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ENSEIGNER LA TORA AU NON JUIF

Rav Moché Klein « Michnat Haguer » siman 15
traduit et adapté par Rav Imanouël Mergui

Au traité H’aguiga 13a Rabi Ami enseigne qu’on ne livre pas les paroles de Tora au
non juif. Cet interdit s’impose également sur le non juif à qui il lui est impossible d’étudier la
Tora comme l’enseigne Rabi Yoh’anan au traité Sanhédrin 59a et le condamne même de
peine de mort ! Il y a donc deux interdits l’un interdisant au juif d’enseigner au non juif et
l’autre qui interdit au non juif lui-même de se pencher vers l’étude de la Tora. D’après cela
les décisionnaires s’interrogent de savoir comment enseigne-t-on la Tora au non juif qui
vient se convertir ? Le Maharcha et le Méiri expliquent qu’on peut enseigner la Tora au non
juif et lui montrait que la Tora est vraie peut-être qu’à travers cela il va se convertir. Cela dit
on peut enseigner la Tora au non juif même si au départ il n’a pas le projet de se convertir,
peut-être qu’à travers ce qu’on lui apprend il choisira de se convertir ! Tel n’est pas l’opinion
de Rabi Akiva Eiguer qui pense qu’on peut enseigner la Tora au non juif seulement s’il a déjà
décidé de se convertir, à ce stade lui enseigner la Tora s’inscrit dans le processus de sa
conversion.
Selon le Touré Even l’interdiction d’enseigner la Tora au non juif est midérabanan
(par commandement rabbinique) ; il tire sa preuve de l’anecdote rapportée au traité Avoda
Zara 44b qui raconte qu’un idolâtre du nom de Fruklus fils de Flusflus rencontra Raban
Gamliel à Ako et lui soumit des questions sur la Tora et le Maître lui répondit, c’est que ,
déduit le Touré Even, l’interdiction d’enseigner la Tora au non juif n’est que médérabanan et
dans des cas de darké chalom (pour rester en paix avec les non juifs) on peut (dans certaines
conditions !) passer outre, ce qui n’est pas le cas si c’était un interdit de la Tora. Le Séfat
Emet dit qu’on peut répondre aux questions que nous soumettent les non juifs sur notre
pratique de la Tora, pour ne pas qu’ils croient que nous transgressons la Tora. D’après cela il
n’y a plus de preuve de ce que Raban Gamliel répondit à Fruklus. Au traité Mahchirin 2-7 et
selon le commentaire du Rach si nous avons un doute sur une personne quant à savoir si elle
est juive ou non on ne peut pas lui enseigner la Tora. Ceci est difficile à comprendre d’après
le Touré Even qui pense qu’enseigner la Tora au non juif n’est que midérabanan puisque
nous avons une règle qui veut que face à un doute midérabanan on va vers la permission ?!
Le Chilté Hagiborim (fin traité Avoda Zara) rappore l’opinion du Riaz qui veut que
l’interdiction d’enseigner la Tora au non juif ne concerne seulement le contenu des cinq
livres de la Tora avec son sens profond, par contre on pourra lui enseigner les paroles des
prophètes pour qu’il voit la consolation d’Israël.
On peut s’interroger selon cette thèse si la permission ne concerne seulement les
textes consolateurs ou si l’interdiction ne concerne seulement les textes de la Tora – la
différence serait les textes des prophéties qui ne parlent pas de la consolation d’Israël.
On peut encore s’interroger pourquoi les passages de la Tora qui sont des textes de
consolation sont interdits à lui enseigner ? Il faudra dire, peut-être, que l’essentiel de la Tora
n’est pas synonyme de consolation d’Israël.
Le Rav Yéhouda Assad dans son Choute Yéhouda Yaâlé s’interroge de savoir si on a le
droit de traduire le Talmud en langues étrangères du fait que ceci peut conduire les non juifs
à avoir accès et se serait ‘’lifné iver’’ c’est-à-dire mettre à disposition d’autrui le moyen de
fauter ?
Son fils développe l’idée que l’interdiction d’enseigner la Tora au non juif ne
concerne seulement la Tora orale qui se transmet de maître à élève, cependant la Tora écrite
qui est présente à tous on peut la lui enseigner. Son opinion est appuyée par Rabénou
Guerchom dans Baba Batra 21b qui écrit clairement qu’on peut enseigner la Tora écrite à
des enfants non juifs.
Au traité Sota 35b et Rachi le Talmud décrit la structure de la Tora et affirme que les
Enfants d’Israël avaient écrit la Tora en soixante dix langues pour que les peuples puissent
l’étudier ! Cette disposition de la Tora aux nations c’est pour les empêcher de prétexter
qu’elles n’avaient pas connaissance de la Tora. Le Maharats H’ayout s’étonne de cette
description puisque nous avons une interdiction de mettre la Tora à disposition des non
juifs ? Nous voyons de là, dit-il, que cette interdiction ne concerne seulement la Tora orale et
non la Tora écrite. Et, explique-t-il, toute l’interdiction d’enseigner la Tora au non juif c’est
afin qu’il ne se fasse pas passer pour un juif comme explique le Yérouchalmi Péa II, or cette
raison ne s’applique qu’à la Tora orale qui n’est pas écrite à la base par contre la Tora écrite
est disponible à tous.
Le Taz (O’’H 47,1) explique la version (achkénaz) de la bénédiction récitée tous les
matins de la Tora ‘’laâsok bédivré tora’’, le terme ‘’essek’’ sous entend une étude
approfondie plus qu’une étude superficielle ou pour acquérir des connaissances. D’après
cela le Rav Assad reprend le terme du Talmud qui interdit au non juif d’être ‘’ossek’’ dans la
Tora c’est-à-dire de s’investir de façon approfondie dans cette étude – cette étude
approfondie n’est autre que la Tora orale, par conséquent la Tora écrite leur est permise.
Selon ce développement, de l’histoire d’Hilel qui enseignait la Tora écrite aux non
juifs on ne peut déduire aucune permission d’enseigner la Tora orale aux non juifs, et la
déduction faite par le Maharcha est caduque.
Le Beer Chéva pense qu’on peut enseigner la Tora au non juif sans trop rentrer dans
les raisons profondes de la halah’a. Le Rambam écrit qu’on peut enseigner le procédé des
sacrifices au non juif. Le Tiféret Israêl (Zévah’im 14-4) s’interroge puisqu’il est interdit
d’enseigner la Tora au non juif ? Il faudra dire, répond-il, qu’on peut enseigner la Tora au
non juif sans rentrer dans les raisons et développements de la halah’a – nous savons déjà
que de citer une halah’a sans en donner les raisons ne porte pas le statut d’étude de la Tora
(voir O’’H 47) !
Au traité Sanhédrin 59a le Talmud propose deux explications pour expliquer
l’interdiction d’enseigner la Tora au non juif : 1) ceci est considéré comme du vol (le Yaâvets
s’étonne sur cette raison du fait que la notion de vol dans la Tora veut qu’on prenne un objet
d’autrui et qu’on le prive de cette chose prise ce qui n’est apparemment pas le cas lorsqu’un
non juif vient étudier la Tora ?), 2) ceci est considéré comme un viol ! Le Mahari Assad
explique : la différence entre ces deux raisons est lorsque le non juif paie pour apprendre la
Tora ; selon la raison qui veut que c’est un vol auquel cas il paie ce n’est plus un vol, par
contre selon la raison qui veut que ça soit considéré comme un viol, le fait de payer ne lui
autorise en rien de violer la Tora. Le Sefat Emet s’oppose à cette idée puisque dit-il, la Tora
n’est pas la propriété d’un seul juif alors même si le non juif paierait un juif il léserait tous les
autres !
Rambam dans ses Téchouvot écrit qu’il est permis d’enseigner la Tora au non juif
pour le rapprocher de la foi en D’IEU. Par conséquent si le non juif ne se rapproche pas de la
foi il sera interdit de lui enseigner la Tora. Le Radbaz (chou’’te 796) dit donc qu’il est interdit
d’enseigner la Tora aux karaïtes qui n’ont d’autre but que de se moquer de la Tora en tout
ces ils n’ont pas l’objectif de revenir à la raison. Cette opinion est basée sur l’enseignement
talmudique cité au traité H’olin 133a qui condamne sévèrement l’enseignement de la Tora à
un élève ‘’incorrecte’’ – voir Rambam Talmoud Tora 4-1 et Choulh’an Arouh’ Y’’D 246-17
(ndlr : la gravité d’enseigner la Tora à des non juifs qui ont nullement l’intention de respecter
correctement la Tora découle de ce texte également).
Il y a une discussion entre Tossfot et Rambam s’il est autorisé au non juif d’étudier la
Tora comme une science ou non (voir Rambam Mélah’im 10-9 et Tossfot baba Kama 38a).
Concernant tout ce débat de savoir s’il est autorisé d’enseigner la Tora au non juif il
est intéressant de noter que le Beer Chéva et le Séfat Emet sont d’avis que la halah’a ne suit
pas l’opinion de Rabi Ami et, selon leur raisonnement, il n’y a aucune interdiction
d’enseigner la Tora au non juif !