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L’homme libre et joyeux

Rav Imanouel Mergui

Les fêtes sont mentionnées plusieurs fois dans la Tora. Dans la paracha de Michpatim elles figurent
au chapitre 23 versets 14 à 18. La question s’impose : cette paracha qui parle des lois que l’homme
doit respecter vis-à-vis d’autrui on ne comprend pas très bien quel est le lien avec les trois fêtes ?
Durant les fêtes, tous devaient se rendre au Bet Hamikdach, il y a une discussion dans les
décisionnaires si cette mitsva est praticable de nos jours… Les fêtes contiennent de nombreuses lois,
déjà propres à la fête : chofar, loulav, souka, matsa, hagada etc., également des lois plus générales
comme celles de yom tov et h’ol hamoed. Ce sont des moments privilégiés pour se lier fortement à
D’IEU et renforcer notre foi et notre dévouement à la pratique de ses commandements. Alors
pourquoi la Tora les a mêlées aux lois relatives au comportement vertueux qu’on doit témoigner
envers tout un chacun ?
Le Talmud au traité Pésah’im 109A enseigne : la Tora dit (Dévarim 16-14) « vésamah’ta béh’aguéh’a –
tu te réjouiras dans ta fête », de là les Sages apprennent que l’homme a le devoir de réjouir sa
femme et ses enfants durant chaque fête ! En quoi consiste cette joie ? Comment doit-il les réjouir ?
Lui-même se réjouira par la boisson du vin ! Rabi Yéhouda enseigne : les femmes il faut les réjouir par
des éléments qui leur sont propres. Comment ? Rav Yossef explique : en leur payant de nouveaux
beaux vêtements ! ». Le Rambam stipule cet enseignement dans la Halah’a (Hilh’ot Yom Tov chapitre
VI-18), il écrit : « durant les jours de Yom Tov l’homme doit être heureux et réjouit du cœur, lui, ses
enfants, sa femme et tous ceux qu’il côtoie. Aux enfants il ne manquera pas de leur acheter des
sucreries et délicatesses, pour les épouses on leur achètera des vêtements et des bijoux, les hommes
consommeront de la viande et du vin ». Nous voyons que les jours de fêtes qui sont des moments de
grande proximité d’avec D’IEU sont également des périodes où l’on doit se réjouir grandement tout
en assurant la joie des autres. Notre rapport intime avec D’IEU, ne doit pas se faire sans rendre tout
le monde joyeux. C’est certainement là la plus grande proximité qu’on peut avoir avec D’IEU : réjouir
les autres ! Durant les jours de fêtes nous devons augmenter l’amour d’entre les hommes, écrit
encore le Rambam dans son Moré Hanévoh’im (III-43) ! L’amour qui doit régner entre les humains
n’est pas en parallèle de l’amour de D’IEU mais fait partie et s’inscrit dans l’amour de D’IEU ! C’est
extraordinaire.
Dans la Paracha Michpatim (22-21 à 23) la Tora nous enjoint de ne pas peiner la veuve et l’orphelin.
Etudions une Halah’a dans le Rambam (Méguila II-17) « il est préférable de donner davantage aux
pauvres les dons de Pourim plus que dans le repas de Pourim, car il n’y a pas plus grande et plus belle
joie que de réjouir le cœur des pauvres, des orphelins, des veuves et des convertis. Celui qui réjouit
ces malheureux ressemble à la Chéh’ina à propos de laquelle il est dit ‘’D’IEU ravive le souffle des
démunis et des accablés’’ ». Et dans les lois de Yom Tov (VI-18) il dit encore « durant les fêtes lorsque
l’homme mange et boit il a l’obligation de se préoccuper à subvenir aux besoins du converti, de
l’orphelin et de la veuve ainsi que tous les pauvres (voir la suite de ses propos).
De tous ces textes nous constatons que l’enjeu de la fête ne peut se jouer sans se tracasser de
l’autre, tout autre soit-il. On ne peut pas vivre pleinement le projet de chaque fête en faisant
l’impasse sur l’autre. La fête de Pessah’ où nous animons nos soirées du Seder par la grande mitsva
de raconter la sortie d’Egypte, ouvre par le fameux texte ‘’kol dih’fin yété véyéh’oul’’ – que tout celui
qui a faim vienne et mange. Notre sortie d’Egypte n’a aucun sens autrement. Si et puisque tu es libre
tu ne devrais pas avoir peur de t’occuper de l’autre. Partage ta joie mais surtout ta liberté, aide
l’autre à connaître la liberté au même rang dans lequel tu te trouves. L’être libre est celui qui ne
supporte pas de voir que l’autre ne l’est pas encore. Ma liberté dépend de celle que je suis à même
d’offrir à l’autre. La liberté ne supporte pas comme définition d’être libre de faire ce que je veux
quand je veux et où je veux. Ceci n’est pas liberté mais l’emprisonnement de nos fantasmes. La
liberté consiste à offrir la liberté à l’autre. Il en est tout autant pour ce qui est du domaine de la joie.
L’être joyeux n’est pas celui qui baigne dans les plaisirs égoïstes, mais c’est celui qui sait rendre
joyeux les autres. Si tu possèdes la joie tu sais la partager, et si tu as peur de la partager c’est que tu
ne la connais pas.
Se rapprocher de D’IEU c’est faire comme D’IEU redonner le goût de la vie à ceux qui sont amères.
Chaque fête a un sens propre, mais le sens commun de toutes les fêtes se trouve dans notre rapport
à l’autre et dans la faculté de lui offrir ce qu’il n’a pas. C’est le réjouir pleinement en l’associant à
notre joie et notre liberté. L’homme libre et joyeux est celui qui se soucie de l’autre. Réjouir l’autre
c’est lui offrir ce qu’il n’a pas, à manger, des bonbons, des vêtements et des bijoux ! C’est le message
succinct de toutes nos fêtes.