Rav Imanouel Mergui
Le roi Chlomo nous invite à contempler la fourmi. Dans Michlé chapitre 6 il dit « regarde les comportements de la fourmi et deviens sage – h’ah’am ». Il y a quelque chose d’extrêmement puissant dans cette invitation du roi. D’ordinaire lorsqu’on parle des créatures divines c’est pour nous initier à voir la grandeur divine, on atteint la foi en contemplant l’immensité du divin et on prend conscience de l’omniprésence divine, c’est à travers l’œuvre qu’on reconnaît l’artiste ! Le roi Chlomo prend une autre voie, selon lui contempler la création c’est pour ramener les choses à soi ! Ici en regardant la fourmi on devient h’ah’am ! La h’oh’ma, qui est un immense sujet en soi, se développe chez l’homme lorsqu’il se tourne vers ce petit insecte : la fourmi. Il ne nous reste qu’à nous interroger en quoi la fourmi a-t-elle la faculté de nous rendre plus sage ? C’est la question du Midrach Dévarim Raba 5-2 : quel est le comportement de la fourmi qui est à même de rendre l’homme h’ah’am ? Qu’y-a-t-il de si impressionnant chez la fourmi pour sortir l’homme de sa bêtise et le transformer en h’ah’am ? Cette interrogation prend tout son sens dans une société où l’homme avance, évolue comme disent-ils, dans la découverte scientifique, ce qui est bien entendu extraordinaire en soi, mais cet avancement fait-il de l’homme un être h’ah’am ? Tant qu’il y a des fourmis sur terre ce n’est pas uniquement pour les arroser d’insecticide ! La présence de la fourmi est pour que nous humains apprenions ce qu’est être h’ah’am ! Le h’ah’am est celui qui apprend de tout même de ce qui est plus petit et plus insignifiant que lui-même !
Le Midrach répond à sa question, lisons-le : les Sages disent, regarde le ‘’dereh’ erets’’, le mode de vie de la fourmi, qui se sauve du vol ! Rabi Chimon ben H’alafta rajoute, il est arrivé qu’une fourmi a fait tomber un grain de blé, les autres fourmis sentirent l’odeur d’une fourmi qui l’avait laissé tomber et ne touchèrent point ce grain, celle qui l’a perdu a pu le retrouver ! Regarde la sagesse qui l’anime elle ne l’a apprise d’aucune autre créature, elle n’a ni juge ni agent, mais vous qui avez des juges et des agents à plus forte raison que vous devez les écouter et suivre leur recommandation.
C’est extraordinaire, nous voyons deux points la sagesse se définie par le respect du bien d’autrui – se sauver du vol, et par la faculté de comprendre par soi même ce dit respect, à fortiori suivre les Maîtres et leurs enseignements est un signe de sagesse.
De toute évidence la question s’impose : en quoi ne pas toucher au bien d’autrui est synonyme de sagesse ? Pourquoi la sagesse se définie par le commandement de ne pas voler ? Qui de nous ne touche pas ce qui n’est pas à lui ? Pourquoi est-ce synonyme de sottise ? Le Midrach relie la sagesse, c’est-à-dire tout le travail intellectuel de l’être et le rapport qu’il a d’avec les affaires des autres, avec ce qui ne lui appartient pas ! Pour répondre à ces questions il me semble qu’il fille revenir sur une notion fondamentale : celui qui vole, celui qui s’introduit dans la vie de l’autre est un être pauvre en lui-même, ou en d’autres termes un être qui ne sait pas découvrir sa propre richesse, il vie à travers les autres. Cet état là est le contraire de la sagesse. La h’oh’ma veut que l’homme apprenne à suivre sa propre aventure dans la vie, indépendamment de ce qu’il va chercher chez les autres. Rachi (Chémot 31-3) et Rabénou Yona (Avot 3-17) définissent le h’ah’am comme étant celui qui apprend es autres ! C’est là toute la différence avec le voleur, ce dernier prend quelque chose de l’autre et crée un manque chez l’autre alors que le h’ah’am prend quelque chose de l’autre sans ne créer chez lui un manque. Le voleur n’a pas d’aventure propre, il pille aux autres leur histoire alors que le h’ah’am s’inspire de l’autre pour écrire sa propre histoire. L’autre n’est pas mon référentiel mais il peut être un stimulus, à partir du moment où je m’ingère dans la vie de l’autre pour lui prendre ce qu’il a c’est que je veux vivre sa vie et non la mienne.