pensons l’idée un peu plus loin, nous verrons que si je ne trouve pas grâce aux yeux des autres ce n’est ni plus ni moins parce qu’eux ne trouvent pas grâce à mes yeux !!! Je ne peux pas exiger un sourire de l’autre si moi-même je ne sais pas luis sourire, et s’il ne me sourit pas c’est parce que moi je ne lui souris pas ! C’est ce que dit le Netsiv : D’IEU écoute mes prières pour moi-même et pour les autres ; le gracieux prie pour lui, a en mémoire qu’il faut prier pour les autres et s’assure de la réponse à sa prière pour lui-même et à sa prière en faveur des autres.