Aller au contenu

La Paresse

Rav Imanouel Mergui

Dans le livre extraordinaire Michleï le roi Chlomo nous parle dix-sept fois du paresseux, je vous propose d’étudier ce sujet qui est tellement vital. Nous sommes bien souvent confrontés à la paresse, on s’octroie des temps morts et de repos, mais on ne supporte pas voir l’autre (son enfant, son conjoint) rester sans rien faire. On croit toujours que si on était à la place de l’autre on ferait mieux et on s’offusque de le voir occuper un poste sans remplir ce rôle. C’est bien là une des facultés du paresseux : donner des conseils à l’autre sans ne rien faire soi-même. Le paresseux refait le monde mais ne fait rien de concret. Fort en parole mais faible en action. Donneur de conseil mais absent dans l’agissement. Toujours plus intelligent que ceux qui font parce qu’ils auraient dû faire, mais lui ne fait rien. Sage qui voit les autres sots. Et, nous voyons bien que nous avons assez de mal à motiver, à bouger le paresseux. D’abord et avant tout peut-être parce que nous voyons l’autre paresseux en dérobant la paresse qui est en nous ! On ne peut pas stimuler l’autre si on n’est pas à même de se stimuler soi-même !

« Paresseux, vas vers la fourmi, contemple ses voies et apprends la sagesse » Michleï 6-6 et Rachi. Si on ne peut pas attendre du paresseux d’agir on peut tout au moins l’inviter à contempler, cet exercice ne demande aucun effort physique. Peut-être même qu’on lui dit qu’il y a un intérêt dans l’inactivité : voir !

Reste à rien faire mais au moins regarde ce qui se passe autour de toi, c’est de toute les façons ce que tu fais, tu ne fais rien d’autre que de voir alors au moins vois et contemple bien ce qui t’entoure. D’ailleurs on ne te demande tout simplement et rien d’autre que de regarder le plus petit insecte, ce n’est pas un si bien grand effort que de regarder une fourmi. Mais voilà qu’en regardant la fourmi il va se passer un phénomène assez particulier, tu deviendras sage, intelligent. On n’invite pas le paresseux à contempler la fourmi pour travailler mais plutôt pour découvrir ce qu’est la sagesse. La première chose que le paresseux doit corriger n’est pas son manque d’action mais plutôt son manque de réflexion. En vérité la pire des paresses n’est pas celle du corps mais celle de l’esprit. C’est là un premier point majeur quant à la définition même du vice de la paresse. Certaines personnes sont très actives, voire hyper actives, mais pour ce qui est de l’intelligence, elles sont nulles, non pas dans le résultat de leur pensée mais dans l’activité de leur pensée, je veux dire que ce sont des gens qui ne pensent jamais, pire encore ils ne pensent que ce que les autres les invitent à penser, ils n’ont aucune pensée propre à eux-mêmes. Des robots intellectuels. L’action ne prouve donc pas toujours l’absence de paresse ; on peut agir paresseusement. Agir sans réfléchir c’est également une forme de paresse. J’ai retrouvé cette idée dans Mih’tav Mééliyahou de Rav Dessler qui explique à travers cela la faute de Adam Harishon : Nos Sages disent dans le Midrash que la faute de Adam était sa paresse. Ce commentaire est étonnant puisqu’on a plutôt tendance à définir sa faute comme étant un acte interdit celui de consommer le fruit défendu ? La paresse d’Adam c’est d’avoir agi sans réfléchir. Le Rabi de Kosk disait : l’empressement de l’action est le fruit de la paresse de la pensée ! (Mih’tav Mééliyahou volume 5 page 95). Alors à cet inactif intellectuel on lui conseille d’aller voir une fourmi. Cet insecte est minuscule –

note Even Ezra, trois à quatre millimètres, alors que l’homme mesure en moyenne un mètre soixante-quinze ! Pourquoi ce paresseux de l’esprit va apprendre la sagesse chez l’une des plus petites créatures ? Il est à espérer qu’il prendra conscience que si quelques millimètres sont animés d’une puissance intelligente alors lui qui fait quelques millions de fois plus que ce minuscule être abîme son potentiel immense qui l’anime. Parce que bien souvent le paresseux sous-estime ou ignore son potentiel grandiose, il est tenté de croire qu’il n’aboutira à rien et qu’il n’est pas capable de faire quelque chose de sa vie. L’inactivité découle du manque de connaissance de soi et du manque de confiance en soi. Prends conscience de tes potentialités énormes qui t’habitent, c’est le premier pas vers la sortie de la paresse.

Le roi Chlomo continue Michleï 6-7,8,9 « Elle (la fourmi) n’a ni maître, ni officier, ni supérieur. Elle prépare sa nourriture durant l’été, amasse ses provisions au temps de la moisson. Jusqu’à quand, paresseux, resteras-tu couché ? Quand te lèveras-tu de ton sommeil ? ». Ces versets sont la suite logique du discours qui éveillera le paresseux de son sommeil. En vérité le paresseux est ensommeillé ! Tout dort en lui. Tout est en latence. La fourmi n’a pas de maître qui lui dicte quoi faire ; le paresseux est souvent dérangé par les ordres qu’il reçoit de l’extérieur. C’est peut-être même la qualité du paresseux : ne pas suivre bêtement le mouvement, le courant des autres. Si le paresseux a compris le danger du ’’penser comme les autres’’ il n’a pas encore développé le ’’penser par soi-même’’. On accepte cette thèse à la condition qu’il apprenne à devenir maître de lui-même, en se référant à la fourmi on apprend qu’agir ne dépend pas des recommandations qu’on reçoit de la part d’autrui. Tu refuses toute

recommandation mais ceci n’est pas synonyme de rester sans rien faire. Refuse les ordres venant d’un maître mais deviens maître de toi-même. En vérité tu refuses non pas seulement l’autorité des autres c’est ta propre autorité que tu rejettes. De la fourmi tu peux apprendre qu’on peut exister par soi-même, retrouve ta dignité. Cette petite fourmi t’apprend encore qu’elle se prépare durant l’été. Eh oui le culot du paresseux c’est qu’il ne fait rien mais se plaint que les autres ne fassent rien pour lui. Ouvre les yeux de ton intelligence si tu ne te prends pas en main tu ne consommeras que le produit de ta paresse. En somme on l’invite à réfléchir sur son avenir. Eh bien les Maîtres nous enseignent « qui est l’homme sage ? celui qui voit la conséquence de ses choix – ézéou h’ah’am haroé ète hanolad ». C’est comme nous j’ai dit plus haut : sortir de sa paresse intellectuelle, or l’absence de sagesse c’est celui qui vit au présent sans penser à son avenir. Dors mais ne t’interroge pas de ce qui t’arrivera demain. Le sommeil ne produit rien d’autre que le sommeil. J’ai souvent constaté qu’après une bonne sieste les gens disent ‘’je suis crevé’’ ! Quel paradoxe… Il est intéressant de noter que le texte ne dit pas ’’quand te réveilleras-tu de ton sommeil’’, mais il est dit plutôt ’’quand te lèveras- tu de ton sommeil’’. Parce que tant qu’une personne dort en elle-même on ne peut la réveiller. Le paresseux réveillé s’enfonce souvent dans son sommeil, il est d’ailleurs bien souvent énervé qu’on le réveille et plus on essaie de le réveiller plus il reste endormi et s’enfonce dans son dodo. Ce qu’on veut lui dire c’est de ne pas rester en position couché, épouse plutôt une position debout. Tu n’as pas de stature, dit lui-t-on. Aucune dimension, ni physique ni intellectuelle, ne reflète de toi. Tu es couché et tu dors, ni tu agis ni tu penses – explique le Gaon de Vilna.

Le roi Chlomo nous dit encore à propos du paresseux « ce que le vinaigre est pour les dents, la fumée pour les yeux, le paresseux l’est pour ceux qui l’envoient » Michleï 10-26. Lorsqu’on investit un paresseux d’une mission on est peiné de voir l’échec de la réalisation de mission puisque celui-ci va traîner – explique le Ralbag. C’est-à-dire que même s’il réalise ce qu’on lui a demandé de faire on est perdant puisqu’il prend tout son temps pour l’accomplir. Parfois la déception est pire puisqu’il ne réalisera pas ce qu’on lui a demandé. Voilà qu’on lui fait confiance pour la réalisation de la tâche, il abîme la relation – explique Métsoudat David. Ce n’est peut-être pas tant la chose qu’on lui a demandé qui est abîmé mais c’est surtout la confiance trahie qui entraîne la déception. Le Malbim propose une lecture intéressante : toutes ces critiques prononcées à l’égard du paresseux dans les relations humaines sont à retenir également envers celui qui, par cause de paresse, ne s’adonne pas à la tâche de sa vie, la mission pour laquelle l’homme a été envoyé sur terre : la perfection de son être ! Si on peut noter de nombreuses causes au non investissement de l’homme dans la Tora et dans l’accomplissement des commandements, il faut rappeler qu’une des causes c’est la paresse de l’homme. Ceci est fort intéressant il y a celui qui ne fait pas la Tora parce qu’il n’y croit pas, ou parce qu’il a des désirs, ou par manque de confiance en D’IEU, ou pour d’autres motifs ; chacun doit trouver la raison qui le retient de faire la Tora. Et il y a celui qui est convaincu de la vérité de la Tora, qui croit en D’IEU mais sa faille se trouve en lui-même, il est atteint du vice de la paresse. Il ne se lève pas le matin pour prier à la synagogue non pas parce qu’il ne croit pas en la prière mais plutôt parce qu’il trouve un bienfait dans la couette et le sommeil qu’il connaît. Il ne mange pas strictement cachère parce que l’épicerie cachère est loin. Et ainsi de suite, l’absence de sa motivation n’est autre que la présence de sa

paresse. Le Even Ezra prononce une sentence sévère à l’égard du paresseux : éloigne-toi de sa compagnie ! Du fait qu’il trahira la mission que tu l’invites à réaliser tu n’as rien à faire avec lui. Le paresseux fait du mal à ceux qui l’entourent. Il n’y a rien de bons à tirer de lui. Tu subiras du mal en sa compagnie. Le paresseux te fera grincer des dents et obscurcira ta vision des choses – souligne le Gaon de Vilna. Tu attends de voir qu’il fasse quelque chose mais lorsque tu constateras qu’il ne fait rien tu seras irrité comme ‘’la fumée pour les yeux’’, il te laissera vide et ne satisfera pas ta demande comme ‘’le vinaigre pour les dents’’ qui ne nourrit pas – explique le Gaon de Vilna.

« Le paresseux a l’âme remplie de désirs et n’arrive à rien, l’âme des gens actifs nage dans l’abondance » Michleï 13-4. S’il est évident de constater que le paresseux n’arrive à rien, la chose est bien évidente ceci ne témoigne pas de son absence de désirs. Le paresseux peut être une personne pleine d’ambitions et de projets mais elle ne se donne pas la peine de les réaliser. Le Malbim va encore plus loin, il se peut que le paresseux ait plus de projets et de désirs que les autres ; car, plus l’homme est inactif plus ses désirs augmentent ! Il vie dans la frustration, sa paresse tue son être. La vie ne se définit pas par l’envie de vivre mais par l’activité qui l’anime. Son corps ne suit pas son esprit, écrit encore Malbim. Il pense la vie, mais ne concrétise pas la vie. Il vie dans le rêve, détaché de la réalité… Sa paresse le freine dans l’accomplissement de ses propres projets – souligne le Ralbag. Si nous avons développé précédemment qu’il n’accomplit pas ce que les autres lui demandent, en vérité il n’accomplit pas ce que lui-même attend de lui-même. Rachi propose une raison à la stérilité de ses désirs : dans les temps

futurs le paresseux constatera l’honneur adressé aux gens qui ont étudié la Tora, il désirera cet honneur mais il ne pourra plus le recevoir ! Le paresseux a un temps de retard, il veut le bénéfice du travail sans travailler mais surtout à un moment où le temps du travail est révolu. Il veut la médaille après la course. Il faut avoir des projets lorsqu’il est encore temps de les voir naître.

« Le chemin du paresseux est comme un fouillis d’épines ; la voie des hommes de bien est toute frayée » Michleï 15-19. Le paresseux s’imagine que le chemin est plein d’embuches – explique Rachi. Plutôt que de chercher la cause en lui-même et de percevoir que le non aboutissement de ses projets provient de lui-même, il prétexte sa paresse en imaginant les embuches à l’extérieur de lui- même. Il vie dans la non réalité des choses. Il s’imagine tellement l’obstacle qu’il est persuadé de dire vrai quand la voie est obstruée. Il voit véritablement toutes sortes d’éléments extérieurs qui l’empêchent d’avancer. Mais non seulement qu’une partie des problèmes sont imaginaires, en plus de cela quand bien même il serait vrai que la route est pleine d’embuches il ne se donne pas les moyens de les affronter et de les surmonter. On voit bien que lorsqu’on est motivé de faire quelque chose aucun élément n’est à même de nous freiner et l’on surmonte tout, à tout prix. Rien ni personne est un obstacle lorsqu’on est motivé. Tout et tout le monde devient un mur insurmontable quand on est paresseux. Tous les motifs sont valables pour le paresseux, et même s’il n’y a aucune raison valable il se créera des raisons suffisantes pour rester dans l’inaction. Il ne se rend pas compte qu’il est lui-même l’embuche et l’obstacle de sa vie. C’est bien là la voie de l’impie, note le Even Ezra, celui qui trouvera toujours un prétexte pour rester dans la

médiocrité. Le Malbim constate que le verset parle du ‘’chemin du paresseux’’, or chemin (dérèh’ en hébreu) souligne une grande route empruntée par tout le monde, c’est-à-dire une route qu’on peut suivre sans aucun problème. Le paresseux voit des problèmes là où il n’y en n’a pas. Il produit des problèmes ! Pire encore, rappelle le Ralbag, le paresseux est persuadé que ce chemin est dangereux, il y voit des épines et prétexte son refus de l’emprunter de peur de se nuire. Là où tout le monde voit le bien lui voit le mal. Cette route si agréable à suivre il la rend désagréable, explique le Gaon de Vilna. Il voit le mal dans le bien et le bon.

« La paresse plonge dans la somnolence » Michleï 19-15. Ce verset est incroyable, le paresseux est fatigué par excellence, mais voilà que plus il s’engouffre dans sa paresse plus il dort. Il est tout le temps fatigué. Il n’est jamais reposé. C’est le paradoxe du repos plus on se repose plus on est fatigué. L’inactif est celui qui est le plus fatigué, le plus sommeillant ! La paresse endort les énergies du corps, écrit Ralbag. Le paresseux croit qu’en dormant il va trouver du plaisir, mais en réalité il n’est jamais rassasié de ses siestes, écrit encore Ralbag. En fait le paresseux vie dans un cercle vicieux, il aime sommeiller mais il n’en n’est jamais assouvi. Plus il dort plus il a envie de dormir. Le Gaon de Vilna a une lecture opposée, selon lui il faut lire ainsi le verset : le sommeil conduit à la paresse ! Notons que là nous accédons à l’origine de la paresse. Dormir est une activité qui rend l’homme paresseux. Le sommeil entraîne la paresse. La paresse entraîne le sommeil.

« Le paresseux introduit sa main dans le plat : il ne la retire point, même pour la porter à sa bouche » Michleï 19-24. Alors que sa bouche est très proche de sa main, rappelle le Targoum. Le paresseux a du mal à faire même ce qui ne demande aucun effort. Sans effort l’homme ne peut subvenir à ses besoins, note Even Ezra. Si nous avons choisi de traduire le terme hébraïque ‘’tsalah’at’’ par : le plat, le Ralbag le traduit plutôt par : petite fiole, c’est-à-dire que le paresseux s’imagine que sa main s’est coincée dans le goulot de la bouteille, il a les mains emprisonnées et ne subvient pas à ses besoins. Il préfère manquer même de ce qui lui est nécessaire plutôt que de fournir des efforts. Et même s’il s’occupe de ses besoins matériels il est paresseux de réaliser les commandements de la Tora, explique le Gaon de Vilna. Il y a celui qui est très actif dans la vie quotidienne mais pour ce qui est de la Tora il sommeille. Le Gaon de Vilna explique encore de celui dont sa sagesse dépasse ses actes ! Le paresseux est une personne qui pense et conçoit de belles et grandes idées mais ne s’assure pas d’agir parallèlement à ses connaissances. Il est en décalage entre ce qu’il sait et ce qu’il fait. Il ira jusqu’à donner des leçons aux autres mais lui-même n’agira pas en conséquence. Sa pensée est stérile.

« Sous prétexte de froid le paresseux s’abstient de labourer ; la moisson venue, il cherche et ne trouve rien » Michleï 20-4. Rachi explique : à cause du froid le paresseux ne travaille pas et n’étudie pas la Tora. Le climat est encore un prétexte pour ne rien faire ! « Et même si le yetser hara t’encourage à rester au lit sous prétexte qu’il fait froid, l’homme se renforcera de ne point l’écouter et se lèvera le matin pour servir son créateur » – écrit le Michna Béroura 1-1. Il pleut ou

il fait froid, les frileux ne viennent plus à la synagogue. Selon le Ralbag ce verset encourage l’homme à deviner la conséquence de ses actes, si tu ne fais rien pour quelque motif soit-il tu ne récolteras rien. Le paresseux vit dans le présent sans se soucier de l’avenir. Et s’il ira réclamer de la moisson chez les autres paysans ils refuseront de lui en offrir pour l’unique raison que lui n’a rien fait, écrit Even Ezra. On ne supporte pas partager avec quelqu’un qui ne fait rien. Pour le Malbim ce verset rappelle à l’homme qu’étant jeune il convient qu’il acquiert la sagesse, mais voilà que dans cette période de la vie le bouillonnement des désirs l’empêche d’agir et de se soucier de l’essentiel ; une fois vieux où les passions de la vie se sont quelque peu apaisées l’homme n’a plus la force d’acquérir la sagesse. Il est intéressant de noter selon cette idée ce paradoxe de la vie qui n’est autre que la volonté même divine : lorsqu’on a les forces on est perturbé par les désirs, et, lorsqu’on n’est plus dérangé par les désirs on n’a plus de force ! L’enjeu est d’orienter ses désirs vers ses forces et non d’amener les forces vers les désirs. Intéressant est de noter que le Gaon de Vilna explique que ce verset s’adresse à l’homme alors âgé de quarante ans, la fleur de l’âge appelée par nos Maîtres ‘’ben arbaïm labina’’ – l’âge du discernement (bina), l’homme atteint le summum de la compréhension et du développement intellectuel. C’est le moment où jamais pour s’investir dans la Tora et réaliser de bonnes actions. Encore une fois paradoxalement là où l’énergie de l’homme est présente ce dernier la bafoue en sommeillant ! Oui nous dormons…

* En cette veille de CHAVOUOT ouvrons nos yeux, notre esprit, notre cœur, pour recevoir PLEINEMENT et VÉRITABLEMENT LA TORA pour ainsi connaître l’éclat divin

dans le monde. Ne commettons pas la même erreur que nos ancêtres qui ont dormi la veille du don de la Tora où D’IEU a dû les réveiller ! Soyons honnêtes : réveillons-nous de notre sommeil !

« Les désirs du paresseux le tuent, car ses mains se refusent à agir » – Michleï 21-25. Si le paresseux est mort dans le sens où sa vie est stérile du fait de son inactivité, il meurt encore plus vite par le fait qu’il a des désirs dont il n’assume pas leur réalisation. Nous avons vu dans les versets précédents que le paresseux n’est pas sans désirs et sans idées ; en fait le paresseux est plein d’idées mais manque d’élan, il vie donc dans la frustration meurtrière. On peut lire quelque peu différemment : ce verset peut être une invitation au paresseux de se réveiller, puisque tu n’es pas sans désirs donne toi les moyens de les réaliser ! La mort du paresseux c’est justement de vivre dans cette non réalisation de lui- même. Le Malbim assure que le paresseux a plus de désirs que quiconque ceci répond au principe de ‘’pate béssalo’’ c’est-à-dire ‘’il possède le pain dans son panier’’. Ce principe est dit dans le Talmud à propos d’une personne qui réalise ses désirs, il est assouvi, la réalisation du désir atténue le désir. Bien évidemment ceci ne peut être dit à propos du paresseux puisque celui-ci ne réalise rien. Nous devons comprendre que le paresseux n’est pas sans ambition, il n’est pas non plus une personne qui n’a pas saisi l’enjeu de la vie, où est donc son problème ? Le Malbim poursuit : il n’est pas maître de son corps ! Le message transmis par le cerveau n’est pas exécuté par les organes ! Ce n’est donc pas obligatoirement un travail intellectuel que doit faire le paresseux pour remédier à sa faille, je veux dire qu’il ne doit pas obligatoirement apprendre à penser la vie, son exercice est d’un tout

autre registre celui d’apprendre à instaurer une harmonie entre son corps et son esprit. Si en soi cet exercice nécessite un effort, pour le paresseux celui-ci sera encore plus dur puisque tout ce qui est synonyme d’effort lui est insupportable en ce sens où son corps ne suit pas son esprit.

Le Gaon de Vilna (dans son commentaire sur Avot chapitre 4 paragraphe 21) rapporte notre verset pour illustrer le comportement de Korah’ qui à la recherche des honneurs périra. Korah’ jaloux de Moché est un homme qui recherche l’honneur, sa jalousie l’a rongé. Son désir d’avoir ce que l’autre a l’a tué parce qu’il veut avoir ce que l’autre a sans fournir d’efforts. La paresse rend l’homme jaloux ce qui le tue.

« Le paresseux s’écrie : il y a un lion dehors ! Je vais être massacré en pleine rue ! » – Michleï 22-13. Le paresseux s’écrie ainsi pour ne pas aller étudier la Tora, explique Rachi. C’est incroyable de voir le nombre de prétextes irréels qu’on peut s’inventer dans la vie pour ne pas aller étudier la Tora. Dans le fond nous savons très bien qu’il n’existe aucune raison valable pour s’abstenir d’aller étudier la Tora. La force du paresseux c’est de s’imaginer des situations des plus farfelus et d’y croire fermement pour ne pas aller étudier la Tora. Reconnais ta paresse tu seras au moins dans la vérité. N’invente pas des prétextes biscornus parce qu’en plus de ta paresse tu t’enfonces dans le mensonge. Le paresseux surdéveloppe son énergie imaginative, constate le Malbim. En fait le paresseux n’a d’autre objectif que sa paresse par conséquent il développera toutes sortes de prétextes des plus imaginatifs pour rester inactif. Le paresseux a peur du ‘’lion’’ et

d’être ‘’tué’’, le Gaon de Vilna rappelle que seule l’étude de la Tora est à même d’apaiser les peurs de l’homme et les dangers du monde. En somme le paresseux a peur de prendre le remède qui guérira son mal, il est comme un enfant qui est tétanisé devant la piqûre. Le paresseux manque de maturité.

« J’ai passé près du champ d’un paresseux, près du vignoble d’un homme privé de sens » – Michleï 24-30. Selon Rachi ce verset fait encore référence à l’étude de la Tora ; le champ du paresseux symbolise celui qui ne révise pas son étude. En vérité le vrai problème de la paresse c’est la conséquence que va subir l’étude de la Tora ou, plus exactement, le vrai problème du paresseux c’est son rapport inactif envers la Tora en général et envers l’étude de la Tora en particulier. Le Ralbag rappelle que le champ du paresseux du fait qu’il n’est pas travaillé et entretenu laisse pousser des mauvaises herbes etc. En réalité le vrai problème du paresseux ce n’est pas tant ce qu’il ne fait pas c’est surtout ce qui va découler de son inactivité. Ne rien faire c’est faire du mal. Dans le domaine intellectuel ceci prend un sens assez particulier, poursuit le Ralbag : celui qui ne s’adonne pas correctement à la recherche de la science de la vérité de la Tora ce n’est pas tant qu’il ignorera la Tora mais c’est aussi et surtout le danger de forger des sciences erronées, opposées et contraires à la Tora. Ne pas penser la Tora c’est penser le contraire de la Tora. Les idéologies antithétiques à la Tora sont issues d’une paresse intellectuelle ! Le paresseux ignore les conséquences pernicieuses de sa paresse, note le Malbim, ne pas travailler le champ c’est l’abîmer. La puissance de la Tora c’est qu’elle est comparée à un champ inépuisable qui produit sans

cesse, plus l’homme s’adonne à l’étude plus il découvrira les secrets et les délicatesses de la Tora, comme l’explique le Gaon de Vilna.

« Le paresseux s’écrie : il y a un chacal qui barre la route, un lion parcourt les rues ! Telle la porte tourne sur ses gonds, tel le paresseux sur son lit. Le paresseux introduit sa main dans le plat : c’est trop de fatigue pour lui de la porter à sa bouche. Le paresseux se targue de plus de sagesse que sept conseillers avisés » – Michleï 26, 13 à 16. Pourquoi le roi Chlomo nous répète ces idées, qu’y-a-t-il à rajouter à propos du paresseux, n’avons-nous pas déjà tout dit ? Le paresseux s’enfonce dans sa bêtise et se croit plus sage que les Sages…. Il est sûr d’agir avec sagesse. C’est le paradoxe du paresseux : il voit de la sagesse dans ce qu’il fait alors même qu’il ne fait rien du tout. Il se croit intelligent alors qu’il émane la bêtise par excellence. Il voit en lui le contraire de ce qu’il est, il est complètement schizophrène ! Il est dans le délire le plus accentué.

« Elle ne mange jamais le pain de l’oisiveté » – Michleï 31-27. Qu’est-ce que le pain de l’oisif ? Selon le Ralbag c’est un pain inachevé ; le paresseux vie dans l’à peu près ! Selon le Metsoudat David c’est celui qui passe des heures à table comme s’il n’avait rien d’autre à faire. Le paresseux ne fait rien mais sait prendre du temps pour manger, en somme il investit son temps dans la perte de temps. Le remède à la paresse c’est le zèle, note le Malbim. Le zèle se définit ici comme étant une personne qui remplit son temps. Il existe donc le paresseux qui ne fait jamais rien c’est le paresseux absolu, et il existe le paresseux partiel. Ce nouvel aspect du paresseux est assez intéressant puisque bien souvent on s’octroie

un temps de paresse sous prétexte qu’on a commencé quelque chose ou qu’on a déjà fait quelque chose ! La paresse sous tous ses aspects est une maladie, un défaut, qu’il faut apprendre à remédier. Rien ne valide la paresse dans aucun domaine de la vie. Ne vivons pas à travers le slogan ‘’ce que tu peux faire demain ne le fais pas aujourd’hui’’ !!!

Jusque-là nous avons étudié les versets cités dans Micleï concernant le paresseux. Le roi Chlomo s’est exprimé également dans son livre Kohelet 10-18 en ces termes

« l’indolence est cause que la charpente s’effondre, à cause des mains nonchalantes la pluie pénètre dans la maison ». Rachi commente : lorsque le paresseux ne répare pas la petite brèche qu’il y a dans son toit ceci causera l’effondrement de tout le toit ; ainsi, lorsque les Enfants d’Israël ont un rapport nonchalant envers la Tora toute la structure du peuple s’écroule et Israël s’affaiblit. La paresse a des conséquences graves, une gravité à prendre très au sérieux puisque c’est toute la structure, individuelle comme collective, qui s’écroule. La paresse touche quelque chose de fondamental puisqu’elle porte atteinte aux fondations même de tout l’édifice. Corriger sa paresse c’est renforcer les assises. La paresse n’est pas qu’une option, elle s’inscrit dans la base même de toute la structure. Le paresseux affaiblit tout son univers. Il s’écroule.

Le Rav Moché Alchih’ ztsal dans son commentaire sur Kohelet rappelle quelle est la base sur laquelle repose toute la structure du juif envers laquelle on a tendance à témoigner de paresse. Il explique que cette base est composée de deux éléments

1) la tsédaka, 2) le respect des hommes qui étudient la Tora ! Si ces deux éléments

ne sont pas respectés de par notre paresse c’est tout l’agencement d’Israël qui s’abat. Cette déstabilisation du peuple juif ne se fera pas ressentir uniquement dans le domaine spirituel mais également pour ce qui est du matériel nécessaire pour exister dans ce bas monde. Effectivement le Rav Moché Alchih’ ztsal citant les textes du Midrash rappelle qu’en négligeant ces deux éléments la pluie, symbolisant l’abondance et les éléments matériels, tarde à venir.

L’étude de la Tora, la tsédaka et le respect dû aux érudits de Tora sont les trois éléments qui constituent le concept ISRAËL – terre et peuple. Ils nécessitent un effort assez particulier, effort dans tous les domaines : physiques, intellectuels, matériels etc. Le paresseux inanimé d’efforts laissera de côté ces trois éléments et verra son univers s’ébranler.

Quel que soit le motif pour lequel on n’étudie pas la Tora (peu, pas assez voire pas du tout), ou on ne donne pas la tsédaka (peu, pas assez ou pas du tout), ou on méprise ceux qui s’adonnent à l’étude de la Tora témoigne d’une paresse chronique, profonde et extrêmement dangereuse, à laquelle on se doit d’y remédier avant que tout le système ne s’écroule.

Étiquettes: