Rav Imanouël Mergui
Le livre de Chémot ouvre par le récit de l’esclavage des Béné Israël et la sortie d’Egypte réalisée par D’IEU par l’intermédiaire de Moché Rabénou. Il y a dans ce récit quelque chose de fondamental à analyser : l’origine des choses ! Qu’est ce qui nous a valu l’esclavage en Egypte ? Et pareille question pour ce qui est de la sortie : quel est l’élément qui a déclenché la liberté ? Si on ne sait pas répondre à ces questions on subit l’histoire, par contre si on y répond on devient acteur de l’histoire. Les éléments de réponse à cette analyse sont nombreux, les Sages dans leurs enseignements se sont longuement penchés sur cette question, et jusqu’aujourd’hui tous s’interrogent de savoir qu’est-ce qui serait à même de déclencher un avenir meilleur, libérateur voire messianique pour le peuple juif et l’humanité toute entière. Un des enseignements qui répond à cette question se trouve au traité Sota 12A, peu connu mais d’une extrême importance puisque fondamental pour saisir l’enjeu de toute ‘‘guéoula’’. « Amram – père de Moché – était le Gadol Hador, après que le pharaon ai décrété de jeter tous les garçons nés au fleuve il se dit ‘’à quoi bon faire des enfants puisqu’ils seront tués’’ ; sur le champ il répudie sa femme – tout le peuple l’a suivi et tous ont répudié leur femme. Sa fille, Miryam, lui dit ‘’ton décret est pire que celui du pharaon, effectivement lui n’a décrété que sur les garçons mais toi en agissant ainsi tu condamnes aussi les filles. De plus le décret du pharaon ne concerne seulement la vie dans ce monde ci, car en naissant ces enfants qui seront tués auront au moins la vie dans le monde à venir, alors que toi tu les condamnes même du monde futur puisque tu ne les laisses pas venir dans ce monde ci. De plus le décret du pharaon est incertain, il est un mécréant et le décret d’un mécréant peut facilement être annulé, alors que toi tu es un tsadik et ton décret se maintiendra de façon certaine’’. Il décida aussitôt ré épouser Yoh’eved sa femme – tout le peuple l’a suivi et tous ont repris leurs épouses ! ». Ce passage nous livre une multitude d’enseignement mais le premier à retenir c’est cet aspect ‘’gadol hador’’. Il faut savoir que dans tout le Talmud cet adjectif ‘’gadol hador’’ n’est cité que trois fois – à propos de Avraham (Kidouchin 32B), à propos de Rabi ou Rabi Yaakov bar Ah’a (Moed Katan 22B). Rachi traduit le gadol hador comme étant l’homme qui est écouté par tous les hommes de sa génération ! Rav Wozner zal écrit que Amram est encore plus grand que les Pères Avraham, Yitsh’ak et Yaakov – être le gadol hador dans les conditions de l’Egypte antique, de rester pur malgré l’impureté de l’Egypte, d’atteindre le niveau de prophète dans cette culture et à fortiori d’éduquer ses trois enfants : Moché, Aaron et Miryam comme des Justes n’était pas tâche facile (voir Drachot Chevet Halévi volume 1 page 101). Cette soumission au grand de la génération était majeure pour que la sortie d’Egypte se réalise. Son fils Moché qui guidera le peuple ne pouvait jouer ce rôle sans que le peuple ne le suive. De toute évidence le peuple juif a souvent eu du mal à suivre son guide, on préfère que le gadol dort ! Les critiques prononcées à l’égard du grand maître de la génération est un jeu que certains aiment prétexter par ‘’les rabbins ne comprennent rien’’, ‘’les rabbins sont trop vieux’’, ‘’les rabbins ne servent à rien’’, ‘’qui sont-ils pour nous dicter ce que nous avons à faire’’ etc. La conséquence première d’une telle approche c’est d’éloigner et d’empêcher la guéoula. L’histoire nous a prouvé maintes fois que ceux qui n’ont pas suivi les conseils des Maîtres ont sombré dans la faillite. Pour ne rappeler que quelques exemples : Mordéh’aï au temps de Pourim ou encore Rabi Yoh’anan ben Zakaï au temps du second Temple. La difficulté de se soumettre à la parole des maîtres nous conduit vers une sottise sans égale : l’exil et ses drames. Des mouvements se sont créés autour d’un libéralisme mensonger du judaïsme pour taire la parole des Sages. Mais, ce fléau touche aussi l’individu, chaque juif dans son for intérieur a du mal à se plier aux conseils et aux décisions des Maîtres. Parfois l’homme préfère ne pas s’adresser aux Maîtres pour ne pas à avoir à entendre leurs dires. On préfère délibérément crever dans son coin plutôt que de bénéficier d’une orientation du Maître. Et, attention !, les Maîtres ne sont pas des distributeurs de ségoulote farfelues – cette approche est pire que ceux qui ignorent les Maîtres totalement. Lorsqu’on va consulter un Maître on gagne à tous les coups, écrit le Gaon Rav Yitsh’ak Zilberstein chalita. Lorsqu’on évite le conseil des Maîtres on est dans la mort, dans l’erreur parfois fatale et irréparable. Ecouter les Maîtres c’est la guéoula assurée, les éviter c’est l’exil assuré. D’IEU merci, à chaque génération nous connaissons des grandes figures de la Tora, ne vivons pas dans le fantasme qu’avant il y avait des Maîtres et plus aujourd’hui, tenir pareils propos c’est la mort du peuple juif.