Rav Imanouel Mergui
Au Lévitique chapitre 18 verset 19 la Tora annonce comme précepte : « vers une femme, dans l’éloignement de son impureté tu ne t’approcheras point pour découvrir sa nudité ».
Et au chapitre 20 verset 18 la Tora indique la sanction : « l’homme qui s’unira intimement avec une femme alors qu’elle a ses menstruations, il a dévoilé sa nudité, elle dévoile l’origine de son sang, les deux seront retranchés du sein de leur peuple ». Les lois de la nida non pratiquées s’inscrivent dans les trente six fautes sur lesquelles la Tora prône la sanction gravissime que représente le karète (voir Kéritoute 2a et Rambam Téchouva chapitre 8). Ne pas pratiquer les lois de nida c’est se retrancher soi même de son D’IEU, de son peuple, de son conjoint et de soi même…
Au chapitre 15 versets 19 à 24 la Tora montre qu’une femme lors de sa période de règles est impure, une impureté qui se communique puisqu’elle rend impur tout ce qu’elle touche. Les lois de la nida sont donc composées de deux parties 1°) l’intimité du couple, 2°) l’impureté communicative. La deuxième partie de ces lois n’est plus praticable de nos jours, comme toutes les lois d’impureté et de pureté, puisque, malheureusement, nous avons tellement abandonnée la Tora que le Temple fut détruit et de nombreux commandements de la Tora sont suspendus jusqu’au retour du Temple… Ce n’est que la première partie qui est encore mise en pratique. Tout saignement provenant de l’utérus, d’une quelconque façon, c’est-à-dire naturelle ou par un acte médical, rend la femme nida et interdit au couple toute proximité physique jusqu’à ce que la femme se rende au mikwé.
De manière générale les lois d’impureté – dites de ‘’touma vétahara’’ – sont difficiles à comprendre, encore plus aujourd’hui où l’impur fait souvent référence au sal, pire encore où l’émancipation de la femme a pris une telle proportion (sans rentrer dans le débat du pour ou contre…) que tout éloignement est mal vécu et bien critiqué. La notion d’impureté insupporte l’être moderne. Dans le passé les règles scrupuleuses de la nida pratiquées étaient la fierté d’Israël, pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? D’ailleurs qu’elle est la fierté d’Israël de nos jours ??? Au traité Bérah’ot 4a le Talmud s’interroge de savoir pourquoi le roi David est appelé ‘’h’assid’’ au Psaume 86 ? Selon une opinion le roi David disait à D’IEU : ‘’Ne suis-je pas un pieux ? Alors que les rois d’orient et d’occident se retrouvent dans des réunions honorables et royales alors que moi, mes mains sont pleines de sang que les femmes me présentent pour savoir si elles sont nida !’’. Le roi David revendique sa piété par ce fait de ne pas jouer la fierté d’un homme d’état s’éloignant de ‘’choses basses’’ ! Il gère, malgré sa fonction royale, les questions d’intimité du couple des plus discrètes et des plus sensibles. Si nos hommes d’état (de quelque état soit-il) prenaient le temps eux-mêmes, de s’occuper de cela il est évident que la facette du monde changerait. Les politiciens s’occupent souvent de problèmes graves de la planète et ont des tâches ô combien délicates ; le roi David quant à lui se ventait de prendre soin de répondre à une femme ayant vu du sang ! Parce que la fierté d’Israël c’est bien cela, je veux dire le respect scrupuleux des règles de la nida. Intéressant est de noter que les femmes se dirigeaient vers le roi David pour lui poser ces questions. Quel courage et quelle audace ! Mais David prenait soin de trouver une solution à ces femmes et ne les repoussaient point parce que cela faisait bien partie intégrante de sa fonction royale. ‘’Je mets mon honneur de coté’’, explique le Maharcha, parce qu’en vérité c’est bien en cela tout l’honneur de notre peuple. Le Ben Ich H’aï s’interroge sur l’expression employée par le roi David ‘’mes mains sont pleines de sang’’, pourquoi David parle de ses mains ? C’est qu’en général le roi ne salit point ses mains ornées de bijoux et d’autres éléments portés par le roi, explique-t-il. Le bijou du roi est bel et bien ce sang de la nida ! Par conséquent bien que le roi a le devoir d’adopter en permanence un comportement digne et noble, sa réelle dignité et noblesse n’est pas les cours royales mais la cour divine et en l’occurrence ce rapport aux lois de la nida est bel et bien la dignité du roi d’Israël (voir Ein Yaâkov). Lorsque le roi David revendique un droit il ne le fait qu’à travers sa préoccupation des lois de la nida ! Le roi David se préoccupait à permettre au couple de s’unir, cette union du couple est appelée ‘’h’essed’’, explique le Gaon de Vilna. Le roi investit dans une mission de souci du bien être du peuple doit se pencher vers la question sensible de l’entente conjugale, il va permettre au couple de se retrouver et de se construire autour d’une vertu cruciale : le h’essed. Tout l’art du couple c’est bien cette qualité si difficilement praticable. De notre discours il ressort que c’est bien à travers les lois de la pureté familiale que ce h’essed va prendre effet ! D’ailleurs David se disant ‘’h’assid’’ de la racine ‘’h’essed’’ a bien choisi les lois de la nida pour se définir comme tel.
Pourquoi les lois de nida font référence au h’essed ? Le h’essed – traduit généralement par la générosité – se veut être la notion de se tourner vers l’autre 1°) avant même que l’autre ne me sollicite, 2°) sans rien attendre de celui qui a reçu mon service, 3°) même si ce service rendu risque de me dégrader par rapport à une fonction quelconque. Ces trois points sont majeurs dans le couple, effectivement doit-on attendre la sollicitation du conjoint pour le/la soutenir etc. ?! Ce que je donne au conjoint doit-il se faire en l’attente d’un quelconque retour ?! Ne suis-je pas tenu d’être h’essed avec l’autre même si je serais mal vu par les autres (amis, parents, etc.) ?! Les lois de la nida sont le carrefour des lois du h’essed, elles obligent chaque conjoint à réviser le regard qu’il a sur et de l’autre ; elles conduisent chaque conjoint à se repositionner en tant qu’individu donneur plutôt que consommateur ; elles atténuent l’ego et la fierté de chacun… On comprendra mieux, me semble-t-il l’enseignement de la Béraïta au traité Kala qui veut que le ’’âz panim’’ – l’effronté soit l’enfant produit d’une union effectuée alors que la femme est nida ! Si cela peut choquer quelques lecteurs ‘’modernes’’ qui refusent 1°) ces lois de nida, 2°) de constater qu’elles ont un effet sur les enfants, la Tora veut qu’on pense autrement. Il est d’évidence que le comportement du couple en général et en particulier dans leur sexualité ait une influence directe et incontestable sur l’enfant issu de ce couple et de cette union. Or si les lois de la nida permettent au couple de vivre dans l’univers du h’essed, il en résulte que le non respect de ces lois conduit à son contraire. Selon mon discours l’origine de l’absence de h’essed n’est pas l’avarice mais la fierté de soi qui m’empêche de tourner mon regard vers l’autre. L’absence de h’essed c’est ce regard hautin et inattentif que j’ai pour l’autre – c’est bien cela la définition de âz panim – l’effronté. L’enfant qui naît dans un univers où chacun pense à soi, où la fierté est règle d’or il aura beaucoup de mal à se tourner dignement vers le ‘’besoin’’ de l’autre, cet autre qui sera dans le futur son propre conjoint. C’est bien cela que nous apprend, entre autre, le roi David : vivre dans le h’essed c’est se salir les mains les plus ornées et les plus sacrées pour venir au secours de ceux dont la base de leur existence est le h’essed même. On a besoin aujourd’hui d’apprendre à se tourner vers l’autre, cet autre le plus proche, déjà pour vivre en harmonie dans son couple mais surtout parce que la fierté d’Israël c’est le respect de l’autre, tous les exercices du h’essed sont bons, les lois de la nida s’inscrivent dans cet exercice complexe et nécessaire du h’essed.
Aller au mikwé une fois par mois ce n’est pas la mer à boire !