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Mon Territoire !

Rav Imanouel Mergui

Dans la Paracha de H’oukat le peuple d’Israël va vivre deux fois la même situation. Au chapitre 20 verset 17 il est raconté que durant son voyage Israël se rapproche des frontières de Edom et demande à ce peuple de traverser son territoire. Mais Edom refuse ! Au chapitre 21 verset 22, le peuple d’Israël a la même requête au peuple de Sih’on lui demandant de traverser son territoire, là aussi ce peuple refuse à Israël cette traversée. Cette une question qui touche l’humanité depuis son existence : le droit au territoire. On pourrait comprendre politiquement ce refus qu’encaisse Israël… Selon quel critère un peuple doit accepter qu’un autre peuple traverse son territoire ou refuse ? Est-ce de l’indifférence envers un peuple en plein voyage ? Est-ce de la cruauté ? Est-ce de l’antisémitisme ? Ou bien on peut accepter ce refus. Le droit de territoire s’est élargit dans l’histoire lorsqu’on parle d’espace aérien ou marin… Ces peuples avaient-ils raison ou tort de refuser ? Qu’aurions-nous fait à leur place ?! Le territoire détermine bien plus qu’un emplacement géographique, de tout temps les peuples entament des guerres, et tout ce que cela implique, pour revendiquer un territoire. Il y a une identité qui se dessine dans le territoire, et il nous est insupportable de voir quelqu’un piétiner sur notre terre. Quitte à le laisser mourir ! Ce phénomène existe également à l’échelle du particulier. Dans les synagogues les gens se disputent leur place. A la maison c’est à table qu’on s’arrache les places, sans parler de la chambre ou du lit ! Non je n’ai pas oublié la place mythique du parking, les gens se disputent sauvagement pour garer leur voiture !

Rav David Lah’ober dans son Livre Até Lémachal page 338 rappelle une étude passionnante dans le Talmud Kétouvot 109B et Yébamot 37B qui traite d’une personne qui a un droit de passage dans les parties communes dans un immeuble ou une cour puis avec le temps les voisins ne le laissent plus passer pour qu’il rentre chez lui, peut-il imposer aux voisins son droit de passage ou doit-il prendre un hélicoptère pour rentrer chez lui ? Sans rentrer ici dans le détail de cette étude profonde qui comprend une grande discussion entre Admon et les H’ah’amim, qui est d’actualité, il y a ici un point fondamental ; lorsqu’on parle de halah’a il faut distinguer entre ce que j’ai le droit de faire et de revendiquer et ce qui n’est pas justifié. On pourrait à titre de bon sens, voire de moral et éthique, imposer aux voisins de le laisser rentrer chez lui, mais la question n’est pas là. Ici on veut savoir au niveau légal, le droit de la halah’a, qu’est-ce qui s’impose ? Le plus fort dans cette histoire c’est que nous avons une personne qui ne peut pas rentrer chez elle sans piétiner sur le territoire de son voisin, de son prochain. Et là nous constatons que l’impossibilité de rentrer chez soi n’est pas une justification absolue pour autoriser l’un de rentrer chez l’autre. La Tora reconnaît le territoire de chacun et il faut un motif puissant pour rentrer chez le voisin sans son autorisation. La question est de savoir quand on peut imposer à l’un de laisser l’autre pénétrer son territoire. C’est une question à prendre très au sérieux et qui touche tout le monde tout le temps. La question de la place que l’autre occupe existe également dans le travail, la profession, et le rôle que l’homme joue dans la famille, la société et la communauté. Quand doit-on céder sa place ou au contraire la revendiquer et la réclamer ?

Tous les matins nous prions que D’IEU nous sauve d’un mauvais voisin ‘’chah’en râ’’. Le mauvais voisin n’est pas que l’antisémite, c’est toute personne qu’on côtoie au quotidien qui ne nous laisse pas un peu de place dans son chez lui pour que je puisse jouir de mon chez moi…

Si le territoire est un droit absolu que reproche-t-on à Edom ? Tout d’abord Edom est un proche parent puisque issu de Esav, frère ennemi de Yaâkov – comment en arrive-t-on à des discordes familiales ? tu refuses à ton frère de rentrer chez toi ??? Rajoutons la violence que Edom formule à Israël « tu ne passera pas chez moi, de crainte que je ne t’accueille avec l’épée » – Edom est prêt à tuer juste pour que Israël ne traverse pas son territoire ! Quelle folie ! Le Baal Hatourim (2018) rappelle le verset dans Téhilim 120-7 « j’ai proposé la paix et ils m’ont accueilli par la guerre »…

Pour Sih’on le schéma est différent, une guerre se déroulera entre Israël et le peuple de Sih’on ! (chapitre 21 versets 21 à 30), l’homme préfère mourir plutôt que de laisser un peu de place à l’autre ! 

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