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L’interdiction du gaspillage

Rav Imanouël Mergui

La Tora annonce « Lorsque tu t’approches d’une ville pour la combattre, tu ne détruiras pas son arbre, car l’homme est l’arbre des champs » ; même lorsqu’on va en guerre on n’a pas le droit de détruire les arbres fruitiers la raison à cela est que l’homme est l’arbre des champs, quel est le rapport ? Rachi explique : est-ce que l’homme est un arbre ?! Il faut lire à l’interrogative ! Pourquoi détruirais-tu l’arbre puisque tu ne vas pas combattre l’arbre mais seulement les hommes.

Rambam écrit (hilh’ot Mélah’im) : de la même façon qu’en guerre on n’a pas le droit de détruire les arbres ainsi l’homme n’a rien le droit de détruire  selon cela notre verset dit : même lorsque tu vas en guerre tu n’as pas le droit d’être un destructeur à fortiori lorsque ce n’est pas la guerre. L’homme n’a pas le droit de détruire quoi que ce soit gratuitement. C’est une interdiction de la Tora de détruire ou d’abîmer quelque chose sans raison.

Les décisionnaires soulèvent la question de savoir si a-t-on le droit de détruire un arbre pour construire une maison ou élargir la maison ? Ou pour construire la souka ?

La guémara Baba Kama 91b raconte qu’un maître a perdu son fils, le maître s’est interrogé sur la raison de ce drame, il dit : mon fils a abattu le figuier qu’il y avait dans le jardin ! Ceci lui a valu la mort.

Au traité Chabat 140b le talmud rapporte que Rav H’isda dit que celui qui a la possibilité de manger du pain d’orge et consomme plutôt du pain à base de farine de blé qui est meilleure il transgresse l’interdiction de ‘’bal tach’hite’’ ! Rav Papa a dit celui qui a la possibilité de boire de l’alcool et consomme plutôt du vin qui est plus cher que l’alcool il transgresse ‘’bal tach’hite’’ ! Jusqu’où ça va la gravité de détruire c’est quelque chose d’impressionnant. Mais la guémara conclut que ces opinions ne sont pas retenues se basant sur le principe ‘’bal tach’hite dégoufa adif’’ c’est-à-dire que si je préfère le pain à base de farine de blé je ne suis pas obligé de me forcer à manger du pain de qualité inférieure.

Lorsqu’on cause un dommage à autrui on a l’obligation de le dédommager toutefois il reste interdit de causer un dommage au bien d’autrui et ce au titre de ‘’bal tach’hite’’, de ce fait même un objet ‘’hefker’’ n’appartenant à personne il serait interdit de l’endommager gratuitement ! L’interdiction d’endommager un objet est indépendante de sa propriété.

Si déjà on n’a pas le droit d’endommager un objet à fortiori qu’il est un interdit de se blesser ou de se faire du mal physiquement (d’où la question soulevée par les décisionnaires est-ce qu’on a le droit d’avoir recours à la chirurgie esthétique).

Les décisionnaires s’interrogent de savoir s’il est autorisé de se nettoyer les mains avec un citron ? Ou encore nettoyer de la vaisselle avec du citron ?

Fumer : certains décisionnaires pensent que cela s’inscrit dans la notion de ‘’bal tach’hite dégoufo’’ !

A-t-on le droit de casser des objets pour calmer ses nerfs ? Voir Chabat 105b, celui qui déchire des vêtements dans sa colère ou qui dilapide ses biens dans sa colère tu dois le considérer comme un idolâtre, telle est l’exercice du yetser hara il dit à l’homme de casser des objets dans sa colère puis il l’entraîne à commettre l’idolâtrie. C’est-à-dire que le yetser hara l’entraîne à abîmer des choses sous prétexte que bal tach’hite n’est pas une faute grave et de là, je veux dire en apprenant à l’homme de banaliser les fautes, il le conduira à commettre des fautes plus graves. Casser un objet dans sa colère est une transgression de bal tach’hite ; il faut être vigilant de ne point transgresser de commandements de la Tora lorsqu’on est en colère.

La guémara poursuit : si on casse des objets ‘’lémirma émata âl ineché bété’’ – on casse des objets pour imposer une crainte à la maison !, comme la guémara raconte à propos d’un rav qui a cassé un bel objet pour calmer une joie excessive voire dépravée lors du mariage de son fils ; ceci n’est pas considéré comme ‘’bal tach’hite’’, faisons la fête mais il ne faut pas abuser. Ceci n’est pas du bal tach’hite puisqu’il y a une raison « valable ». Rav Yéhouda prenait ses vêtements et en défaisait la couture pour cette cause. Rav Yaakov cassait des objets déjà abîmés. Rabi Aba cassait les couvercles des casseroles. Selon le Sédé H’emed au nom des Richonim rapporte que ces maîtres cassaient des objets entiers. S’il est interdit de casser des objets dans sa colère, la colère excessive conduit l’homme à un manque de maîtrise de soi, mais ces maîtres cassaient des objets alors qu’ils étaient calmes pour imposer une autorité conseillée et autorisée.

Le H’inouh’ écrit : la Tora nous interdit d’abîmer gratuitement tout objet, pour apprendre le positif et le bénéfique ! Le bien et l’intérêt des éléments sont intrinsèques à eux-mêmes, l’homme n’est pas le baromètre de ce qui doit exister ou de ce qui doit être détruit. Le ‘’ceci ne m’apporte plus rien’’ n’est pas une cause suffisante pour détruire quoi que ce soit.

Par extension la procréation et contraception est un sujet grandiose qui touche également la notion de bal tach’hite…

Le H’inouh’ poursuit : ceci est le comportement des gens biens qui recherchent le bien et se réjouissent du bien d’autrui. A tel point qu’ils ne détruisent rien gratuitement pas même une graine de moutarde ! Le bal tach’hite se dit donc même ce qui paraît insignifiant. Ne rien banaliser. Par contre les impies frères des destructeurs qui ne recherchent que la destruction. Or, D’IEU agit avec l’homme selon la même mesure que l’homme use dans sa vie. On n’a même pas le droit de se réjouir de ce qui est détruit. Cette mitsva de ne rien détruire nous conduit à la réjouissance de ce que l’autre a !!! Apprendre à voir le bien qu’il y a dans toute chose à travers ce qu’elle est vraiment. Apprendre à reconnaître le bien dans ce qu’il est – c’est l’enjeu de ne rien détruire. Cela veut dire que la destruction physique et matérielle des choses prouve notre rapport d’avec les éléments. Détruire découle d’un regard négatif de ce qui nous entoure.