Rav Imanouël Mergui
Il serait utopique de résumer en quelques lignes le déroulement du mariage puisque le Talmud a consacré les traités : Kidouchin, Kétouvot, Guittin, Sota, Yébamot, Nédarim pour régir les lois du mariage.
On divisera le mariage en deux parties : I. Les Eroussin ou Kidouchin, II. Les Nissouin.
- Les Eroussïn ou Kidouchïn : traduit par les fiançailles. Toutefois ces fiançailles n’ont aucun rapport avec ce qu’on appelle aujourd’hui fiançailles. De nos jours les fiançailles sont une fête célébrée à l’occasion de l’officialisation du couple qui s’est rencontré et a décidé de mener une vie commune. Selon la Tora les eroussin ‘’consacrent’’ la femme à son mari, elle prend d’ores et déjà le statut de echet ich – femme mariée ce qui l’a rend interdite à tout autre homme mais ne l’autorise pas encore à vivre intimement avec son mari. S’ensuivait une période de douze mois d’attente ou plutôt de préparation attribuée à la jeune fille jusqu’aux nissouin ;
Aujourd’hui les kidouchin sont exprimés par un premier kidouch sur une coupe de vin, récité par le marieur, ce kidouch est composé de deux bénédictions :
- ‘’Boré péri hagefen’’ – la bénédiction prononcée avant de boire du vin,
- ‘’birkat haéroussin’’ – en quelques mots cette bénédiction rappelle l’interdit des ârayot (mariages illicites), l’interdit de vivre intimement avec sa fiancée, la permission de connaître l’intimité avec son épouse après les nissouin et la h’oupa,
- La clôture de cette bénédiction dit ‘’mékadech âmo âl yédé h’oupa vékidouchin’’ – D’IEU sanctifie son peuple par le dais nuptial et les kidouchin. La Tora voit dans l’union ‘’homme-femme’’, plus qu’une histoire d’amour, plus qu’un romantisme, un projet d’élévation tel qu’atteignant les plus hautes sphères notamment celle de la kédoucha ! La Tora encourage amour et romantisme dans le couple mais elle désire voir ce couple nouvellement constitué vivre une aventure dépassant le charnel (etc.).
- Les Nissouïn : c’est la concrétisation de l’union, c’est la vie commune qui démarre avec tous ses devoirs, ses aléas, et tout ce qu’elle englobe.
Aujourd’hui les nissouin sont exprimés par un second kidouch sur une coupe de vin, récité par plusieurs convives, composé de sept bénédictions appelées les ‘’chévâ bérah’ot’’ ;
- ‘’Boré péri hagefen’’ – la bénédiction prononcée avant de boire du vin,
- ‘’chéhakol bara lih’vodo’’ – D’IEU créa tout pour son ‘’honneur’’, ceci fait référence à la création première de l’histoire. Il est, apparemment, nécessaire de rappeler aux jeunes mariés présents l’œuvre de la création divine et surtout son objectif, c’est une invitation et un rappel à ce couple qui se forme à s’inscrire dans l’histoire de la création de D’IEU plutôtque d’en être en marge … Selon Rachi au traité Kétouvot 8a cette bénédiction rappelle les bienfaits divins, puisque D’IEU s’est préoccupée lui-même de trouver une conjointe à Adam… Ouvrir le mariage par la notion de h’essed, qui plus est divin, est un message pour les jeunes mariés puisque le couple est basée et tient sur cette vertu c’est-à-dire ‘’ce que je peux apporter à l’autre, ce que l’aautre attend de moi’’ plutôt que de se pencher uniquement vers l’assouvissement de son ego ‘’que vais-je gagner moi de cette union’’…
- ‘’yotser haadam’’ – D’IEU créa Adam. L’origine du couple c’est cet être premier que le couple devra sans doute essayer de revivre ensemble … Selon Rachi (ibid.) cette bénédiction précède celle qui traitera de la création de la femme ; il est important de parler de l’origine de toute activité avant de passer à la nouvelle étape…
- ‘’acher yatsar’’ – D’IEU créa l’homme à son ‘’image- tselem’’ et prépara la femme à partir de l’homme lui-même. Il est intéressant qu’il faille rappeler au marié que sa création est composée d’un élément divin et d’un élément féminin. Ces deux composantes sont ce qu’il est lui-même. Se marier c’est prendre conscience de ce que nous sommes. Pour bien s’unir il faut savoir se distinguer !…
- ‘’sos tassis’’ – cette bénédiction parle de Yérouchalaïm que nous devons rappeler à chaque occasion joyeuse comme le stipule le verset dans Téhilim 137-6. Là encore nous voulons marquer les grands pôles de notre histoire telle la ville sainte que représente Yérouchalaïm avec tout son passé et son futur, c’est dire au couple qu’ils peuvent contribuer ce édifice historique comme enseignent les sages ‘’tout celui qui réjouit le h’atan et la kalac’est comme s’il avait reconstruit une des ruines de Yérouchalaïm’’…
- ‘’saméah’ tésama’h’’ – Rachi explique (ibid.) : cette bénédiction est un souhait aux jeunes mariés, qu’ils réussissent de vivre en harmonie et en union joyeuse. Tout couple cherche ce bonheur absolu, d’ailleurs la déception est immense lorsqu’on ne trouve pas la joie dans son couple. Il est nécessaire de les bénir comme tel. Le Maharal explique quesimh’a se trouve lorsqu’il y a chlémoute – perfection, entièreté. L’union parfaite, l’union tout court aboutit à cette satisfaction réjouissante…
- ‘’acher bara sason vésimh’a’’ – c’est une louange adressée à D’IEU d’avoir créer l’union du couple avec et par tous les éléments joyeux, explique Rachi (ibid.)…
Voilà en de brefs mots les souhaits et les conseils adressés au couple qui va s’unir ; ah !, si tous les couples suivaient ce programme riche et passionnant, nombre de drames conjugaux seraient évités !, nombre de divorces seraient esquivés !
Poursuivons le déroulement du mariage.
Entre les eroussin et les nissouin le marié remet un anneau à la mariée avec toutes ces lois. Celui-ci a pour but de concrétiser l’acte du mariage. Il existe de nombreuses raisons du choix de l’anneau pour ce faire, des raisons selon la halah’a ou encore selon le Zohar. Rappelons l’idée du Tachbats (rapporté par Hanissouin Kéhilh’atam7-5-11) : l’anneau se dit en langue sainte tabaât composé des lettres hébraïques têt, bêt, âyin, et tav correspondant à la valeur numérique de kidouchin ! A travers cet anneau l’homme introduit l’épouse dans son univers !, il ouvre une porte, à l’image de cet anneau composé d’une ouverture importante, à la femme avec laquelle il a choisi d’animer et de partager sa vie. Lors de la cérémonie le marié se tourne vers la mariée et lui remet la bague en prononçant, devant deux témoins, la formule clé de cet évènement, ‘’aré at mékoudechet li bétabaât zo, kédate moché véisrael – tu m’es ‘’réservé’’ par cet anneau, selon la loi de Moché et Israël’’. ‘’Réserver’’ sous entend le devoir conjugal réciproque interdisant l’adultère…
Entre les eroussin et les nissouin il est de coutume de lire la kétouba. Qu’est-ce que la kétouba ? Sans rentrer dans le débat halah’ique de savoir si elle est un devoir de la Tora ou une institution des Sages, c’est le contrat de mariage. Celui-ci renferme tous les devoirs de l’homme envers son épouse, en voici les grandes lignes :
- Le h’atan, nouvel époux, exprime son désir de prendre pour époux la kala, la nouvelle épouse ‘’selon la loi de Moché et d’Israël – kédate moché véisraël’’,
- Le h’atan s’engage à subvenir à tous les besoins de son épouse : nourriture, habillement, vie conjugale
- Le h’atan engage ses héritiers à subvenir aux besoins de son épouse après son décès, il rend tous ses biens garants pour ce faire,
Sur la kétouva signeront deux témoins – les êdim, apte à cette tâche, pour valider l’engagement du h’atan (l’aptitude des témoins comme celle du marieur est d’une importance sans égale puisque ce sont ces personnages qui vont valider le mariage – attention donc aux célébrations caduques du type libéral ou encore massorati…) Le document de la kétouva est d’une telle importance que les Sages ont enseigné qu’il est interdit de rester sans ce document ; s’il apparaît que c’est la nouvelle épouse qui doit garder ce document certains ont l’us de la déposer chez la mère de la kala, et d’autres ont la coutume de l’encadrer pour orner salon ou chambre.
A la fin de la cérémonie l’us veut que le h’atan casse un verre avec son pied. Plusieurs raisons existent, la plus connue veut que cela rappelle la destruction de Yérouchalaïm. Les Tossafot voient plutôt une mise en garde faite à toute l’assemblée de ne point traduire la joie du mariage en dérision et en bringue…
S’ensuivront après la cérémonie du mariage les ‘’chévâ bérah’ot’’ – sept jours de fête tenus en l’honneur du nouveau couple. Durant cette semaine les jeunes mariés se réjouiront, resteront consacrés ensemble (ceci implique l’interdiction au couple d’aller travailler…), on leur préparera des repas de fêtes et on récitera les ‘’sept bénédictions’’ précitées.
Voilà en quelques mots les grandes lignes du mariage célébré dans la Tora.