Rav Imanouël Mergui
Au traité Souca 42a le Talmud nous enseigne « lorsque le fils sait brandir le loulav, il sera tenu par l’obligation de la mitsva du loulav. Rachi précise : cette obligation incombe sur le père, c’est-à-dire qu’il a le devoir d’éduquer son enfant à cette mitsva ; cette obligation qui s’impose au père est d’ordre rabbinique. Dès que le fils sait s’envelopper d’un talit il sera tenu de le porter. Dès que le fils sait garder les téfiline, le père lui achètera une paire. Rachi explique : lorsque le garçon comprendra qu’il ne faut pas entrer aux toilettes avec les téfilin c’est qu’il est en mesure de les porter(c’est-à-dire lorsqu’il aura saisi qu’avec les téfiline on doit se comporter dignement). Lorsque l’enfant sait parler son père lui apprendra le verset ‘’tora tsiva lanou moché moracha kéhilate yaâkov’’ et le verset ‘’chémâ israël achem élokénou achem éh’ad’’ ». Le Talmud poursuit sur des lois de pureté et d’impureté et conclut ainsi « lorsque l’enfant est en âge de manger trente grammes de céréales, il faudra s’éloigner de ses déchets naturels au moment où on veut réciter des prières et des bénédictions ».
C’est un des passages talmudiques fondamentaux quant au rapport que le père doit avoir avec son fils. Cette sougya passionnante et si complexe que représente le H’INOUH’ (traduit vulgairement par ‘’éducation’’). Si l’éducation a pour connotation populaire : apprendre à son enfant les bonnes manières, effectivement lorsqu’un enfant se comporte mal ou dit des gros-mots, par exemple, on le traite de ‘’mal élevé’’ ; pour nos Maîtres une bonne éducation se traduit plutôt par une initiation aux commandements de la Tora, aux mitsvot. Apprendre à son enfant les dites bonnes manières sans lui apprendre la pratique des mitsvot n’est pas synonyme d’une éducation réussie. C’est le premier point qu’on peut déjà lire dans ce passage.
Le deuxième point que nous enseignent nos Maîtres est que l’initiation aux commandements de la Tora se fait à un âge adapté et, chaque commandement de la Tora a son âge. L’âge de l’éducation dépend de la capacité qu’a l’enfant pour saisir, non pas l’enjeu de la mitsva, mais sa façon je dirais technique d’être pratiquée. On n’explique pas obligatoirement (voire pas du tout) à l’enfant dès son jeune âge le sens des mitsvot tout simplement parce qu’il comprendrait rien. On n’attend pas également de comprendre le sens des mitsvot pour les faire sinon on ne les ferait jamais !!! L’éducation se situe dans le ‘’comment faire’’ plutôt que dans le ‘’pourquoi faire’’ ! Si la maturité de l’enfant est subjective la maturité de chaque mitsva l’est également. On ne dira pas que l’éducation commence, par exemple à six ans, on dira plutôt l’éducation de chaque mitsva se fera lorsque l’enfant sera à même de la faire. A partir de ce moment-là à deux ans on lui apprendra quelques versets de la Tora – puisque c’est l’âge où il sait parler, et ce n’est que vers neuf ans qu’on lui apprendra à brandir un loulav – c’est l’âge où il sait le tenir.
Ces deux points fondamentaux quant au H’INOUH’ exige une proximité et une attention aigue de la part du père envers son enfant. A chaque âge il doit s’interroger si son enfant est prêt pour être initié à la mitsva en question. Le père devra être à l’écoute du développement de son enfant, de ses capacités physiques, de l’évolution de son être pas à pas. Ceci engagera le père à valoriser pleinement son enfant, à lui donner toute la considération nécessaire. De ce fait l’enfant ‘’reconnu’’ (parce qu’il ne suffit pas de reconnaître son enfant lors de la déclaration de naissance…) trouvera un équilibre et une harmonie totale avec son ‘’géniteur’’ (comme on appelle aujourd’hui le père, d’ailleurs cette appellation est dangereuse parce qu’elle résume le père à sa faculté de procréer et le détache de ce qu’il va au-delà de cette mise au monde de l’enfant…), il trouvera également cette harmonie avec lui-même ainsi qu’avec le monde qui l’entoure. Par voie de conséquence il sera ‘’bien élevé’’. En sommes je dis qu’une éducation aux mitsvot adaptée est une éducation réussie même dans les bonnes manières. Les mauvaises manières sont la conséquence d’un déséquilibre quelconque chez l’enfant et toute désharmonie du petit d’homme découle d’une mauvaise écoute et mauvaise attention de la part de ses parents. Or, du fait que l’initiation aux mitsvot oblige une relation intime avec son enfant il sera automatiquement équilibré donc bien élevé…. Une éducation qui occulte complètement les mitsvot, et une éducation qui n’adapte pas les mitsvot à l’enfant sont des éducations ratées !